Ensemble, cest tout
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"Et puis, qu'est-ce que ?a veut dire, diff?rents ? C'est de la foutaise, tonhistoire de torchons et de serviettes... Ce qui emp?che les gens de vivreensemble, c'est leur connerie, pas leurs diff?rences... " Camille dessine.Dessinais plut?t, maintenant elle fait des m?nages, la nuit. Philibert, aristopur jus, h?berge Franck, cuisinier de son ?tat, dont l'existence tourne autourdes filles, de la moto et de Paulette, sa grand-m?re. Paulette vit seule, tombebeaucoup et cache ses bleus, paniqu?e ? l'id?e de mourir loin de son jardin. Cesquatre l? n'auraient jamais d? se rencontrer. Trop perdus, trop seuls, tropcaboss?s... Et pourtant, le destin, ou bien la vie, le hasard, l'amour -appelez?a comme vous voulez -, va se charger de les bousculer un peu. Leur histoire,c'est la th?orie des dominos, mais ? l'envers. Au lieu de se faire tomber, ilss'aident ? se relever."
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Il piquait du nez et tripotait les boutons de son manteau.
— Hé, je ne vous force pas, hein ? Vous n'êtes pas obligé d'accepter, vous savez...
— C'est que...
— C'est que quoi ?
— Non, rien. Je viendrai.
— Ce soir ou demain. Parce qu'après je retravaille jusqu'à la fin de la semaine...
— D'accord, murmura-t-il, d'accord, demain... Vous... Vous serez là, n'est-ce pas ?
Elle secoua la tête.
— Mais vous êtes vraiment compliqué, vous ! Bien sûr que je serai là puisque je vous invite !
Il lui sourit gauchement.
— À demain alors ?
— À demain mademoiselle.
— Vers huit heures ?
— A vingt heures précises, je le note.
Il s'inclina et tourna les talons.
— Hé!
— Pardon ?
— Il faut prendre l'escalier de service. J'habite au septième, la porte n° 16, vous verrez, c'est la troisième sur votre gauche...
D'un mouvement du bonnet, il lui fit savoir qu'il avait entendu.
11
— Entrez, entrez ! Mais vous êtes magnifique !
— Oh, rougit-il, ce n'est qu'un canotier... Il appartenait à mon grand-oncle et, pour un pique-nique, j'ai pensé que...
Camille n'en croyait pas ses yeux. Le canotier n'était que la cerise sur le gâteau. Il avait glissé une canne à pommeau d'argent sous son bras, était vêtu d'un costume clair avec un nœud papillon rouge et lui tendait une énorme malle en osier.
— C'est ça, votre panier ?
— Oui, mais attendez, j'ai encore quelque chose... Il alla au fond du couloir et revint avec un bouquet
de roses.
— Comme c'est gentil...
— Vous savez, ce ne sont pas de vraies fleurs...
— Pardon ?
— Non, elles viennent d'Uruguay, je crois... J'aurais préféré de vraies roses de jardin, mais en plein hiver, c'est... c'est...
— C'est impossible.
— Voilà ! C'est impossible !
— Allons, entrez, faites comme chez vous.
Il était si grand qu'il dut s'asseoir tout de suite. Il fit un effort pour trouver ses mots mais pour une fois, ce n'était pas un problème de bégaiement, plutôt de... stupéfaction.
— C'est... C'est...
— C'est petit.
— Non, c'est, comment dirais-je... C'est coquet. Oui, c'est tout à fait coquet et... pittoresque, n'est-ce pas ?
— Très pittoresque, répéta Camille en riant. Il resta silencieux un moment.
— Vraiment ? Vous vivez là ?
— Euh, oui...
— Complètement ?
— Complètement.
— Toute l'année ?
— Toute l'année.
— C'est petit, non ?
— Je m'appelle Camille Fauque.
— Bien sûr, enchanté. Philibert Marquet de la Dur-bellière annonça-t-il en se relevant et en se cognant la tête contre le plafond.
— Tout ça ?
— Hé, oui...
— Vous avez un surnom ?
— Pas que je sache...
— Vous avez vu ma cheminée ?
— Pardon ?
— Là... Ma cheminée...
— Ah la voilà ! Très bien... ajouta-t-il en se rasseyant et en allongeant ses jambes devant les flammes en plastique, très très bien... On se croirait dans un cottage anglais, n'est-il pas ?
Camille était contente. Elle ne s'était pas trompée. C'était un drôle de coco, mais un être parfait, ce garçon-là...
— Elle est belle, non ?
— Magnifique ! Elle tire bien au moins ?
— Impeccable.
— Et pour le bois ?
— Oh, vous savez, avec la tempête... Il suffit de se baisser aujourd'hui...
— Hélas, je ne le sais que trop bien... Vous verriez les sous-bois chez mes parents... Un vrai désastre... Mais là, c'est quoi ? C'est du chêne, non ?
— Bravo !
Ils se sourirent.
— Un verre de vin, ça ira ?
— C'est parfait.
Camille fut émerveillée par le contenu de la malle. Il ne manquait rien, les assiettes étaient en porcelaine, les couverts en vermeil et les verres en cristal. Il y avait même une salière, un poivrier, un huilier, des tasses à café, à thé, des serviettes en lin brodées, un légumier, une saucière, un compotier, une boîte pour les cure-dents, un sucrier, des couverts à poisson et une chocolatière. Le tout était gravé aux armes de la famille de son hôte.
— Je n'ai jamais rien vu d'aussi joli...
— Vous comprenez pourquoi je ne pouvais pas venir hier... Si vous saviez les heures que j'ai passées à la nettoyer et à tout faire briller...
— Il fallait me le dire !
— Vous pensez vraiment que si j'avais prétexté : « Pas ce soir, j'ai ma malle à rafraîchir », vous ne m'auriez pas pris pour un fou ?
Elle se garda bien du moindre commentaire.
Ils déplièrent une nappe sur le sol et Philibert Machin chose mit le couvert.
Ils s'assirent en tailleur, ravis, enjoués, comme deux gamins qui inaugureraient leur nouvelle dînette, faisant mille manières et autant d'efforts pour ne rien casser. Camille, qui ne savait pas cuisiner, était allée chez Gou-betzkoï et avait choisi un assortiment de taramas, de saumons, de poissons marinés et de confitures d'oignons. Ils remplirent consciencieusement tous les petits raviers du grand-oncle et inaugurèrent une sorte de grille-pain très ingénieux, fabriqué avec un vieux couvercle et du papier d'aluminium, pour réchauffer les blinis sur la plaque électrique. La vodka était posée dans la gouttière et il suffisait de soulever le vasistas pour se resservir. Ces allées et venues refroidissaient la pièce, certes, mais la cheminée crépitait et tirait du feu de Dieu.
Comme d'habitude, Camille but plus qu'elle ne mangea.
— Ça ne vous dérange pas si je fume ?
— Je vous en prie... Par contre, j'aimerais allonger mes jambes parce que je me sens tout ankylosé...
— Mettez-vous sur mon lit...
— B... bien sûr que non, je... Je n'en ferai rien...
À la moindre émotion, il reperdait ses mots et tous ses moyens.
— Mais, si, allez-y ! En fait, c'est un canapé-lit...
— Dans ce cas...
— Nous pourrions peut-être nous tutoyer, Philibert ?
Il devint pâle.
— Oh, non, je... En ce qui me concerne, j'en serais bien incapable, mais vous... Vous...
— Stop ! Extinction des feux là-haut ! Je n'ai rien dit ! Je n'ai rien dit ! En plus, je trouve que c'est très bien le vouvoiement, c'est très charmant, très...
— Pittoresque ?
— Voilà !
Philibert ne mangeait pas beaucoup lui non plus, mais il était si lent et si précautionneux que notre parfaite petite ménagère se félicita d'avoir prévu un repas froid. Elle avait aussi acheté du fromage blanc pour le dessert. En vérité, elle était restée paralysée devant la vitrine d'un pâtissier, totalement décontenancée et incapable de choisir le moindre gâteau. Elle sortit sa petite cafetière italienne et but son jus dans une tasse si fine qu'elle était certaine de pouvoir la briser en la croquant.
Ils n'étaient pas bavards. Ils n'avaient plus l'habitude de partager leurs repas. Le protocole ne fut donc pas très au point et tous deux eurent du mal à se dépêtrer de leur solitude... Mais c'était des gens bien élevés et ils firent un effort pour porter beau. S'égayèrent, trinquèrent, évoquèrent le quartier. Les caissières du Franprix — Philibert aimait la blonde, Camille lui préférait la aubergine -, les touristes, les jeux de lumière sur la tour Eiffel et les crottes de chien. Contre toute attente, son hôte s'avéra être un causeur parfait, relançant sans cesse la conversation et picorant çà et là mille sujets futiles et plaisants. Il était passionné d'histoire de France et lui avoua qu'il passait le plus clair de son temps dans les geôles de Louis XI, dans l'antichambre de François Ier, à la table de paysans vendéens au Moyen Âge ou à la Conciergerie avec Marie-Antoinette, femme pour laquelle il nourrissait une véritable passion. Elle lançait un thème ou une époque et il lui apprenait une foule de détails piquants. Les costumes, les intrigues de la Cour, le montant de la gabelle ou la généalogie des Capétiens.
C'était très amusant.
Elle avait l'impression d'être sur le site Internet d'Alain Decaux.