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Le Golem

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Le Golem
Название: Le Golem
Автор: Meyrink Gustav
Дата добавления: 16 январь 2020
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Le Golem читать книгу онлайн

Le Golem - читать бесплатно онлайн , автор Meyrink Gustav

Tous les trente-trois ans le Golem, cr?ature d'argile que certains rabbins dou?s de pouvoirs magiques savent transformer en sinistre automate, appara?t dans le ghetto de Prague afin d'y hanter ses habitants dans un but myst?rieux. Lors d'une nuit tourment?e, le narrateur plonge dans un r?ve qui va le faire vivre des ?v?nements qui se sont pass?s, il y a plus de trente ans, dans le vieux ghetto de Prague. Dans la peau d'un certain tailleur, Athanasius Pernath, il va errer dans le labyrinthe du ghetto, et va ainsi acc?der ? son propre pass?…

Le Golem est l'un des grands classiques de la litt?rature fantastique, l'un des chefs-d'oeuvre de la litt?rature germanophone. Cet ?trange roman, si myst?rieux qu'on n'en devine pas toutes les richesses ? la premi?re lecture, marie la cabale et le folklore des ghettos, le fantastique et le policier, le psychologique et l'amour, alliant le r?ve, la folie, les th?ories freudiennes, les fant?mes, les brumes romantiques, les myst?res ?gyptiens, la franc-ma?onnerie et l'occultisme…

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«Seulement moi aussi j’ai grandi dans le ghetto, moi aussi j’ai cette ambiance de ruse diabolique dans le sang et c’est pour cela que j’ai pu le perdre comme les puissances invisibles perdent un homme, comme frappe l’éclair jailli d’un ciel bleu.

«Le mérite de l’avoir démasqué revient à un jeune médecin allemand, le Dr Savioli – je l’ai poussé en avant et j’ai accumulé preuve sur preuve jusqu’au jour où le bras du procureur s’est tendu vers le Dr Wassory.

«Alors le monstre s’est tué! Bénie soit cette heure!

«Comme si mon double s’était tenu à côté de lui et avait conduit sa main, il s’est suicidé avec une fiole de nitrite d’amyle que j’avais laissée exprès dans son cabinet le jour où je l’avais amené à diagnostiquer chez moi un faux glaucome, exprès et avec le brûlant désir que ce fût ce poison qui lui portât le dernier coup.

«Dans la ville, on a raconté qu’il avait eu une congestion cérébrale. Inhalé, le nitrite d’amyle tue en effet comme une congestion cérébrale. Mais la fable n’a pas pu être maintenue longtemps.

Soudain, le regard de Charousek devint fixe, absent, comme si l’étudiant s’était plongé dans un profond problème, puis il haussa les épaules dans la direction de la boutique d’Aaron Wassertrum.

– Maintenant il est seul, marmonna-t-il, tout seul avec sa cupidité et… avec la figure de cire.

Le cœur me battit jusque dans la gorge.

Je regardai Charousek avec effroi. Est-il fou? Ce sont les rêves du délire qui lui suggèrent de pareilles idées. Sûrement, sûrement, il a tout inventé, tout imaginé! Les horreurs qu’il a racontées sur l’oculiste ne peuvent pas être vraies. Il est tuberculeux et les fièvres de la mort tournoient dans son cerveau.

Je voulus le calmer par quelques mots de plaisanterie et détourner ses pensées vers des sujets plus sereins. Mais avant que j’eusse trouvé un seul mot, le souvenir du visage de Wassertrum me traversa l’esprit tel un éclair, avec la lèvre supérieure fendue en bec de lièvre et ses yeux de poisson tout ronds, quand il avait ouvert la porte pour regarder un instant dans ma chambre.

Le Dr Savioli! Le Dr Savioli! Mais oui, c’était le nom du jeune homme que Zwakh, le montreur de marionnettes, m’avait confié tout bas, celui du locataire distingué qui occupait l’atelier.

Le Dr Savioli! Un cri jaillit en moi. Une succession d’images confuses se déroula dans mon esprit, poursuivie par d’affreux pressentiments qui m’envahissaient. Je voulais interroger Charousek, lui raconter très vite ce que j’avais vu et vécu alors, mais je m’aperçus qu’un violent accès de toux le secouait et menaçait de le terrasser. Je pus tout juste l’entrevoir qui s’éloignait dehors, sous la pluie, en s’appuyant de la main au mur après m’avoir adressé un bref signe de tête.

Oui, oui, il a raison, ce n’est pas la fièvre qui l’a fait parler, c’est l’esprit du crime, insaisissable, qui rôde nuit et jour dans ces ruelles et cherche à s’incarner. Il est dans l’air et nous ne le voyons pas. Soudain, il s’abat sur l’âme d’un homme et nous ne nous en doutons pas, oui, là-bas et avant que nous ayons pu le saisir, il a perdu sa forme et tout est passé depuis longtemps.

Seuls des mots sombres sur quelque événement atroce nous viennent aux lèvres.

D’un seul coup, je compris jusqu’au tréfonds de leur être ces créatures énigmatiques qui habitent autour de moi: elles traversent l’existence sans volonté, animées par un courant magnétique invisible… comme, il y a un moment, le bouquet de mariée flottant dans la rigole dégoûtante.

Il me sembla que les maisons me regardaient avec des visages sournois, pleins d’une méchanceté sans nom. Les portes: des gueules noires larges ouvertes aux dents gâtées, des gosiers qui pouvaient à chaque instant pousser un hurlement si perçant et si chargé de haine que nous en serions effrayés jusqu’au plus profond de nous-mêmes.

Qu’avait donc encore dit l’étudiant pour finir, à propos du brocanteur? Je chuchotai ses mots à part moi: Aaron Wassertrum restait maintenant seul avec sa cupidité et… sa figure de cire.

Qu’est-ce qu’il a pu vouloir dire par là? Il doit s’agir d’une comparaison – je cherchais à me rassurer – une de ces comparaisons morbides par lesquelles il essaie de surprendre, qu’on ne comprend pas et qui, si elles se matérialisent plus tard inopinément, peuvent effrayer comme autant d’objets aux formes inusitées sur lesquels tombe brusquement un rayon de lumière crue.

Je respirai profondément pour me calmer et dissiper l’impression affreuse que le récit de Charousek avait produite sur moi. Je regardai de plus près ceux qui attendaient avec moi sous la porte cochère. À côté de moi, le gros vieillard, celui qui avait ri de façon si répugnante un peu auparavant. Vêtu d’une redingote noire, les mains gantées, il regardait fixement de ses yeux proéminents la porte de la maison en face. Son visage rasé aux traits grossiers frémissait de surexcitation.

Involontairement, je suivis son regard et remarquai qu’il s’accrochait, fasciné, à Rosina la Rouge qui se tenait de l’autre côté de la rue, son éternel sourire aux lèvres. Le vieux s’évertuait à lui faire des signes et je voyais qu’elle s’en rendait très bien compte, mais faisait celle qui ne comprenait pas.

Finalement, n’y tenant plus, il se lança dans la boue sur la pointe des pieds, sautillant au-dessus des flaques avec une élasticité grotesque, comme un gros ballon de caoutchouc noir.

On paraissait le connaître, d’après des remarques que j’entendais partout tomber. Derrière moi, un genre d’apache, une écharpe rouge tricotée autour du cou, une casquette militaire bleue sur la tête, la cigarette derrière l’oreille, lança en grimaçant des allusions que je ne compris pas. Je saisis seulement que dans la ville juive le vieux était appelé le «franc-maçon» et que, dans leur langue, ce surnom désignait quelqu’un qui s’intéressait aux petites filles, mais que ses relations étroites avec la police assuraient de l’impunité.

Puis le visage de Rosina et le vieux disparurent dans l’obscurité du vestibule de la maison.

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