Vie De Jesus
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CHAPITRE XIII. PREMIÈRES TENTATIVES S UR JÉRUSALEM.
Jésus, presque tous les ans, allait à Jérusalem pour la fête de Pâques. Le détail de chacun de ces voyages est peu connu; car les synoptiques n'en parlent pas [585], et les notes du quatrième évangile sont ici très-confuses [586]. C'est, à ce qu'il semble, l'an 31, et certainement après la mort de Jean, qu'eut lieu le plus important des séjours de Jésus dans la capitale. Plusieurs des disciples le suivaient. Quoique Jésus attachât dès lors peu de valeur au pèlerinage, il s'y prêtait pour ne pas blesser l'opinion juive, avec laquelle il n'avait pas encore rompu. Ces voyages, d'ailleurs, étaient essentiels à son dessein; car il sentait déjà que, pour jouer un rôle de premier ordre, il fallait sortir de Galilée, et attaquer le judaïsme dans sa place forte, qui était Jérusalem.
La petite communauté galiléenne était ici fort dépaysée. Jérusalem était alors à peu près ce qu'elle est aujourd'hui, une ville de pédantisme, d'acrimonie, de disputes, de haines, de petitesse d'esprit. Le fanatisme y était extrême et les séditions religieuses très-fréquentes. Les pharisiens y dominaient; l'étude de la Loi, poussée aux plus insignifiantes minuties, réduite à des questions de casuiste, était l'unique étude. Cette culture exclusivement théologique et canonique ne contribuait en rien à polir les esprits. C'était quelque chose d'analogue à la doctrine stérile du faquih musulman, à cette science creuse qui s'agite autour d'une mosquée, grande dépense de temps et de dialectique faite en pure perte, et sans que la bonne discipline de l'esprit en profite. L'éducation théologique du clergé moderne, quoique très-sèche, ne peut donner aucune idée de cela; car la Renaissance a introduit dans tous nos enseignements, même les plus rebelles, une part de belles-lettres et de bonne méthode, qui fait que la scolastique a pris plus ou moins une teinte d'humanités. La science du docteur juif, du sofer ou scribe, était purement barbare, absurde sans compensation, dénuée de tout élément moral [587]. Pour comble de malheur, elle remplissait celui qui s'était fatigué à l'acquérir d'un ridicule orgueil. Fier du prétendu savoir qui lui avait coûté tant de peine, le scribe juif avait pour la culture grecque le même dédain que le savant musulman a de nos jours pour la civilisation européenne, et que le vieux théologien catholique avait pour le savoir des gens du monde. Le propre de ces cultures scolastiques est de fermer l'esprit à tout ce qui est délicat, de ne laisser d'estime que pour les difficiles enfantillages où l'on a usé sa vie, et qu'on envisage comme l'occupation naturelle des personnes faisant profession de gravité [588].
Ce monde odieux ne pouvait manquer de peser fort lourdement sur les âmes tendres et délicates du nord. Le mépris des Hiérosolymites pour les Galiléens rendait la séparation encore plus profonde. Dans ce beau temple, objet de tous leurs désirs, ils ne trouvaient souvent que l'avanie. Un verset du psaume des pèlerins [589], «J'ai choisi de me tenir à la porte dans la maison de mon Dieu,» semblait fait exprès pour eux. Un sacerdoce dédaigneux souriait de leur naïve dévotion, à peu près comme autrefois en Italie le clergé, familiarisé avec les sanctuaires, assistait froid et presque railleur à la ferveur du pèlerin venu de loin. Les Galiléens parlaient un patois assez corrompu; leur prononciation était vicieuse; ils confondaient les diverses aspirations, ce qui amenait des quiproquo dont on riait beaucoup [590]. En religion, on les tenait pour ignorants et peu orthodoxes [591]; l'expression «sot Galiléen» était devenue proverbiale [592]. On croyait (non sans raison) que le sang juif était chez eux très-mélangé, et il passait pour constant que la Galilée ne pouvait produire un prophète [593]. Placés ainsi aux confins du judaïsme et presque en dehors, les pauvres Galiléens n'avaient pour relever leurs espérances qu'un passage d'Isaïe assez mal interprété [594]: «Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Voie de la mer [595], Galilée des gentils! Le peuple qui marchait dans l'ombre a vu une grande lumière; le soleil s'est levé pour ceux qui étaient assis dans les ténèbres.» La renommée de la ville natale de Jésus était particulièrement mauvaise. C'était un proverbe populaire: «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth [596].»
La profonde sécheresse de la nature aux environs de Jérusalem devait ajouter au déplaisir de Jésus. Les vallées y sont sans eau; le sol, aride et pierreux. Quand l'œil plonge dans la dépression de la mer Morte, la vue a quelque chose de saisissant; ailleurs elle est monotone. Seule, la colline de Mizpa, avec ses souvenirs de la plus vieille histoire d'Israël, soutient le regard. La ville présentait, du temps de Jésus, à peu près la même assise qu'aujourd'hui. Elle n'avait guère de monuments anciens, car jusqu'aux Asmonéens, les Juifs étaient restés étrangers à tous les arts; Jean Hyrcan avait commencé à l'embellir, et Hérode le Grand en avait fait une des plus superbes villes de l'Orient. Les constructions hérodiennes le disputent aux plus achevées de l'antiquité par leur caractère grandiose la perfection de l'exécution, la beauté des matériaux [597]. Une foule de superbes tombeaux, d'un goût original, s'élevaient vers le même temps aux environs de Jérusalem [598]. Le style de ces monuments était le style grec, mais approprié aux usages des Juifs, et considérablement modifié selon leurs principes. Les ornements de sculpture vivante, que les Hérodes se permettaient, au grand mécontentement des rigoristes, en étaient bannis et remplacés par une décoration végétale. Le goût des anciens habitants de la Phénicie et de la Palestine pour les monuments monolithes taillés sur la roche vive, semblait revivre en ces singuliers tombeaux découpés dans le rocher, et où les ordres grecs sont si bizarrement appliqués à une architecture de troglodytes. Jésus, qui envisageait les ouvrages d'art comme un pompeux étalage de vanité, voyait tous ces monuments de mauvais œil. [599] Son spiritualisme absolu et son opinion arrêtée que la figure du vieux monde allait passer ne lui laissaient de goût que pour les choses du cœur.
Le temple, à l'époque de Jésus, était tout neuf, et les ouvrages extérieurs n'en étaient pas complètement terminés. Hérode en avait fait commencer la reconstruction l'an 20 ou 21 avant l'ère chrétienne, pour le mettre à l'unisson de ses autres édifices. Le vaisseau du temple fut achevé en dix-huit mois, les portiques en huit ans; [600] mais les parties accessoires se continuèrent lentement et ne furent terminées que peu de temps avant la prise de Jérusalem [601]. Jésus y vit probablement travailler, non sans quelque humeur secrète. Ces espérances d'un long avenir étaient comme une insulte à son prochain avènement. Plus clairvoyant que les incrédules et les fanatiques, il devinait que ces superbes constructions étaient appelées à une courte durée [602].
