LEmpire des anges
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Que pensent les anges de nous? Que peuvent-ils faire pour nous aider? Qu'attendent-ils de l'humanit? en g?n?ral? Lorsque Michael Pinson (stupidement tu? dans un accident d'avion percutant un immeuble) a pass? avec succ?s l'?preuve de la «pes?e des ?mes», il a acc?d? au royaume des anges. Mais pass? le premier ?merveillement, il d?couvre l'ampleur de la t?che. Le voil? charg? de trois mortels, qu'il devra d?sormais guider et aider tout au long de leur vie. Ses moyens d'action: les r?ves, les signes, les m?diums, les intuitions, les chats. Cependant, il est oblig? de respecter le libre arbitre des hommes. Il s'aper?oit que ceux-ci essaient de r?duire leur malheur au lieu de construire leur bonheur. Que faire pour leur montrer la voie? Et puis comment s'occuper intelligemment au Paradis, un endroit bien sympathique mais sans cin?ma, sans musique, sans restaurant? Apr?s Les Thanatonautes, Bernard Werber nous donne une fois de plus ? r?fl?chir sur notre statut d'?tre humain, en m?langeant sagesse ancienne, philosophie moderne et humour. En suivant l'initiation d'un ange, on d?couvre une perspective ?tonnante ? notre ?tat de simple mortel. Un livre ?tonnant, foisonnant d'id?es. Un roman l?ger qui porte ? r?fl?chir. Val?rie Colin-Simard, Psychologies.
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87. IGOR. 17 ANS ET DEMI
Je tape dans le ventre du type jusqu'à ce qu'il parle. Il finit par révéler que la batterie antichar est dissimulée dans les granges là-haut, sur la montagne. Les copains me félicitent.
Puis ils vont descendre le type dans les fourrés. Nous avons été envoyés sur le front sud après un entraînement aussi rapide qu'intensif de trois semaines.
J'ai vite appris le métier. On fonce, on tue, on ramène des prisonniers, on les torture, ils parlent et on apprend comme ça notre objectif du lendemain.
Inutile de dire qu'après le quartier d'isolement sensoriel, la guerre en Tchétchénie, c'est le paradis.
Notre commando a été baptisé «Les Loups» par le colonel Dukouskoff, et nous arborons tous une tête de loup en écusson sur notre uniforme. Je me sens bien dans ma peau de loup. La forêt, la lutte, la fraternité avec les autres loups semblent inscrites depuis toujours en moi. Je n'ai fait que réveiller le fauve assoupi.
Nous avons installé un campement et nous dînons autour d'un feu de bois. Je ne suis pas le seul orphelin dans ce commando, ni le seul ancien du centre de redressement pour mineurs de Novossibirsk, ni le seul ancien de l'asile d'aliénés de Brest-Litovsk.
Nous n'avons pas besoin de nous parler. Nous avons subi des blessures terribles dans notre jeunesse et nous sommes venus ici précisément pour en infliger aux autres.
Nous n'avons plus rien à perdre.
Notre sergent-chef nous a inculqué ceci: «La force n'a aucune importance, ce qui compte c'est la rapidité.» Et il a insisté sur la devise de notre commando de Loups: «Sois rapide ou sois mort.»
Il nous a dit aussi: «Entre le moment où l'adversaire s'apprête à frapper et celui où vous allez recevoir le coup dans la gueule, il s'écoule un temps infini.»
Depuis, je parviens à accomplir un tas de choses entre l'instant où j'aperçois la petite lueur dans un regard et celui où le coup m'arrive.
Le sergent nous contraint à toutes sortes d'exercices pour développer cette maîtrise du temps. Entre autres, il nous a appris à jongler. Lorsque l'on jongle, on lance une balle puis une deuxième avant que la première ne soit retombée et ainsi de suite. La notion de seconde devient subitement plus large. Si en une seconde, la plupart des gens comptent jusqu'à deux, moi j'arrive à sept. Ce qui signifie que j'ai davantage de chances de rester en vie que «la plupart des gens».
Tout à l'heure, deux autres commandos nous rejoindront, nous constituerons un groupe de trente-cinq hommes chargés de prendre la position occupée au sommet de la montagne par une cinquantaine de guerriers tchétchènes soutenus par les villageois du coin.
Encore une fois les stratèges en cravate du quartier général n'interviennent pas et nous laissent carte blanche. Tant mieux! J'examine avec des jumelles l'objectif à atteindre. Ça ne va pas être du gâteau. Il y a tout près une forêt où peuvent se dissimuler des renforts.
Les pots de graisse de camouflage passent de main en main et nous nous recouvrons le visage de peintures de guerre.
88. VENUS
Je me maquille. Je souligne mes paupières d'un trait d'eye-liner. J'enduis mes lèvres d'un rouge légèrement brillant et en dessine les commissures au crayon brun.
Je n'ai pas encore suffisamment fourbi mes armes. Pour être tout à fait sexy, même si le règlement l'interdit, je me suis acheté un Wonderbra afin d'ajouter du volume à mes seins.
Tous les moyens sont bons pour remporter une bataille.
89. ENCYCLOPEDIE
VICTOIRE: La plupart des éducations visent à enseigner la gestion de la défaite. Dans les écoles, les enfants sont avertis qu'ils risquent d'éprouver des difficultés à trouver du travail même s'ils décrochent le baccalauréat. Dans les familles, on s'efforce de les préparer à l'idée que la plupart des mariages débouchent sur des divorces et que la plupart des compagnons de vie s'avéreront décevants.
Les assurances entretiennent le pessimisme général. Leur credo: il y a de fortes chances que vous ayez un accident de voiture, un incendie ou une inondation. Soyez prévoyants, prenez votre police.
Aux optimistes, les informations rappellent matin, midi et soir que nulle part au monde les humains ne sont protégés. Écoutez les prédicateurs: tous annoncent l'Apocalypse, ou la guerre.
Échec mondial, échec local, échec individuel, seuls sont entendus ceux qui parlent de lendemains qui déchantent. Quel augure oserait annoncer que, dans l'avenir, tout ira de mieux en mieux? Et au niveau individuel, qui oserait enseigner à l'école: que faire si vous obtenez l'oscar du meilleur rôle? Comment réagir si vous remportez un tournoi du grand chelem? Que faire si votre petite entreprise s'élargit en une multinationale?
Résultat: quand la victoire arrive, l'individu est dépourvu de repères et, bien souvent, il est si décontenancé qu'il organise vite fait sa défaite afin de se retrouver dans une «normalité» connue.
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.
90. JACQUES
J'enfile mes charentaises, je me cale dans le fauteuil, je débranche le téléphone, je verrouille la porte à double tour, je pose le chat sur mes genoux, je ferme un instant les yeux pour me concentrer sur un décor et je me prépare à écrire. Dans mon esprit, les personnages s'animent.
91. IGOR
Je les vois, ils sont tout là-haut sur la crête. Les ennemis. J'enfile mes cartouchières, insère mon poignard dans ma chaussure et introduis même ma petite pilule de cyanure dans ma dent creuse. C'est le règle ment. Il paraît que les Tchétchènes sont sadiques, mais ça m'étonnerait rudement qu'ils sachent me faire parler. J'ai le cuir épais. Merci maman, tu m'auras au moins donné ça.
92. VENUS
Zut, je me suis cassé un ongle. Zut! zut! et zut! Pas le temps de réparer avec un faux ongle. On me fait signe que ça va être mon tour. Ne pas paniquer.
93. IGOR
Le signal. Ça y est, ça va être à nous. Stanislas est à ma droite. Pourquoi suis-je si copain avec lui? Parce que c'est le gars chargé du lance-flammes. Si je ne veux pas me prendre par erreur un jet d'essence enflammée, autant rester à côté de lui. Ma volonté de survivre décide désormais de mes amitiés. Mon expérience avec Vania m'a appris à ne pas choisir mes amis pour ce que je peux leur apporter mais pour ce qu'ils peuvent m'apporter, eux. Fini la pitié, seul compte l'intérêt.
J'examine de nouveau à la jumelle notre objectif, la crête.
– Ça ne va pas être du gâteau, dis-je encore à Stanislas.
— Je ne crains rien, répond-il, j'ai un ange gardien qui me protège.
Un ange gardien…
— Ouais. Tous nous en avons un mais beaucoup oublient de l'invoquer lorsqu'ils en ont besoin. Moi, je n'oublie pas. Avant de me lancer à l'attaque, je l'appelle et je me sens protégé.
Il sort un médaillon doré orné d'un ange toutes ailes déployées et y appose les lèvres.
— Saint Stanislas, dit-il.
Moi, sur le médaillon que j’ai au cou, il y a un portrait de mon père mais si je le retrouve, ce ne sera pas pour le bénir.
J'avale une rasade de vodka pour me réchauffer. J'introduis dans mon baladeur une cassette qui donne la pêche. Pas une de ces musiques décadentes occidentales mais une composition classique bien de chez nous qui fleure bon l'âme slave: Une nuit sur le mont Chauve. Ça tombe bien car, là-haut, sur ce mont chauve tchétchène, ça va être leur nuit.