Vie De Jesus
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Il n'attacha jamais beaucoup d'importance aux événements politiques de son temps, et il en était probablement mal informé. La dynastie des Hérodes vivait dans un monde si différent du sien, qu'il ne la connut sans doute que de nom. Le grand Hérode mourut vers l'année même où il naquit, laissant des souvenirs impérissables, des monuments qui devaient forcer la postérité la plus malveillante d'associer son nom à celui de Salomon, et néanmoins une œuvre inachevée, impossible à continuer. Ambitieux profane, égaré dans un dédale de luttes religieuses, cet astucieux Iduméen eut l'avantage que donnent le sang-froid et la raison, dénués de moralité, au milieu de fanatiques passionnés. Mais son idée d'un royaume profane d'Israël, lors même qu'elle n'eût pas été un anachronisme dans l'état du monde où il la conçut, aurait échoué, comme le projet semblable que forma Salomon, contre les difficultés venant du caractère même de la nation. Ses trois fils ne furent que des lieutenants des Romains, analogues aux radjas de l'Inde sous la domination anglaise. Antipater ou Antipas, tétrarque de la Galilée et de la Pérée, dont Jésus fut le sujet durant toute sa vie, était un prince paresseux et nul [168], favori et adulateur de Tibère [169], trop souvent égaré par l'influence mauvaise de sa seconde femme Hérodiade [170]. Philippe, tétrarque de la Gaulonitide et de la Batanée, sur les terres duquel Jésus fit de fréquents voyages, était un beaucoup meilleur souverain [171]. Quant à Archélaüs, ethnarque de Jérusalem, Jésus ne put le connaître. Il avait environ dix ans quand cet homme faible et sans caractère, parfois violent, fut déposé par Auguste [172]. La dernière trace d'autonomie fut de la sorte perdue pour Jérusalem. Réunie à la Samarie et à l'Idumée, la Judée forma une sorte d'annexe de la province de Syrie, où le sénateur Publius Sulpicius Quirinius, personnage consulaire fort connu [173], était légat impérial. Une série de procurateurs romains, subordonnés pour les grandes questions au légat impérial de Syrie, Coponius, Marcus Ambivius, Annius Rufus, Valérius Gratus, et enfin (l'an 26 de notre ère), Pontius Pilatus, s'y succèdent [174], sans cesse occupés à éteindre le volcan qui faisait éruption sous leurs pieds.
De continuelles séditions excitées par les zélateurs du mosaïsme ne cessèrent en effet, durant tout ce temps, d'agiter Jérusalem [175]. La mort des séditieux était assurée; mais la mort, quand il s'agissait de l'intégrité de la Loi, était recherchée avec avidité. Renverser les aigles, détruire les ouvrages d'art élevés par les Hérodes, et où les règlements mosaïques n'étaient pas toujours respectés [176], s'insurger contre les écussons votifs dressés par les procurateurs, et dont les inscriptions paraissaient entachées d'idolâtrie [177], étaient de perpétuelles tentations pour des fanatiques parvenus à ce degré d'exaltation qui ôte tout soin de la vie. Juda, fils de Sariphée, Mathias, fils de Margaloth, deux docteurs de la loi fort célèbres, formèrent ainsi un parti d'agression hardie contre l'ordre établi, qui se continua après leur supplice [178]. Les Samaritains étaient agités de mouvements du même genre [179]. Il semble que la Loi n'eût jamais compté plus de sectateurs passionnés qu'au moment où vivait déjà celui qui, de la pleine autorité de son génie et de sa grande âme, allait l'abroger. Les «Zélotes» (Kenaïm) ou «Sicaires,» assassins pieux, qui s'imposaient pour tâche de tuer quiconque manquait devant eux à la Loi, commençaient à paraître [180]. Des représentants d'un tout autre esprit, des thaumaturges, considérés comme des espèces de personnes divines, trouvaient créance, par suite du besoin impérieux que le siècle éprouvait de surnaturel et de divin [181].
Un mouvement qui eut beaucoup plus d'influence sur Jésus fut celui de Juda le Gaulonite ou le Galiléen. De toutes les sujétions auxquelles étaient exposés les pays nouvellement conquis par Rome, le cens était la plus impopulaire [182]. Cette mesure, qui étonne toujours les peuples peu habitués aux charges des grandes administrations centrales, était particulièrement odieuse aux Juifs. Déjà, sous David, nous voyons un recensement provoquer de violentes récriminations et les menaces des prophètes [183]. Le cens, en effet, était la base de l'impôt; or l'impôt, dans les idées de la pure théocratie, était presque une impiété. Dieu étant le seul maître que l'homme doive reconnaître, payer la dîme à un souverain profane, c'est en quelque sorte le mettre à la place de Dieu. Complètement étrangère à l'idée de l'État, la théocratie juive ne faisait en cela que tirer sa dernière conséquence, la négation de la société civile et de tout gouvernement. L'argent des caisses publiques passait pour de l'argent volé [184]. Le recensement ordonné par Quirinius (an 6 de l'ère chrétienne) réveilla puissamment ces idées et causa une grande fermentation. Un mouvement éclata dans les provinces du nord. Un certain Juda, de la ville de Gamala, sur la rive orientale du lac de Tibériade, et un pharisien nommé Sadok se firent, en niant la légitimité de l'impôt, une école nombreuse, qui aboutit bientôt à une révolte ouverte [185]. Les maximes fondamentales de l'école étaient qu'on ne doit appeler personne «maître,» ce titre appartenant à Dieu seul, et que la liberté vaut mieux que la vie. Juda avait sans doute bien d'autres principes, que Josèphe, toujours attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, passe à dessein sous silence; car on ne comprendrait pas que pour une idée aussi simple, l'historien juif lui donnât une place parmi les philosophes de sa nation et le regardât comme le fondateur d'une quatrième école, parallèle à celles des Pharisiens, des Sadducéens, des Esséniens. Juda fut évidemment le chef d'une secte galiléenne, préoccupée de messianisme, et qui aboutit à un mouvement politique. Le procurateur Coponius écrasa la sédition du Gaulonite; mais l'école subsista et conserva ses chefs. Sous la conduite de Menahem, fils du fondateur, et d'un certain Éléazar, son parent, on la retrouve fort active dans les dernières luttes des Juifs contre les Romains [186]. Jésus vit peut-être ce Juda, qui conçut la révolution juive d'une façon si différente de la sienne; il connut en tout cas son école, et ce fut probablement par réaction contre son erreur qu'il prononça l'axiome sur le denier de César. Le sage Jésus, éloigné de toute sédition, profita de la faute de son devancier, et rêva un autre royaume et une autre délivrance.
