Anna Karenine Tome II
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Russie, 1880. Anna Kar?nine, est une jeune femme de la haute soci?t? de Saint-P?tersbourg. Elle est mari?e ? Alexis Kar?nine un haut fonctionnaire de l'administration imp?riale, un personnage aust?re et orgueilleux. Ils ont un gar?on de huit ans, Serge. Anna se rend ? Moscou chez son fr?re Stiva Oblonski. En descendant du train, elle croise le comte Vronski, venu ? la rencontre de sa m?re. Elle tombe amoureuse de Vronski, cet officier brillant, mais frivole. Ce n'est tout d'abord qu'un ?clair, et la joie de retrouver son mari et son fils lui font croire que ce sera un vertige sans lendemain. Mais lors d'un voyage en train, quand Vronski la rejoint et lui d?clare son amour, Anna r?alise que la frayeur m?l?e de bonheur qu'elle ressent ? cet instant va changer son existence. Anna lutte contre cette passion. Elle finit pourtant par s'abandonner avec un bonheur coupable au courant qui la porte vers ce jeune officier. Puis Anna tombe enceinte. Se sentant coupable et profond?ment d?prim?e par sa faute, elle d?cide d'avouer son infid?lit? ? son mari…
Cette magnifique et tragique histoire d'amour s'inscrit dans un vaste tableau de la soci?t? russe contemporaine. En parall?le, Tolsto? brosse le portrait de deux autres couples: Kitty et L?vine, Daria et Oblonski. Il y ?voque les diff?rentes facettes de l'?mancipation de la femme, et dresse un tableau critique de la Russie de la fin du XIXe si?cle.
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VI
La brillante victoire remportée par Alexis Alexandrovitch dans la séance du 17 août avait eu des suites fâcheuses. La nouvelle commission, nommée pour étudier la situation des populations étrangères, avait agi avec une promptitude qui frappa Karénine; au bout de trois mois elle présentait déjà son rapport! L’état de ces populations se trouvait étudié aux points de vue politique, administratif, économique, ethnographique, matériel et religieux. Chaque question était suivie d’une réponse admirablement rédigée et ne pouvant laisser subsister aucun doute, car ces réponses n’étaient pas l’œuvre de l’esprit humain, toujours sujet à l’erreur, mais d’une bureaucratie pleine d’expérience. Ces réponses se basaient sur des données officielles, telles que rapports des gouverneurs et des archevêques, basés eux-mêmes sur les rapports des chefs de district et des surintendants ecclésiastiques, basés à leur tour sur les rapports des administrations communales et des paroisses de campagne. Comment douter de leur exactitude? Des questions comme celles-ci: «Pourquoi les récoltes sont-elles mauvaises?» et «Pourquoi les habitants de certaines localités s’obstinent-ils à pratiquer leur religion?» questions que la machine officielle pouvait seule résoudre, et auxquelles des siècles n’auraient pas trouvé de réponses, furent clairement résolues, conformément aux opinions d’Alexis Alexandrovitch.
Mais Strémof, piqué au vif, avait imaginé une tactique à laquelle son adversaire ne s’attendait pas: entraînant plusieurs membres du comité à sa suite, il passa tout à coup dans le camp de Karénine, et, non content d’appuyer les mesures proposées par celui-ci avec chaleur, il en proposa d’autres, dans le même sens, qui dépassèrent de beaucoup les intentions d’Alexis Alexandrovitch.
Poussées à l’extrême, ces mesures parurent si absurdes, que le gouvernement, l’opinion publique, les dames influentes, les journaux, furent tous indignés, et leur mécontentement rejaillit sur le père de la commission, Karénine.
Enchanté du succès de sa ruse, Strémof prit un air innocent, s’étonna des résultats obtenus, et se retrancha derrière la foi aveugle que lui avait inspirée le plan de son collègue. Alexis Alexandrovitch, quoique malade et très affecté de tous ces ennuis, ne se rendit pas. Une scission se produisit au sein du comité; les uns, avec Strémof, expliquèrent leur erreur par un excès de confiance, et déclarèrent les rapports de la commission d’inspection absurdes; les autres, avec Karénine, redoutant cette façon révolutionnaire de traiter une commission, la soutinrent. Les sphères officielles, et même la société, virent s’embrouiller cette intéressante question à tel point, que la misère et la prospérité des populations étrangères devinrent également problématiques. La position de Karénine, déjà minée par le mauvais effet que produisaient ses malheurs domestiques, parut chanceler. Il eut alors le courage de prendre une résolution hardie: au grand étonnement de la commission il déclara qu’il demandait l’autorisation d’aller étudier lui-même ces questions sur les lieux, et, l’autorisation lui ayant été accordée, il partit pour un gouvernement lointain.
Ce départ fit grand bruit, d’autant plus qu’il refusa officiellement les frais de déplacement fixés à douze chevaux de poste.
Alexis Alexandrovitch passa par Moscou et s’y arrêta trois jours.
Le lendemain de son arrivée, comme il venait de rendre visite au général gouverneur, il s’entendit héler, dans la rue des Gazettes, à l’endroit où se croisent en grand nombre les voitures de maîtres et les isvostchiks, et, se retournant à l’appel d’une voix gaie et sonore, il aperçut Stépane Arcadiévitch sur le trottoir. Vêtu d’un paletot à la dernière mode, le chapeau avançant sur son front brillant de jeunesse et de santé, il appelait avec une telle persistance, que Karénine dut s’arrêter. Dans la voiture, à la portière de laquelle Stépane Arcadiévitch s’appuyait, était une femme en chapeau de velours avec deux enfants; elle faisait des gestes de la main en souriant amicalement. C’étaient Dolly et ses enfants.
Alexis Alexandrovitch ne comptait pas voir de monde à Moscou, le frère de sa femme moins que personne; aussi voulut-il continuer son chemin après avoir salué; mais Oblonsky fit signe au cocher d’arrêter et courut dans la neige jusqu’à la voiture.
«Depuis quand es-tu ici? N’est-ce pas un péché de ne pas nous prévenir? J’ai vu hier soir chez Dusseaux le nom de Karénine sur la liste des arrivants, et l’idée ne m’est pas venue que ce fût toi, dit-il en passant sa tête à la portière et en secouant la neige de ses pieds en les frappant l’un contre l’autre. Comment ne pas nous avoir avertis?
– Le temps m’a manqué, je suis très occupé, répondit sèchement Alexis Alexandrovitch.
– Viens voir ma femme, elle le désire beaucoup.»
Karénine ôta le plaid qui recouvrait ses jambes frileuses et, quittant sa voiture, se fraya un chemin dans la neige jusqu’à celle de Dolly.
«Que se passe-t-il donc, Alexis Alexandrovitch, pour que vous nous évitiez ainsi? dit celle-ci en souriant.
– Charmé de vous voir, répondit Karénine d’un ton qui prouvait clairement le contraire. Et votre santé?
– Que fait ma chère Anna?»
Alexis Alexandrovitch murmura quelques mots et voulut se retirer, mais Stépane Arcadiévitch l’en empêcha.
«Sais-tu ce que nous allons faire? Dolly, invite-le à dîner pour demain avec Kosnichef et Pestzoff, l’élite de l’intelligence moscovite.
– Venez, je vous en prie, dit Dolly, nous vous attendrons à l’heure qui vous conviendra, à cinq, à six heures, comme vous voudrez. Et ma chère Anna, il y a si longtemps…
– Elle va bien, murmura encore Alexis Alexandrovitch en fronçant le sourcil. Très heureux de vous avoir rencontrée.»
Et il regagna sa voiture.
«Vous viendrez?» cria encore Dolly. Karénine répondit quelques mots qui ne parvinrent pas jusqu’à elle.
«J’entrerai chez toi demain!» cria aussi Stépane Arcadiévitch.
Alexis Alexandrovitch s’enfonça dans sa voiture comme s’il eût voulu y disparaître.
«Quel original!» dit Stépane Arcadiévitch à Dolly; et regardant sa montre il fit un petit signe d’adieu caressant à sa femme et à ses enfants, et s’éloigna d’un pas ferme.
«Stiva, Stiva! lui cria Dolly en rougissant.
Il se retourna.
«Et l’argent pour les paletots des enfants?
– Tu diras que je passerai.»
Et il disparut, saluant gaiement au passage quelques personnes de connaissance.