Ensemble, cest tout
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"Et puis, qu'est-ce que ?a veut dire, diff?rents ? C'est de la foutaise, tonhistoire de torchons et de serviettes... Ce qui emp?che les gens de vivreensemble, c'est leur connerie, pas leurs diff?rences... " Camille dessine.Dessinais plut?t, maintenant elle fait des m?nages, la nuit. Philibert, aristopur jus, h?berge Franck, cuisinier de son ?tat, dont l'existence tourne autourdes filles, de la moto et de Paulette, sa grand-m?re. Paulette vit seule, tombebeaucoup et cache ses bleus, paniqu?e ? l'id?e de mourir loin de son jardin. Cesquatre l? n'auraient jamais d? se rencontrer. Trop perdus, trop seuls, tropcaboss?s... Et pourtant, le destin, ou bien la vie, le hasard, l'amour -appelez?a comme vous voulez -, va se charger de les bousculer un peu. Leur histoire,c'est la th?orie des dominos, mais ? l'envers. Au lieu de se faire tomber, ilss'aident ? se relever."
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De bons bœufs carottes... n'importe quoi...
Une petite maison comme celles que dessinent les enfants, avec une porte et deux fenêtres de chaque côté. Vieillotte, discrète, silencieuse, envahie par la vigne vierge et les rosiers grimpants. Une maison avec des gendarmes sur le perron, ces petites bêtes noires et rouges qui vont toujours collées deux par deux. Un perron bien chaud qui aurait emmagasiné toute la chaleur du jour et sur lequel elle s'assiérait le soir, pour guetter le retour du héron...
Et puis une vieille serre qui lui tiendrait lieu d'atelier... Enfin ça, ce n'était pas sûr... Jusqu'à présent, ses mains l'avaient toujours trahie et peut-être valait-il mieux ne plus compter sur elles...
Peut-être que l'apaisement ne pouvait pas passer par là finalement ?
Par où alors ? Par où, s'angoissait-elle soudain.
Par où ?
Elle se ressaisit aussitôt et interpella un vendeur avant de perdre pied. La petite chaumière au fond des bois, c'était bien joli, mais en attendant, elle se les gelait au fond d'un couloir humide et ce jeune homme en polo jaune vif serait sûrement capable de l'aider :
— Vous dites que l'air passe au travers ?
— Oui.
— C'est un Velux ?
— Non, un vasistas.
— Ça existe encore ces machins-là ?
— Hélas...
— Tenez, voilà ce qu'il vous faut...
Il lui tendit un rouleau de bourrelet à clouter spécial « calfeutrage fenêtres » en mousse gainée PVC, durable, lavable et étanche. Un vrai bonheur.
— Vous avez une agrafeuse ?
— Non.
— Un marteau ? des clous ?
— Non.
Elle le suivait comme un petit chien dans tout le magasin pendant qu'il remplissait son panier.
— Et pour me chauffer ?
— Qu'est-ce que vous avez pour le moment ?
— Un radiateur électrique qui saute pendant la nuit et qui pue en plus !
Il prit son rôle très au sérieux et lui fit un cours magistral.
D'un ton docte, il vanta, commenta et compara les mérites des soufflants, des rayonnants, des infrarouges, des céramiques, des bains d'huile et des convecteurs. Elle en eut le tournis.
— Qu'est-ce que je prends alors ?
— Ah, ben ça, c'est vous qui voyez...
— Mais justement... Je ne vois pas.
— Prenez un bain d'huile, c'est pas trop cher et ça chauffe bien. Le Oléo de Calor, il est pas mal...
— Il a des roulettes ?
— Euh... hésita-t-il en inspectant la fiche technique... thermostat mécanique, range-cordon, puissance modulable, humidificateur intégré, blablabla, roulettes! Oui mademoiselle !
— Super. Comme ça je pourrais le mettre près de mon lit...
— Euh... Si je puis me permettre... Vous savez, un garçon c'est bien aussi... Dans un lit, ça réchauffe...
— Oui, mais ça n'a pas de range-cordon...
— Hé non... Il souriait.
En l'accompagnant vers son guichet pour le bon de garantie, elle aperçut une fausse cheminée avec de fausses braises, des fausses bûches, de fausses flammes et de faux chenets.
— Oh ! Et ça ? C'est quoi ?
— Une cheminée électrique, mais je ne vous la conseille pas, c'est de l'arnaque...
— Si, si ! Montrez-moi !
C'était la Sherbone, un modèle anglais. Il n'y avait qu'eux pour inventer une chose aussi laide et aussi kitsch. Selon l'allure de chauffe (1 000 ou 2 000 watts) les flammes montaient plus ou moins haut. Camille était aux anges :
— C'est génial, on dirait une vraie !
— Vous avez vu le prix ?
— Non.
— 532 euros, c'est n'importe quoi... Un gadget débile... Ne vous faites pas avoir...
— De toute façon, en euros je comprends rien...
— C'est pas difficile pourtant, comptez presque 3 500 balles pour un truc qui vous chauffera moins bien que le Calor à moins de 600 francs...
— Je le veux.
Ce garçon était plein de bon sens et notre cigale ferma les yeux en tendant sa carte bleue. Au point où elle en était, elle s'offrit aussi le service de livraison. Quand elle annonça qu'elle vivait au septième sans ascenseur, la dame la regarda de travers et la prévint que ce serait dix euros de plus...
— Sans problème, répondit-elle en serrant les fesses.
Il avait raison. C'était n'importe quoi.
Oui, c'était n'importe quoi, mais l'endroit où elle vivait ne valait guère mieux. Quinze mètres carrés sous les toits, ce qui lui en laissait donc six pour se tenir debout, un matelas posé à même le sol, un minuscule point d'eau dans un angle qui évoquait plutôt une pissotière et qui lui seryait d'évier et de salle de bains. Un portant pour penderie et deux cartons empilés en guise d'étagères. Une plaque électrique posée sur une table de camping. Un mini-Frigidaire qui jouait aussi le rôle de plan de travail, de salle à manger et de table basse. Deux tabourets, un halogène, un petit miroir et un autre carton comme placard de cuisine. Quoi d'autre encore ? La valise écossaise où elle avait entreposé le peu de matériel qui lui restait, trois cartons à dessin et... Non, c'était tout. Voilà pour le tour du propriétaire.
Les chiottes étaient à la turque au bout du couloir à droite et la douche était au-dessus des chiottes. Il suffisait juste de poser sur le trou le caillebotis moisi prévu à cet usage...
Pas de voisins ou peut-être un fantôme puisqu'elle entendait parfois des murmures derrière la porte n° 12. Un cadenas sur la sienne et le nom de l'ancienne locataire en jolies lettres violettes punaisé sur le chambranle : Louise Leduc.
Petite bonne du siècle précédent...
Non, Camille ne regrettait pas sa cheminée bien que son prix représentât presque la moitié de son salaire... Ah ! quand même... Bah... pour ce qu'elle en faisait de son salaire... Elle rêvassait dans l'autobus en se demandant qui elle pourrait bien inviter pour l'inaugurer...
Quelques jours plus tard, elle tenait son lascar :
— Vous savez, j'ai une cheminée !
— Pardon ? Ah ! Oh ! C'est vous... Bonjour mademoiselle. Triste temps, n'est-ce pas ?
— Vous l'avez dit ! Et pourquoi vous enlevez votre bonnet alors ?
— Eh bien euh... Je... Je vous saluais, n'est-ce pas ?
— Mais non voyons, remettez-le ! Vous allez attraper la crève ! Je vous cherchais justement. Je voulais vous inviter à dîner au coin du feu un de ces soirs...
— Moi ? s'étrangla-t-il.
— Oui ! Vous !
— Oh, non, mais je... euh... Pourquoi ? Vraiment c'est...
— C'est quoi ? lâcha-t-elle soudain fatiguée, alors qu'ils étaient tous les deux en train de grelotter devant leur épicerie préférée.
— C'est... euh...
— C'est pas possible ?
— Non, c'est... C'est trop d'honneur !
— Ah ! s'amusait-ellè, c'est trop d'honneur... Mais non, vous verrez, ce sera très simple. C'est d'accord alors ?
— Eh bien, oui... je... je serais ravi de partager votre table...
— Euh... Ce n'est pas vraiment une table, vous savez...
— Ah bon ?
— Plutôt un pique-nique... Un petit repas à la bonne franquette...
— Très bien, j'adore les pique-niques ! Je peux même venir avec mon plaid et mon panier, si vous voulez...
— Votre panier de quoi ?
— Mon panier de pique-nique !
— Un truc avec de la vaisselle ?
— Des assiettes en effet, des couverts, une nappe, quatre serviettes, un tire-bou...
— Oh oui, très bonne idée ! Je n'ai rien de tout cela ! Mais quand ? Ce soir ?
— Eh bien, ce soir... enfin... je... — Vous quoi ?
— C'est-à-dire que je n'ai pas prévenu mon colocataire...
— Je vois. Mais il peut venir aussi, ce n'est pas un problème.
— Lui ? s'étonna-t-il, non... pas lui. D'abord je ne sais pas si... Enfin si c'est un garçon très convenable... Je... Entendons-nous, je ne parle pas de ses mœurs, même si... enfin... je ne les partage pas, voyez-vous, non, je pense plutôt à... Oh, et puis il n'est pas là ce soir. Ni aucun autre soir d'ailleurs...
— Récapitulons, s'agaça Camille, vous ne pouvez pas venir parce que vous n'avez pas prévenu votre coloc' qui n'est jamais là de toute façon, c'est bien ça ?