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Belle Catherine

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Belle Catherine
Название: Belle Catherine
Дата добавления: 15 январь 2020
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Belle Catherine - читать бесплатно онлайн , автор Бенцони Жюльетта

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Une dernière fois, il embrassait sa femme, puis, la quittant, se dirigeait vers son cheval que tenait Fortunat. Une impulsion jeta Catherine sur ses pas : elle voulait le suivre. Mais elle se retint : il ne le lui permettrait pas. Il fallait les laisser partir, puis les rejoindre, à distance.

De la maison étaient sorties Sara, portant Michel qui gazouillait, Isabelle de Montsalvy et Donatienne qui s'essuyait les yeux au coin de son tablier. Marie avait disparu comme par enchantement. D'un mouvement instinctif, Catherine avait pris son fils dans ses bras. Il était d'excellente humeur, ce matin, et souriait à sa mère dont le cœur fondit de tendresse. Le contraste était trop cruel entre ce bébé joyeux et ces hommes, mal armés, si peu nombreux, qui s'en allaient affronter une troupe de forbans aguerris, rompus à toutes les ruses, à tous les ravages... Ses yeux se brouillèrent de larmes et elle ne vit pas qu'Isabelle l'observait.

Mais, quand Arnaud et ses hommes eurent disparu sous le couvert des sapins, Catherine, se tournant brusquement vers sa belle-mère, lui tendit l'enfant.

— Prenez Michel, dit-elle calmement. Moi, je vais voir.

— Vous êtes folle ? La place d'une femme n'est pas avec les hommes. Savez-vous ce que vous risquez ?

La jeune femme eut un triste sourire qui n'atteignit pas ses yeux.

— Je sais surtout ce que risque Arnaud et c'est là tout ce qui importe pour moi.

— Votre fils ne vous retient pas ? fit Isabelle, un pli de dédain au coin des lèvres. Une bonne mère ne doit jamais quitter son enfant.

— Peut-être suis-je meilleure épouse que mère. Au surplus, Madame, il vous a pour veiller sur lui en mon absence, vous êtes sa grand-mère. Enfin... s'il m'arrivait malheur, je crois que cela simplifierait bien des choses, n'est-ce pas ?

Et, sans attendre la réponse d'Isabelle qui, médusée, la regardait avec stupeur, Catherine tourna les talons et s'en alla à l'écurie. Sans l'aide de personne, elle sella et brida Morgane, puis, sautant en selle, prit à son tour, sur les traces de la troupe, le chemin de Montsalvy.

À mesure qu'elle montait vers le village, Catherine percevait plus nettement le son des cloches et se guidait sur elles autant que sur le sol foulé par les hommes d'Arnaud. Comme Jehanne la Pucelle, Catherine avait toujours aimé les cloches dont les voix, graves ou aiguës, se répondant à travers le ciel, lui semblaient parler quelque mystérieux langage hors du temps, hors de la terre. Mais, ce matin, leur battement sinistre la frappa. Les cloches du monastère sonnaient en glas et Catherine sentit un frisson courir le long de son dos.

La pensée lui revint que l'on entrait, ce jour-là, en Carême. Le morne égrènement mélodieux appelait les paysans aux Cendres de l'humilité, mais le cœur inquiet de la jeune femme y voyait un mauvais présage. Elle noua un instant ses doigts froids dans la crinière de Morgane pour chercher un peu de chaleur, pour toucher quelque chose de vivant.

Volontairement, elle détourna les yeux du puy de l'Arbre et de ses ruines noires, talonna sa jument et, tête baissée, fonça dans le sous-bois.

Au moment de quitter le couvert des arbres et de déboucher sur le plateau, Catherine retint Morgane, instinctivement, et l'obligea à s'arrêter. D'où elle était, elle voyait parfaitement l'enceinte fortifiée de Montsalvy et sa porte nord grande ouverte. Elle voyait aussi des paysans qui arrivaient par les petits sentiers, se hâtant, fronts penchés et dos ronds, comme s'ils étaient poursuivis par quelque fléau. Mais nulle part il n'y avait trace d'Arnaud ni d'aucun de ses hommes. Perplexe, Catherine considéra un moment ce qui se passait devant elle. Les deux archers qui montaient la garde à la porte avaient mauvaise mine, des vêtements minables, mais des armes luisantes. L'arc tenu à deux mains, prêt à servir, ils regardaient entrer les paysans d'un air hargneux. Là-haut dans le ciel, sur les tours du monastère, Catherine vit flotter l'étendard rouge frappé de barres et de croissants qu'elle avait déjà vu sur les murs de Ventadour : les armes de Villa- Andrado jointes à un pennon bariolé plus petit qui représentait le routier Valette, son lieutenant. Une brusque colère la gonfla : c'était bien sur les ordres de l'Espagnol que Valette avait brûlé Montsalvy et elle comprenait maintenant pourquoi Rodrigue avait refusé les remerciements d'Arnaud ; il savait déjà ce qui s'était passé dans le fief de son ennemi.

Prudemment, Catherine décida d'entrer à pied dans Montsalvy. Puisqu'elle ne voyait pas son époux, le mieux était de passer aussi inaperçue que possible et Morgane était bien trop voyante, outre le fait qu'elle pouvait largement exciter la convoitise d'un malandrin. Elle mit pied à terre, conduisit la petite jument par la bride assez profond dans le sous-bois, là où personne ne la verrait. Puis elle l'attacha à un arbre et, après lui avoir recommandé de l'attendre tranquillement, elle s'éloigna vers le village.

Sa robe de laine brune et la grande cape grise qui la recouvrait n'avaient rien qui pût attirer l'attention. C'étaient de modestes vêtements, assez fatigués d'ailleurs par le voyage. Mais, pour franchir la porte, Catherine tira son capuchon jusque sur ses yeux. Elle s'avança en s'efforçant de garder une allure naturelle bien que son cœur battît plus vite. En vain, d'ailleurs ; les hommes d'armes ne lui prêtèrent pas la moindre attention. Seul, l'un d'eux ricana :

— Allons, croquants, dépêchez ! Sinon vous allez manquer le spectacle...

Le spectacle ? La jeune femme ne s'attarda pas à poser des questions.

Elle pressa le pas, franchit la voûte ronde et se retrouva dans l'étroite et unique rue où, à l'ombre du couvent bénédictin, se tassaient les maisons basses de Montsalvy. À l'église, le glas sonnait toujours et les notes lugubres tombaient d'aplomb sur la tête de Catherine. D'autres gens, en guenilles pour la plupart et l'air accablé, suivaient le même chemin.

En débouchant sur la petite place où s'ouvrait l'église .romane, elle vit qu'une foule silencieuse l'emplissait, grossie d'instant en instant par ceux qui venaient du dehors et ceux qui, marqués de cendre grise, sortaient de l'église. Ces derniers marchaient le front bas, évitant de regarder les hommes d'armes massés au portail et l'homme enchaîné qu'ils gardaient. C'était un petit bonhomme bossu et contrefait dont le visage gris avait la couleur même de cette cendre qui marquait les autres. Sa mine défaite, ses yeux hagards contrastaient violemment avec les oripeaux bariolés dont il était vêtu. Des chausses mi- partie rouges et vertes flottaient autour de ses jambes tordues. Une tunique jaune ornée de grelots, un grand manteau rouge et une couronne de carton doré lui composaient un costume grotesque, qui eût été risible si l'homme qui le portait n'eût été si pitoyable. Mais personne n'avait envie de rire et Catherine pas plus que les autres. Elle ne voyait que des regards fichés en terre, des mains aux poings serrés, des joues creusées par les larmes et les privations.

De temps en temps, un sanglot crevait le lourd silence qui planait entre chacun des lents battements de la cloche. Les trognes féroces, hilares et avinées des routiers formaient un effrayant contraste avec tous ces visages griffés par la peur et la douleur.

Dans l'église, maintenant, des chants funèbres se faisaient entendre et l'on voyait brasiller des cierges par le portail ouvert. Catherine tourna les yeux autour d'elle, incapable de comprendre ce qui se passait. Et où donc étaient Arnaud, Gauthier, Saturnin... et les autres ? Elle avait l'impression absurde de rêver et se pinça pour s'assurer qu'elle était bien éveillée.

La foule murmura soudain. Sous le tympan de pierre, sculpté de personnages naïfs aux gestes raides, un très vieil homme mitré, crosse en main, venait d'apparaître auprès d'un guerrier au visage osseux et rusé dont l'armure cabossée et la prétentieuse dalmatique de soie qui la recouvrait ne parvenaient pas à dissimuler l'effrayante maigreur. La peau tannée couvrait seulement la carcasse du visage qui avait l'aspect terrifiant d'une tête de mort. L'homme était si affreux que Catherine ferma les yeux un instant. Les plumes vertes dansant au cimier du nouveau venu ajoutaient encore à son côté spectral. L'abbé qui se tenait à ses côtés, si pâle sous les broderies d'or de la mitre, osait à peine tourner les yeux vers lui.

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