La mort de Juve (Смерть Жюва)
La mort de Juve (Смерть Жюва) читать книгу онлайн
продолжение серии книг про Фантомаса
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L’employé de la Drague leva son verre à la hauteur de son œil, puis, après l’avoir ramené jusqu’au niveau de ses lèvres, il expliqua :
— Voilà, c’est tout un fourbi du diable, je suis dans les ordures, mais dans la justice aussi. Figure-toi, Fumier que, voilà trois jours, le patron m’a dit : « Dégueulasse, faut aller à Paris, histoire de faire un témoignage dans une affaire de coups et blessures qui a commencé à Cherbourg et qui va se terminer à Pantruche. » Il m’a donné un papier sur lequel il y avait des choses écrites, et le pèze pour prendre le grand frère. Alors, je me suis pris par la main, et je m’ai amené ici comme de juste. Voilà-t-y pas qu’en route j’ai rencontré des copains, on a pris un verre, puis un autre, tant et si bien que j’ai oublié d’aller dégoiser mon histoire et de faire le témoin dans le procès. Un soir, je me suis dit : « Mon petit Dégueulasse, faudrait voir à te ramener à Cherbourg, où l’on doit être en peine de toi. Mais, tu me croiras si tu veux, on a dû changer la gare de place, car j’ai jamais été foutu de la retrouver. Alors, naturellement, tout en la recherchant à droite, à gauche, j’ai pris des verres et, dame, depuis ce temps-là, j’aime autant te dire, je ne suis plus dans mon assiette.
— Ça, remarqua Fumier, c’est bien naturel, d’ailleurs, j’aime autant te le dire aussi, moi non plus je ne désaoule pas. Seulement, moi, voilà un an que ça dure ? Dégueulasse, on va pas s’arrêter.
— Sûr que non, Fumier. Encore un verre ?
Dialogue passionnant en vérité dont l’assistance ne perdait pas une virgule, à l’exception de trois hommes assis dans un coin noir, qui discutaient avec passion, ou plutôt non, dont deux écoutaient avec passion le troisième, sans rien dire. Et si l’orateur paraissait simplement un homme robuste et énergique, dans la force de l’âge, ses deux compagnons avaient des allures caractéristiques d’individus bizarres et indéfinissables, caricatures de bourgeois, types d’une pègre mal définie, comme on en voit aux abords des lieux les plus mal famés. Ces deux hommes n’étaient autres que les agents d’affaires de la rue Saint-Marc : Nalorgne et Pérouzin.
Or, Nalorgne et Pérouzin, dans le bouge de l’ Enfant Jésus, étaient attablés avec le Maître qui leur exposait son programme.
Il leur avait dit :
— Plusieurs millions d’or monnayé ont été achetés récemment par le Gouvernement autrichien aux États-Unis d’Amérique. Cet or, soigneusement enfermé dans des caisses blindées, a été chargé à bord d’un navire britannique qui fait le service entre New York et Cherbourg. Il arrivera bientôt dans ce port, et les précieux colis seront aussitôt transbordés dans un wagon spécial qui, attaché à un train de marchandises, sera conduit jusqu’à la frontière.
— Eh oui, s’étaient dit les deux compères, notre client Hervé Martel s’en occupe, il a même gardé pour lui « ce risque ». Ah, ces spéculateurs.
Ce n’était, en somme que de la bonne information, mais où Nalorgne et Pérouzin avaient sursauté c’est en entendant Fantômas déclarer :
— Ces millions, nous allons nous en emparer. Voici mon plan : Le navire anglais, un cargo-boat, à bord duquel sont ces caisses d’or et qui s’appelle le Triumph, a dû arriver hier ou ce matin, en rade de Cherbourg. Dans quarante-huit heures, les formalités de douane seront achevées, et, comme je viens de vous le dire, les caisses déchargées du navire seront placées dans un wagon, le wagon 3227.
— Ah ! Fantômas, s’écria Pérouzin, que vous êtes donc bien renseigné.
— Le seul moyen pour réussir dans des affaires de cette nature, c’est d’être documenté. Voilà quinze jours que je m’efforce de me renseigner, c’est bien le moins que mes efforts aient été couronnés de succès.
— Mais comment avez-vous fait ?
Un regard dur et hautain du maître lui fit baisser les yeux piteusement. Pérouzin oubliait que Fantômas ne disait que ce qu’il voulait, et que jamais personne ne devait se permettre de lui poser une question. Fantômas, d’ailleurs, sans tenir compte de la question de l’ancien notaire, poursuivait, donnant ses ordres, sec, bref, à la manière d’un général qui élabore son plan de bataille :
— Le jour même où le chargement sera effectué à bord du wagon en question, le train qui l’emmène partira de la gare de Cherbourg. Le convoi, qui porte le numéro 22 bis, se mettra en route à vingt heures cinq. Vous, Nalorgne, vous aurez simplement pour mission, ce soir-là, de vous assurer que le wagon en question est bien placé l’avant-dernier dans l’attelage du convoi. Quant à vous, Pérouzin, vous connaissez, n’est-ce pas Sottevast et particulièrement les abords de la gare ?
— Ma foi, oui, j’ai été notaire dans cette région. Le pays est pittoresque, les habitants cossus, un peu avares…
— Suffit. Les affaires sérieuses : à cinq cents mètres avant la gare de Sottevast, il est une aiguille que les trains venant de Cherbourg prennent en pointe. On peut, à cette bifurcation, diriger un train qui, normalement, suit la grande ligne sur une voie de garage qui passe derrière la gare des marchandises de Sottevast. Voyez-vous ça d’ici ?
— Mais oui, s’écria Pérouzin, et je comprends bien ce qu’il va falloir faire. Lorsque le train arrivera, au lieu de le laisser filer droit son chemin, il faudra le lancer sur cette voie de garage.
— Imbécile. C’est la plus sûre façon pour faire un accident formidable et attirer, dans l’espace d’une seconde, autour du wagon chargé d’or, tout ce que la région compte d’habitants valides.
— Mais, pourtant, j’avais cru…
— Vous n’avez ni à croire ni même à comprendre. Écoutez, et quand vous saurez, vous obéirez.
Le Génie du Crime, qui était aussi le plus extraordinaire metteur en scène des plus audacieux cambriolages, précisa avec une clarté lumineuse, son projet :
— Le train, avant d’arriver à l’aiguille, ralentit et se maintient à une allure moyenne de quinze kilomètres à l’heure. Le règlement est observé depuis plusieurs jours déjà, eu égard aux réparations que l’on fait au ballast. Pérouzin, vous vous tiendrez près de l’aiguille, qui, comme vous le verrez, se commande simplement avec un levier à main. Vous laisserez tout le train poursuivre son parcours normal, mais, lorsque le wagon chargé d’or, c’est-à-dire l’avant-dernier du convoi, approchera de l’aiguille en question, vous le ferez bifurquer sur la voie de garage.
— Mais ce wagon déraillera ? dit Nalorgne, muet jusque là.
— Non, déclara Fantômas, il ne déraillera pas. Ses attaches se rompront simplement, et, vu la pente de la ligne à cet endroit, vu également la vitesse acquise, il continuera dans la direction que nous lui aurons indiquée.
Pérouzin ne paraissait pas convaincu :
— Les attaches se rompront, c’est vite dit. Les chaînes sont robustes. Elles résisteront.
Fantômas haussa les épaules :
— Imbécile, ne comprends-tu pas que j’ai tout prévu, et que les anneaux des chaînes seront aux trois quarts sciés à l’avance ? Sitôt le wagon arrêté sur cette voie de garage, je me précipite avec des amis sûrs, et naturellement les caisses pleines d’or tombent entre nos mains.
— Bien, dit Nalorgne, mais, j’y pense. D’ordinaire, dans le dernier wagon, se trouve une guérite, et dans cette guérite, un chef de train. Ce dernier wagon viendra, je le suppose, avec le véhicule chargé d’or.
— Naturellement. Je réponds à l’avance à votre objection en vous disant que le chef de train est un homme à nous.
— Je n’aime pas beaucoup ça. Lorsqu’on se sera aperçu du vol, ce chef de train sera interrogé ; s’il paraît suspect, on le bouclera, et, alors, s’il parle.
— Vous n’avez rien compris, dit le Maître : il ne manquera rien au chargement du wagon d’or, une fois notre vol commis.
— Comment ? s’écrièrent ensemble Nalorgne et Pérouzin. Que voulez-vous dire ?
— Je veux dire, articula Fantômas, que, si on vérifie les contenus des caisses une fois que nous serons passés, on pourra se rendre compte qu’il ne manque pas une seule pièce de monnaie à l’expédition faite par les États-Unis au Gouvernement autrichien.