Le Fauteuil Hante
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L'Acad?mie fran?aise est le th??tre de drames r?p?t?s. Un ? un les candidats ? la succession de Mgr d'Abbeville s'?croulent, morts, en pronon?ant leur discours de r?ception. Les Immortels ne le sont plus! Ils restent trente-neuf. Un refoul? de l'Acad?mie aurait-il le pouvoir de jeter un mauvais sort? Monsieur le Secr?taire perp?tuel, Hippolyte Patard, et Monsieur Gaspard Lalouette, marchand d'antiquit?s, m?nent leur enqu?te en tremblant de peur… et en nous faisant bien rire. Le quaranti?me fauteuil sera quand m?me occup?…
Dans Le Fauteuil hant?, Gaston Leroux, le p?re de Rouletabille, se moque de l'illustre Acad?mie et, apr?s bien des aventures, nous r?v?le un myst?re incroyable!
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M. Lalouette avait baissé le nez; quand il le releva ce fut pour laisser tomber dans la fraîcheur du soir cette phrase qui était, en toute sincérité, immonde…
– Est-ce bien nécessaire, dit-il, que je le prononce, ce discours?…
Ils étaient alors sur le bord de la Marne. Les voiles de la nuit enveloppaient déjà les deux voyageurs. M. le secrétaire perpétuel regarda l'eau sournoise et profonde et la silhouette affalée de M. Lalouette. Il eut envie de le noyer tout simplement. Pan! Un coup d'épaule!…
Seulement, au lieu de précipiter cette chair flasque au sein des eaux, M. le secrétaire perpétuel alla prendre amicalement le bras de M. le récipiendaire…
Et cela parce que d'abord M. Hippolyte Patard était le moins criminel des hommes et qu'ensuite il venait de penser soudainement à ce que coûterait à l'illustre Compagnie une quatrième mort!…
Il en frémit. Ah! à quoi pensait-il donc? A inquiéter cet excellent M. Lalouette! Il se traita de fou! Il pressa le bras de M. Lalouette! Il jura à cet honnête homme, du fond du cœur une reconnaissance éternelle… Il essaya de réchauffer chez lui une ardeur académicienne qu'il se reprochait assurément d'avoir laissé s'éteindre. Il lui décrivit son triomphe du lendemain, il lui montra la foule enivrée et ravie, enfin, il fit fondre, comme on dit, le cœur de M. Lalouette en lui représentant, aux premières loges, Mme Lalouette vers qui allaient tous les hommages, comme à l'épouse glorieuse et rayonnante de l'Homme du jour!…
Finalement ils s'embrassèrent en se congratulant, en se réconfortant, en se traitant d'enfants qui s'étaient laissé assombrir par des idées noires. Et ils riaient tout haut, comme des braves, quand ils constatèrent qu'ils étaient arrivés à la griffe du grand Loustalot.
– Attention aux chiens! fit M. Lalouette.
Mais les chiens ne se faisaient pas entendre…
Chose curieuse, la griffe était ouverte.
M. Hippolyte Patard n'en sonna pas moins pour avertir de la présence d'étrangers.
– Où sont donc Ajax et Achille? dit-il… Et Tobie?… Il ne vient pas.
De fait, personne ne se dérangeait.
– Entrons! fit M. le secrétaire perpétuel.
– J'ai peur des chiens! recommença M. Lalouette.
– Eh! je vous dis que je les connais depuis longtemps! répéta M. Patard. Ils ne nous feront aucun mal.
– Alors, marchez devant, commanda bravement M. Lalouette.
Ainsi ils parvinrent jusqu'au perron. Le plus profond silence régnait dans le jardin, dans la cour et dans la maison.
La porte de la maison était également entrouverte. Ils la poussèrent. Un bec de gaz à demi ouvert éclairait le vestibule.
– Il y a quelqu'un? s'écria M. Patard, de sa voix de tête.
Mais aucune voix ne lui répondit.
Ils attendirent encore dans un extraordinaire silence.
Toutes les portes qui donnaient sur le vestibule étaient fermées.
Et, tout à coup, comme M. Patard et M. Lalouette restaient là, fort embarrassés, le chapeau à la main, les murs de la maison résonnèrent d'une clameur affreuse. La nuit retentit désespérément d'un grand cri déchirant humain…
XV. La cage
La mèche de M. le secrétaire perpétuel s'était dressée toute droite sur son crâne. M. Lalouette s'appuyait au mur, dans un grand état de faiblesse.
– Voilà le cri! gémit-il, le grand cri déchirant humain…
M. Patard eut encore la force d'émettre une opinion:
– C'est le cri de quelqu'un à qui il est arrivé un accident…
Il faudrait voir…
Mais il ne bougeait pas.
– Non! Non! C'est le même cri… je le connais… c'est un cri, fit à voix basse M. Lalouette, un cri qu'il y a comme ça… tout le temps… dans la maison…
M. Hippolyte Patard haussa les épaules.
– Écoutez, dit-il.
– Ça recommence… grelotta M. Lalouette.
On entendait maintenant comme une sorte de grondement douloureux, de gémissement lointain et ininterrompu.
– Je vous dis qu'il est arrivé un accident… cela vient d'en bas… du laboratoire… C'est peut-être Loustalot qui se trouve mal…
Et M. Patard fit quelques pas dans le vestibule. Nous avons dit que dans ce vestibule se trouvait l'escalier conduisant aux étages supérieurs, mais, sous cet escalier-là, il y en avait un autre qui descendait au laboratoire.
M. Patard se pencha au-dessus des degrés. Le gémissement arrivait là presque distinctement, mêlé de paroles incompréhensibles mais qui semblaient devoir exprimer une grande douleur.
– Je vous dis qu'il est arrivé un accident à Loustalot.
Et bravement M. Hippolyte Patard descendit l'escalier.
M. Lalouette suivit. Il dit tout haut:
– Après tout, nous sommes deux!
Plus ils descendaient, plus ils entendaient gémir et pleurer Enfin, comme ils arrivaient dans le laboratoire, ils n'entendirent plus rien.
Le laboratoire était vide.
Ils regardèrent partout autour d'eux.
Un ordre parfait régnait dans cette pièce. Tout était à sa place. Les cornues, les alambics, les fourneaux de terre dans la grande cheminée qui servait aux expériences, les instruments de physique sur les tables, tout cela était propre et net et méthodiquement rangé. Ce n'était point là, de toute évidence, le laboratoire d'un homme qui est en plein travail.
M. Patard en fut étonné.
Mais ce qui l'étonnait le plus était, comme je l'ai dit, de ne plus rien entendre… et de ne rien voir qui l'eût mis sur la trace de cette grande douleur qui leur avait «retourné les sangs» à tous les deux, M. Lalouette et lui.
– C'est bizarre! fit M. Lalouette, il n'y a personne.
– Non, personne!…
Et tout à coup, le grand cri les secoua à nouveau, leur déchirant le cœur et les entrailles.
Cela les avait comme soulevés de terre: cela venait même de sous la terre.
– On crie dans la terre! murmura M. Lalouette.
Mais M. Patard lui montrait déjà du doigt une trappe ouverte dans le plancher-Ça vient d'ici… fit-il.
Il y courut…
– C'est quelqu'un qui sera tombé par cette trappe et qui se sera brisé les jambes…
M. Patard se pencha au-dessus de la trappe: les gémissements à nouveau s'étaient tus.
– C'est incroyable! dit M. le secrétaire perpétuel… Il y a là une pièce que je ne connaissais pas… comme un second laboratoire sous le premier…
Et il descendit encore des marches, en examinant toutes choses prudemment, autour de lui.
Le laboratoire du dessous, comme celui du dessus, était éclairé par des papillons de gaz. M. Patard descendait avec précaution. M. Lalouette, qui regrettait décidément sa visite au grand Loustalot, arrivait.
Dans ce laboratoire souterrain, il y avait la même disposition que dans la pièce de dessus, pour toutes choses. Seulement toutes ces choses étaient dans un grand désordre, et en plein service, en cours d'expérience…
M. Patard cherchait. M. Lalouette ouvrait de grands yeux…
Ils n'apercevaient toujours personne…
Soudain, comme ils s'étaient retournés vers un coin de muraille, ils reculèrent en poussant un cri d'horreur Ce coin de muraille était ouvert et garni de barreaux. Et derrière ces barreaux, comme une bête fauve enfermée dans sa cage, un homme… oui, un homme aux grands yeux ardents les fixait en silence…
Comme ils ne disaient rien et qu'ils restaient là comme des statues, l'homme, derrière ses barreaux dit:
– Etes-vous venus pour me délivrer?… En ce cas dépêchez-vous… car je les entends qui reviennent… et ils vous tueraient comme des mouches…
Ni Patard ni Lalouette ne remuaient encore. Comprenaient-ils?
L'homme encore hurla:
– Etes-vous sourds?… Je vous dis qu'ils vous tueraient comme des mouches!… s'ils savent jamais que vous m'avez vu!… comme des mouches!… sauvez-vous!… sauvez-vous!… Les voilà!… je les entends!… Le géant fait craquer la terre!… Ah! malheur!… ils vont vous faire manger par les chiens!…