LEmpire des anges
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Que pensent les anges de nous? Que peuvent-ils faire pour nous aider? Qu'attendent-ils de l'humanit? en g?n?ral? Lorsque Michael Pinson (stupidement tu? dans un accident d'avion percutant un immeuble) a pass? avec succ?s l'?preuve de la «pes?e des ?mes», il a acc?d? au royaume des anges. Mais pass? le premier ?merveillement, il d?couvre l'ampleur de la t?che. Le voil? charg? de trois mortels, qu'il devra d?sormais guider et aider tout au long de leur vie. Ses moyens d'action: les r?ves, les signes, les m?diums, les intuitions, les chats. Cependant, il est oblig? de respecter le libre arbitre des hommes. Il s'aper?oit que ceux-ci essaient de r?duire leur malheur au lieu de construire leur bonheur. Que faire pour leur montrer la voie? Et puis comment s'occuper intelligemment au Paradis, un endroit bien sympathique mais sans cin?ma, sans musique, sans restaurant? Apr?s Les Thanatonautes, Bernard Werber nous donne une fois de plus ? r?fl?chir sur notre statut d'?tre humain, en m?langeant sagesse ancienne, philosophie moderne et humour. En suivant l'initiation d'un ange, on d?couvre une perspective ?tonnante ? notre ?tat de simple mortel. Un livre ?tonnant, foisonnant d'id?es. Un roman l?ger qui porte ? r?fl?chir. Val?rie Colin-Simard, Psychologies.
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112. VOL COSMIQUE. PREMIÈRE RANDONNÉE
J'ai l'impression que l'un de mes clients m'appelle. Sans doute un sentiment de culpabilité pour les avoir abandonnés.
Raoul me dépasse. Nous voyageons à la vitesse de la lumière. 300 000 kilomètres-seconde. Les photons émis par le soleil le plus proche sont à côté de nous, puis derrière nous. Nous atteignons rapidement Pro-xima Centauri, l'étoile la plus proche de notre système solaire, située à 4,2 années-lumière. Nous traversons son système et commençons à en examiner les planètes.
Rien de vivant là-dedans.
Nous repartons à 300 000 kilomètres-seconde en direction d'Alpha Centauri.
Lien non plus. Il faut élargir la zone de recherche.
Après avoir viré de bord à angle serré nous fonçons vers Sirius. Quelques planètes tièdes. Un peu de lichen. Beaucoup d'ammoniac.
Procyon? Que dalle.
Cassiopée? De la poussière et des vapeurs.
Tau Ceti? Je préfère ne pas en parler.
Delta Pavonis? N'y allez pas, il n'y a rien à voir.
Nous allons vite, d'étoile en étoile, de planète en planète. Nous traversons même le cœur des grosses météorites pour voir si les dieux ne s'y seraient pas cachés, par hasard.
Le problème est que notre seule Galaxie a un diamètre de 100 000 années-lumière et contient 100 milliards d'étoiles. Autant dire que, proportionnellement, nous nous traînons comme des escargots sur un terrain de football. À chaque brin d'herbe correspond une rencontre avec une planète.
Je ne cesse de penser à mes clients. Pourvu qu'ils n'aient pas besoin de moi! Je suis sûr qu'ils sont en danger. Jacques est trop sensible. Igor est trop fier. Venus est trop fragile.
Raoul m'envoie une pensée de réconfort. Il me demande de me concentrer davantage sur mes travaux d'explorateur. J'ai toujours une fraction de seconde de retard dans les virages. D'accord. Je promets de m'ap-pliquer.
Raoul, Freddy, Marilyn Monroe et moi visitons des centaines de planètes. Parfois nous descendons à la surface et n'y trouvons que de la rocaille. Pas la moindre trace d'intelligence.
Je propose de n'«atterrir» que sur les planètes tempérées, avec des océans et une atmosphère. Raoul me répond qu'il n'y a pas de raison pour que la planète où s'est rendue Nathalie soit identique à la nôtre, mais Freddy m'approuve. Mes critères suffisent à diviser par dix le nombre de planètes à explorer. Au lieu de deux cent milliards, il n'y en a désormais plus que 20 milliards…
Nous ne nous attendions pas à être arrêtés par cet adversaire: l'immensité de l'espace.
113. JACQUES
Plus j'écris, plus j'éprouve des sensations étranges. Je tremble d'émotion en écrivant et je suis traversé de frissons proches de l'amour physique. Pendant quelques minutes, je suis «ailleurs». J'oublie qui je suis.
Les scènes s'écrivent d'elles-mêmes comme si mes personnages s'émancipaient de ma tutelle. Je les regarde vivre dans mon roman comme des poissons dans un aquarium. C'est agréable et, en même temps, cela me fait peur. J'ai l'impression de jouer avec un explosif dont je ne possède pas le mode d'emploi.
Quand j'écris, j'oublie qui je suis, j'oublie que j'écris, j'oublie tout. Je suis avec mes personnages, je vis avec eux dans l'histoire. C'est comme un rêve éveillé. Un rêve éveillé erotique car mon corps tout entier exprime sa joie. Sensation d'extase. Transe. L'instant magique ne dure guère. Juste quelques minutes, quelques secondes parfois.
Cependant, je ne suis pas à même de décider quand se produiront ces moments d'extase. Ils surviennent, c'est tout. Ils me sont offerts lorsque je tiens la bonne scène, la bonne musique, les bonnes idées. Lorsqu'ils cessent, je me retrouve en sueur, hébété. Ensuite, j'ai comme un coup de blues. Une nostalgie, un regret que le moment merveilleux n'ait pas duré plus longtemps. Je baisse alors le son de ma musique et je me saoule e télévision pour oublier la douleur de ne pas vivre en permanence sur de tels sommets.
114. IGOR
Je bondis et je lance une grenade en plein milieu de l'escouade de Tchétchènes qui vient de surgir devant moi. Je m'éloigne en courant. Je ne réfléchis pas aux balles qui, par intermittence, passent entre mes mollets. Je me précipite vers le puits au centre du village et m'accroche au seau qui y est suspendu.
Les Loups se sont fait décimer. Je ne vois même pas Stanislas. J'abaisse le son de mon baladeur. La Nuit sur le mont Chauve décline. J'entends les sifflements de ma respiration et, derrière, le crépitement du feu, des cris, des ordres, des blessés appelant à l'aide.
115. VENUS
Les jurés m'examinent en silence. Et moi de la scène j'examine les jurés. Au centre, le champion de boxe poids lourds fixe ma poitrine. A côté de lui: quelques vieux acteurs oubliés, des animateurs de télévision, un réalisateur de films érotiques, quelques photographes spécialisés dans les nus artistiques, un footballeur qui n'a pas marqué de buts depuis longtemps.
C'est ça, les jurés? Ce sont eux qui vont décider de mon sort? Je suis soudain prise d'un doute. Mais plusieurs caméras de télévision sont là pour retrans-237 mettre le spectacle à travers tout le pays. Des millions de gens sont en train de me regarder. Je leur souris et pousse la hardiesse jusqu'à leur adresser un clin d'œil. Ce n'est pas interdit par le règlement, que je sache.
J'ai peur. J'ai tellement peur. Heureusement que je me suis bourrée de tranquillisants.
116. ENCYCLOPEDIE
JE NE SAIS PAS CE QUI EST BON ET CE QUI EST MAUVAIS (PETIT CONTE ZEN): Un fermier reçoit en cadeau pour son fils un cheval blanc. Son voisin vient vers lui et lui dit: «Vous avez beaucoup de chance. Ce n'est pas à moi que quelqu'un offrirait un aussi beau cheval blanc!» Le fermier répond: «Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose…»
Plus tard, le fils du fermier monte le cheval et celui-ci rue et éjecte son cavalier. Le fils du fermier se brise la jambe.
«Oh! quelle horreur! dit le voisin. Vous aviez raison de dire que cela pouvait être une mauvaise chose. Assurément celui qui vous a offert le cheval l'a fait exprès, pour vous nuire. Maintenant votre fils est estropié à vie!»
Le fermier ne semble pas gêné outre mesure. «Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose», lance-t-il.
Là-dessus la guerre éclate et tous les jeunes sont mobilisés, sauf le fils du fermier avec sa jambe brisée. Le voisin revient alors et dit: «Votre fils sera le seul du village à ne pas partir à la guerre, assurément il a beaucoup de chance.» Le fermier alors répond: «Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose.»
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.