Le Mystere De La Chambre Jaune
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Des cris et des coups de feu se font entendre dans une chambre annexe au laboratoire du pavillon du ch?teau o? dort la belle Mathilde, fille du c?l?bre professeur Stangerson. Tout de suite, son p?re accompagn? de l’un de ses domestiques, le p?re Jacques, se pr?cipite ? la porte qu’il trouve clause. Tr?s vite rejoints par le concierge du Glandier et son ?pouse, ils parviennent ? enfoncer la porte.
Une fois dans la «chambre jaune», ils d?couvrent Mathilde r?lant, allong?e sur le sol et pleine de sang. On peut apercevoir des marques impressionnantes d’ongles sur son cou. Le criminel a fil?. Pourtant, la porte est prise d’assaut par quatre personnes et l’unique fen?tre grillag?e de la pi?ce est verrouill?e avec ses volets clos qu’on ne peut fermer que de l’int?rieur. Aucune fuite n’est possible! Le jeune Rouletabille d?cide de se rendre sur le lieu du crime afin de retrouver la trace du malfaiteur.
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– Non, m’sieur le président, protesta avec force le jeune homme. Vous oubliez que Mlle Stangerson, assommée, ne pouvait plus faire de prière, qu’elle ne pouvait plus refermer sur elle ni le verrou ni la serrure… Vous oubliez aussi que M. Stangerson a juré sur la tête de sa fille à l’agonie que la porte ne s’était pas ouverte!
– C’est pourtant, monsieur, la seule façon d’expliquer les choses! La Chambre Jaune était close comme un coffre-fort. Pour me servir de vos expressions, il était impossible à l’assassin de s’en échapper «normalement ou anormalement». Quand on pénètre dans la chambre, on ne le trouve pas! Il faut bien pourtant qu’il s’échappe!…
– C’est tout à fait inutile, m’sieur le président…
– Comment cela?
– Il n’avait pas besoin de s’échapper, s’il n’y était pas!»
Rumeurs dans la salle…
«Comment, il n’y était pas?
– Évidemment non! Puisqu’il ne pouvait pas y être, c’est qu’il n’y était pas! Il faut toujours, m’sieur l’président, s’appuyer sur le bon bout de sa raison!
– Mais toutes les traces de son passage! protesta le président.
– Ça, m’sieur le président, c’est le mauvais bout de la raison!… Le bon bout nous indique ceci: depuis le moment où Mlle Stangerson s’est enfermée dans sa chambre jusqu’au moment où l’on a défoncé la porte, il est impossible que l’assassin se soit échappé de cette chambre; et, comme on ne l’y trouve pas, c’est que, depuis le moment de la fermeture de la porte jusqu’au moment où on la défonce, l’assassin n’était pas dans la chambre!
– Mais les traces?
– Eh! m’sieur le président… Ça, c’est les marques sensibles, encore une fois… les marques sensibles avec lesquelles on commet tant d’erreurs judiciaires parce qu’elles vous font dire ce qu’elles veulent! Il ne faut point, je vous le répète, s’en servir pour raisonner! Il faut raisonner d’abord! Et voir ensuite si les marques sensibles peuvent entrer dans le cercle de votre raisonnement… J’ai un tout petit cercle de vérité incontestable: l’assassin n’était point dans la Chambre Jaune! Pourquoi a-t-on cru qu’il y était? À cause des marques de son passage! Mais il peut être passé avant! Que dis-je: il «doit» être passé avant. La raison me dit qu’il faut qu’il soit passé là, avant ! Examinons les marques et ce que nous savons de l’affaire, et voyons si ces marques vont à l’encontre de ce passage avant… avant que Mlle Stangerson s’enferme dans sa chambre, devant son père et le père Jacques!
«Après la publication de l’article du Matin et une conversation que j’eus dans le trajet de Paris à Épinay-sur-Orge avec le juge d’instruction, la preuve me parut faite que la «Chambre Jaune» était mathématiquement close et que, par conséquent, l’assassin en avait disparu avant l’entrée de Mlle Stangerson dans sa chambre, à minuit.
«Les marques extérieures se trouvaient alors être terriblement «contre ma raison». Mlle Stangerson ne s’était pas assassinée toute seule, et ces marques attestaient qu’il n’y avait pas eu suicide. L’assassin était donc venu avant! Mais comment Mlle Stangerson n’avait-elle été assassinée qu’après? ou plutôt «ne paraissait-elle» avoir été assassinée qu’après? Il me fallait naturellement reconstituer l’affaire en deux phases, deux phases bien distinctes l’une de l’autre de quelques heures: la première phase pendant laquelle on avait réellement tenté d’assassiner Mlle Stangerson, tentative qu’elle avait dissimulée; la seconde phase pendant laquelle, à la suite d’un cauchemar qu’elle avait eu, ceux qui étaient dans le laboratoire avaient cru qu’on l’assassinait!
«Je n’avais pas encore, alors, pénétré dans la «Chambre Jaune». Quelles étaient les blessures de Mlle Stangerson? Des marques de strangulation et un coup formidable à la tempe… Les marques de strangulation ne me gênaient pas. Elles pouvaient avoir été faites «avant» et Mlle Stangerson les avait dissimulées sous une collerette, un boa, n’importe quoi! Car, du moment que je créais, que j’étais obligé de diviser l’affaire en deux phases, j’étais acculé à la nécessité de me dire que Mlle Stangerson avait caché tous les événements de la première phase; elle avait des raisons, sans doute, assez puissantes pour cela, puisqu’elle n’avait rien dit à son père et qu’elle dut raconter naturellement au juge d’instruction l’agression de l’assassin dont elle ne pouvait nier le passage, comme si cette agression avait eu lieu la nuit, pendant la seconde phase! Elle y était forcée, sans quoi son père lui eût dit: «Que nous as-tu caché là? Que signifie «ton silence après une pareille agression»?»
«Elle avait donc dissimulé les marques de la main de l’homme à son cou. Mais il y avait le coup formidable de la tempe! Ça, je ne le comprenais pas! Surtout quand j’appris que l’on avait trouvé dans la chambre un os de mouton, arme du crime… Elle ne pouvait avoir dissimulé qu’on l’avait assommée, et cependant cette blessure apparaissait évidemment comme ayant dû être faite pendant la première phase puisqu’elle nécessitait la présence de l’assassin! J’imaginai que cette blessure était beaucoup moins forte qu’on ne le disait – en quoi j’avais tort – et je pensai que Mlle Stangerson avait caché la blessure de la tempe sous une coiffure en bandeaux!
«Quant à la marque, sur le mur, de la main de l’assassin blessée par le revolver de Mlle Stangerson, cette marque avait été faite évidemment «avant» et l’assassin avait été nécessairement blessé pendant la première phase, c’est-à-dire pendant qu’il était là! Toutes les traces du passage de l’assassin avaient été naturellement laissées pendant la première phase: L’os de mouton, les pas noirs, le béret, le mouchoir, le sang sur le mur, sur la porte et par terre… De toute évidence, si ces traces étaient encore là, c’est que Mlle Stangerson, qui désirait qu’on ne sût rien et qui agissait pour qu’on ne sût rien de cette affaire, n’avait pas encore eu le temps de les faire disparaître! Ce qui me conduisait à chercher la première phase de l’affaire dans un temps très rapproché de la seconde. Si, après la première phase, c’est-à-dire après que l’assassin se fût échappé, après qu’elle-même eût en hâte regagné le laboratoire où son père la retrouvait, travaillant, – si elle avait pu pénétrer à nouveau un instant dans la chambre, elle aurait au moins fait disparaître, tout de suite, l’os de mouton, le béret et le mouchoir qui traînaient par terre. Mais elle ne le tenta pas, son père ne l’ayant pas quittée. Après, donc, cette première phase, elle n’est entrée dans sa chambre qu’à minuit. Quelqu’un y était entré à dix heures: le père Jacques, qui fit sa besogne de tous les soirs, ferma les volets et alluma la veilleuse. Dans son anéantissement sur le bureau du laboratoire où elle feignait de travailler, Mlle Stangerson avait sans doute oublié que le père Jacques allait entrer dans sa chambre! Aussi elle a un mouvement: elle prie le père Jacques de ne pas se déranger! De ne pas pénétrer dans la chambre! Ceci est en toutes lettres dans l’article du Matin. Le père Jacques entre tout de même et ne s’aperçoit de rien, tant la «Chambre Jaune» est obscure!… Mlle Stangerson a dû vivre là deux minutes affreuses! Cependant, je crois qu’elle ignorait qu’il y avait tant de marques du passage de l’assassin dans sa chambre! Elle n’avait sans doute, après la première phase, eu le temps que de dissimuler les traces des doigts de l’homme à son cou et de sortir de sa chambre!… Si elle avait su que l’os, le béret et le mouchoir fussent sur le parquet, elle les aurait également ramassés quand elle est rentrée à minuit dans sa chambre… Elle ne les a pas vus, elle s’est déshabillée à la clarté douteuse de la veilleuse… Elle s’est couchée, brisée par tant d’émotions, et par la terreur, la terreur qui ne l’avait fait regagner cette chambre que le plus tard possible…