Le Mystere De La Chambre Jaune
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Des cris et des coups de feu se font entendre dans une chambre annexe au laboratoire du pavillon du ch?teau o? dort la belle Mathilde, fille du c?l?bre professeur Stangerson. Tout de suite, son p?re accompagn? de l’un de ses domestiques, le p?re Jacques, se pr?cipite ? la porte qu’il trouve clause. Tr?s vite rejoints par le concierge du Glandier et son ?pouse, ils parviennent ? enfoncer la porte.
Une fois dans la «chambre jaune», ils d?couvrent Mathilde r?lant, allong?e sur le sol et pleine de sang. On peut apercevoir des marques impressionnantes d’ongles sur son cou. Le criminel a fil?. Pourtant, la porte est prise d’assaut par quatre personnes et l’unique fen?tre grillag?e de la pi?ce est verrouill?e avec ses volets clos qu’on ne peut fermer que de l’int?rieur. Aucune fuite n’est possible! Le jeune Rouletabille d?cide de se rendre sur le lieu du crime afin de retrouver la trace du malfaiteur.
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– Ballmeyer! s’écria le président.
– Ballmeyer! fit Robert Darzac, en se soulevant… Ballmeyer!… C’était donc vrai!
– Ah! ah! m’sieur Darzac, vous ne croyez plus que je suis fou, maintenant!…»
Ballmeyer! Ballmeyer! Ballmeyer! On n’entendait plus que ce nom dans la salle. Le président suspendit l’audience.
Vous pensez si cette suspension d’audience fut mouvementée. Le public avait de quoi s’occuper. Ballmeyer! On trouvait, décidément, le gamin «épatant»! Ballmeyer! Mais le bruit de sa mort avait couru, il y avait, de cela, quelques semaines. Ballmeyer avait donc échappé à la mort comme, toute sa vie, il avait échappé aux gendarmes. Est-il nécessaire que je rappelle ici les hauts faits de Ballmeyer? Ils ont, pendant vingt ans, défrayé la chronique judiciaire et la rubrique des faits divers; et, si quelques-uns de mes lecteurs ont pu oublier l’affaire de la «Chambre Jaune», ce nom de Ballmeyer n’est certainement pas sorti de leur mémoire. Ballmeyer fut le type même de l’escroc du grand monde; il n’était point de gentleman plus gentleman que lui; il n’était point de prestidigitateur plus habile de ses doigts que lui; il n’était point d’ «apache», comme on dit aujourd’hui, plus audacieux et plus terrible que lui. Reçu dans la meilleure société, inscrit dans les cercles les plus fermés, il avait volé l’honneur des familles et l’argent des pontes avec une maestria qui ne fut jamais dépassée. Dans certaines occasions difficiles, il n’avait pas hésité à faire le coup de couteau ou le coup de l’os de mouton. Du reste, il n’hésitait jamais, et aucune entreprise n’était au-dessus de ses forces. Étant tombé une fois entre les mains de la justice, il s’échappa, le matin de son procès, en jetant du poivre dans les yeux des gardes qui le conduisaient à la cour d’assises. On sut plus tard que, le jour de sa fuite, pendant que les plus fins limiers de la Sûreté étaient à ses trousses, il assistait, tranquillement, nullement maquillé, à une «première» du Théâtre-Français. Il avait ensuite quitté la France pour travailler en Amérique, et la police de l’état d’Ohio avait, un beau jour, mis la main sur l’exceptionnel bandit; mais, le lendemain, il s’échappait encore… Ballmeyer, il faudrait un volume pour parler ici de Ballmeyer, et c’est cet homme qui était devenu Frédéric Larsan!… Et c’est ce petit gamin de Rouletabille qui avait découvert cela!… Et c’est lui aussi, ce moutard, qui, connaissant le passé d’un Ballmeyer, lui permettait, une fois de plus, de faire la nique à la société, en lui fournissant le moyen de s’échapper! À ce dernier point de vue, je ne pouvais qu’admirer Rouletabille, car je savais que son dessein était de servir jusqu’au bout M. Robert Darzac et Mlle Stangerson en les débarrassant du bandit sans qu’il parlât.
On n’était pas encore remis d’une pareille révélation, et j’entendais déjà les plus pressés s’écrier: «En admettant que l’assassin soit Frédéric Larsan, cela ne nous explique pas comment il est sorti de la Chambre Jaune!…» quand l’audience fut reprise.
Rouletabille fut appelé immédiatement à la barre et son interrogatoire, car il s’agissait là plutôt d’un interrogatoire que d’une déposition, reprit.
Le président:
«Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur, qu’il était impossible de s’enfuir du bout de cour. J’admets, avec vous, je veux bien admettre que, puisque Frédéric Larsan se trouvait penché à sa fenêtre, au-dessus de vous, il fût encore dans ce bout de cour; mais, pour se trouver à sa fenêtre, il lui avait fallu quitter ce bout de cour. Il s’était donc enfui! Et comment?»
Rouletabille:
«J’ai dit qu’il n’avait pu s’enfuir «normalement…» Il s’est donc enfui «anormalement»! Car le bout de cour, je l’ai dit aussi, n’était que «quasi» fermé tandis que la «Chambre Jaune» l’était tout à fait. On pouvait grimper au mur, chose impossible dans la «Chambre Jaune», se jeter sur la terrasse et de là, pendant que nous étions penchés sur le cadavre du garde, pénétrer de la terrasse dans la galerie par la fenêtre qui donne juste au-dessus. Larsan n’avait plus qu’un pas à faire pour être dans sa chambre, ouvrir sa fenêtre et nous parler. Ceci n’était qu’un jeu d’enfant pour un acrobate de la force de Ballmeyer. Et, monsieur le président, voici la preuve de ce que j’avance.»
Ici, Rouletabille tira de la poche de son veston, un petit paquet qu’il ouvrit, et dont il tira une cheville.
«Tenez, monsieur le président, voici une cheville qui s’adapte parfaitement dans un trou que l’on trouve encore dans le «corbeau» de droite qui soutient la terrasse en encorbellement. Larsan, qui prévoyait tout et qui songeait à tous les moyens de fuite autour de sa chambre – chose nécessaire quand on joue son jeu – avait enfoncé préalablement cette cheville dans ce «corbeau». Un pied sur la borne qui est au coin du château, un autre pied sur la cheville, une main à la corniche de la porte du garde, l’autre main à la terrasse, et Frédéric Larsan disparaît dans les airs… d’autant mieux qu’il est fort ingambe et que, ce soir-là, il n’était nullement endormi par un narcotique, comme il avait voulu nous le faire croire. Nous avions dîné avec lui, monsieur le président, et, au dessert, il nous joua le coup du monsieur qui tombe de sommeil, car il avait besoin d’être, lui aussi, endormi, pour que, le lendemain, on ne s’étonnât point que moi, Joseph Rouletabille, j’aie été victime d’un narcotique en dînant avec Larsan. Du moment que nous avions subi le même sort, les soupçons ne l’atteignaient point et s’égaraient ailleurs. Car, moi, monsieur le président, moi, j’ai été bel et bien endormi, et par Larsan lui-même, et comment!… Si je n’avais pas été dans ce triste état, jamais Larsan ne se serait introduit dans la chambre de Mlle Stangerson ce soir-là, et le malheur ne serait pas arrivé!…»
On entendit un gémissement. C’était M. Darzac qui n’avait pu retenir sa douloureuse plainte…
«Vous comprenez, ajouta Rouletabille, que, couchant à côté de lui, je gênais particulièrement Larsan, cette nuit-là, car il savait ou du moins il pouvait se douter «que, cette nuit-là, je veillais»! Naturellement il ne pouvait pas croire une seconde que je le soupçonnais, lui! Mais je pouvais le découvrir au moment où il sortait de sa chambre pour se rendre dans celle de Mlle Stangerson. Il attendit, cette nuit-là, pour pénétrer chez Mlle Stangerson, que je fusse endormi et que mon ami Sainclair fût occupé dans ma propre chambre à me réveiller. Dix minutes plus tard Mlle Stangerson criait à la mort!
– Comment étiez-vous arrivé à soupçonner, alors, Frédéric Larsan? demanda le président.
– «Le bon bout de ma raison» me l’avait indiqué, m’sieur le président; aussi j’avais l’œil sur lui; mais c’est un homme terriblement fort, et je n’avais pas prévu le coup du narcotique. Oui, oui, le bon bout de ma raison me l’avait montré! Mais il me fallait une preuve palpable; comme qui dirait: «Le voir au bout de mes yeux après l’avoir vu au bout de ma raison!»
– Qu’est-ce que vous entendez par «le bon bout de votre raison»?
– Eh! m’sieur le président, la raison a deux bouts: le bon et le mauvais. Il n’y en a qu’un sur lequel vous puissiez vous appuyer avec solidité: c’est le bon! On le reconnaît à ce que rien ne peut le faire craquer, ce bout-là, quoi que vous fassiez! quoi que vous disiez! Au lendemain de la «galerie inexplicable», alors que j’étais comme le dernier des derniers des misérables hommes qui ne savent point se servir de leur raison parce qu’ils ne savent par où la prendre, que j’étais courbé sur la terre et sur les fallacieuses traces sensibles, je me suis relevé soudain, en m’appuyant sur le bon bout de ma raison et je suis monté dans la galerie.