Le grand cahier
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Arriv?s de la Grande Ville avec leur m?re, Claus et Lucas ne vont rester que tous les deux chez leur grand-m?re pendant la guerre. Cette derni?re est une femme sale, m?chante, radine, analphab?te et meurtri?re; les jumeaux vont alors entreprendre seuls une ?trange ?ducation. D'un c?t? ils s'entra?nent ? s'endurcir, ? ne pas s'apitoyer sur la douleur d'autrui et ? tuer, et de l'autre, ils ?crivent la liste des t?ches effectu?es dans un grand cahier. Mais, ? la suite d'un certain nombre d'?v?nements, les deux fr?res vont se retrouver s?par?s, le premier dans ce m?me pays totalitaire, le deuxi?me de l'autre c?t? de la fronti?re…
Dans la Grande Ville qu’occupent les Arm?es ?trang?res, la disette menace. Une m?re conduit donc ses enfants ? la campagne, chez leur grand-m?re. Analphab?te, avare, m?chante et m?me meurtri?re, celle-ci m?ne la vie dure aux jumeaux. Loin de se laisser abattre, ceux-ci apprennent seuls les lois de la vie, de l’?criture et de la cruaut?. Abandonn?s ? eux-m?mes, d?nu?s du moindre sens moral, ils s’appliquent ? dresser, chaque jour, dans un grand cahier, le bilan de leurs progr?s et la liste de leurs forfaits.
Le Grand Cahier nous livre une fable incisive sur les malheurs de la guerre et du totalitarisme, mais aussi un v?ritable roman d’apprentissage domin? par l’humour noir.
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L'arrivée des nouveaux étrangers
Après le départ de notre cousine, nous allons en ville pour voir ce qui se passe.
A chaque coin de rue, il y a un tank. Sur la Grande Place, des camions, des Jeeps, des motos, des side-cars et, partout, beaucoup de militaires. Sur la place du Marché qui n'est pas goudronnée, ils montent des tentes et installent des cuisines en plein air.
Quand nous passons à côté d'eux, ils nous sourient, ils nous parlent, mais nous ne comprenons pas ce qu'ils disent.
A part les militaires, il n'y a personne dans les rues. Les portes des maisons sont fermées, les volets tirés, les stores des magasins baissés.
Nous rentrons, nous disons à Grand-Mère:
– Tout est calme en ville.
Elle ricane:
– Ils se reposent pour l'instant, mais cet après-midi, vous verrez!
– Que va-t-il se passer, Grand-Mère?
– Ils vont perquisitionner. Ils vont entrer partout et fouiller. Et ils prendront tout ce qui leur plaira. J'ai déjà vécu une guerre, je sais comment ça se passe. Nous, on n'a rien à craindre: il n'y a rien à prendre ici et je sais leur parler.
– Mais que cherchent-ils, Grand-Mère?
– Des espions, des armes, des munitions, des montres, de l'or, des femmes.
L'après-midi, en effet, les militaires commencent à fouiller systématiquement les maisons. Si on ne leur ouvre pas, ils tirent en l'air, puis ils enfoncent la porte.
Beaucoup de maisons sont vides. Les habitants sont partis définitivement ou bien ils se cachent dans la forêt. Ces maisons inhabitées sont fouillées comme les autres, ainsi que tous les magasins et les boutiques.
Après le passage des militaires, ce sont les voleurs qui envahissent les magasins et les maisons abandonnées. Les voleurs sont surtout des enfants et des vieillards, quelques femmes aussi, qui n'ont peur de rien ou qui sont pauvres.
Nous rencontrons Bec-de-Lièvre. Elle a les bras chargés de vêtements et de chaussures. Elle nous dit:
– Dépêchez-vous pendant qu'il y a encore quelque chose à prendre. Moi, c'est la troisième fois que je fais mes courses.
Nous entrons dans la Librairie dont la porte est enfoncée. Là, il n'y a que quelques enfants plus petits que nous. Ils prennent des crayons et des craies de couleur, des gommes, des taille-crayons, des cartables.
Nous choisissons tranquillement ce dont nous avons besoin: une encyclopédie complète en plusieurs volumes, des crayons et du papier.
Dans la rue, un vieil homme et une vieille femme se battent pour un jambon fumé. Ils sont entourés de gens qui rigolent et qui les encouragent. La femme griffe le visage du vieux et, finalement, c'est elle qui emporte le jambon.
Les voleurs se soûlent avec de l'alcool volé, se bagarrent, brisent les fenêtres des maisons et les vitrines des magasins qu'ils ont pillés, cassent la vaisselle, jettent à terre les objets dont ils n'ont pas besoin ou qu'ils ne peuvent pas emporter.
Les militaires boivent eux aussi et retournent dans les maisons mais, cette fois, pour y trouver des femmes.
On entend partout des coups de feu et des cris de femmes qu'on viole.
Sur la Grande Place, un soldat joue de l'accordéon.
D'autres soldats dansent et chantent.
