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Les Contemplations

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Les Contemplations
Название: Les Contemplations
Автор: Hugo Victor
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Contemplations читать книгу онлайн

Les Contemplations - читать бесплатно онлайн , автор Hugo Victor

Les 11 000 vers des Contemplations furent ?crits d?s 1834, mais surtout pendant l'exil ? Jersey, puis ? Guernesey, en particulier ? partir de 1853 alors que Hugo composait les Ch?timents. Mettant fin au silence lyrique qu'il observait depuis les Rayons et les Ombres (1840), le recueil, sommet de sa production po?tique, somme de sa vie, de sa sensibilit? et de sa pens?e, se pr?sente comme «les M?moires d'une ?me» (Pr?face). Si «une destin?e est ?crite l? jour ? jour», le recueil s'?rige aussi en expression d'une exp?rience, celle d'un homme qui se veut comme les autres: «Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous.»

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On vit trembler l’athos, l’ithos et le pathos.

Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,

Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,

Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.

La syllabe, enjambant la loi qui la tria,

Le substantif manant, le verbe paria,

Accoururent. On but l’horreur jusqu’à la lie.

On les vit déterrer le songe d’Athalie;

Ils jetèrent au vent les cendres du récit

De Théramène; et l’astre Institut s’obscurcit.

Oui, de l’ancien régime ils ont fait tables rases,

Et j’ai battu des mains, buveur du sang des phrases,

Quand j’ai vu par la strophe écumante et disant

Les choses dans un style énorme et rugissant,

L’Art poétique pris au collet dans la rue,

Et quand j’ai vu, parmi la foule qui se rue,

Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,

La lettre aristocrate à la lanterne esprit.

Oui, je suis ce Danton! je suis ce Robespierre!

J’ai, contre le mot noble à la longue rapière,

Insurgé le vocable ignoble, son valet,

Et j’ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.

Oui, c’est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.

J’ai pris et démoli la bastille des rimes.

J’ai fait plus: j’ai brisé tous les carcans de fer

Qui liaient le mot peuple, et tiré de l’enfer

Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales;

J’ai de la périphrase écrasé les spirales,

Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel

L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel;

Et je n’ignorais pas que la main courroucée

Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L’unité, des efforts de l’homme est l’attribut.

Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j’en conviens, voilà, déduits en style honnête,

Plusieurs de mes forfaits, et j’apporte ma tête.

Vous devez être vieux, par conséquent, papa,

Pour la dixième fois j’en fais mea culpa.

Oui, si Beauzée est dieu, c’est vrai, je suis athée.

La langue était en ordre, auguste, époussetée,

Fleurs-de-lis d’or, Tristan et Boileau, plafond bleu,

Les quarante fauteuils et le trône au milieu;

Je l’ai troublée, et j’ai, dans ce salon illustre,

Même un peu cassé tout; le mot propre, ce rustre,

N’était que caporal: je l’ai fait colonel;

J’ai fait un jacobin du pronom personnel,

Du participe, esclave à la tête blanchie,

Une hyène, et du verbe une hydre d’anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez!

J’ai dit à la narine: Eh mais! tu n’es qu’un nez!

J’ai dit au long fruit d’or: Mais tu n’es qu’une poire!

J’ai dit à Vaugelas: Tu n’es qu’une mâchoire!

J’ai dit aux mots: Soyez république! soyez

La fourmilière immense, et travaillez! Croyez,

Aimez, vivez! – J’ai mis tout en branle, et, morose,

J’ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d’autres l’ont fait aussi;

Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,

Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.

Nous faisons basculer la balance hémistiche.

C’est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front

Jadis portait toujours douze plumes en rond,

Et sans cesse sautait sur la double raquette

Qu’on nomme prosodie et qu’on nomme étiquette,

Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,

Et s’échappe, volant qui se change en oiseau,

De la cage césure, et fuit vers la ravine,

Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.

Les écrivains ont mis la langue en liberté.

Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,

Le vrai, chassant l’essaim des pédagogues tristes,

L’imagination, tapageuse aux cent voix,

Qui casse des carreaux dans l’esprit des bourgeois;

La poésie au front triple, qui rit, soupire

Et chante; raille et croit; que Plaute et que Shakspeare

Semaient, l’un sur la plèbe, et l’autre sur le mob;

Qui verse aux nations la sagesse de Job

Et la raison d’Horace à travers sa démence;

Qu’enivre de l’azur la frénésie immense,

Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,

Monte à l’éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,

Se remet à pleurer sur la misère humaine,

Frappe et console, va du zénith au nadir,

Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir

Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d’étincelles,

Et ses millions d’yeux sur ses millions d’ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.

Grâce à toi, progrès saint, la Révolution

Vibre aujourd’hui dans l’air, dans la voix, dans le livre;

Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre;

Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit.

Sa langue est déliée ainsi que son esprit.

Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.

Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,

L’un sur le citoyen, l’autre sur le penseur.

Elle prend par la main la Liberté, sa sœur,

Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.

Les préjugés, formés, comme les madrépores,

Du sombre entassement des abus sous les temps,

Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,

Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.

Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame;

Elle est l’expression, elle est le sentiment,

Lanterne dans la rue, étoile au firmament.

Elle entre aux profondeurs du langage insondable;

Elle souffle dans l’art, porte-voix formidable;

Et, c’est Dieu qui le veut, après avoir rempli

De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli

Des fronts, et relevé la foule dégradée,

Et s’être faite droit, elle se fait idée!

Paris, janvier 1834.

VIII. Suite

Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.

La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant;

La plume, qui d’une aile allongeait l’envergure,

Frémit sur le papier quand sort cette figure,

Le mot, le terme, type on ne sait d’où venu,

Face de l’invisible, aspect de l’inconnu;

Créé, par qui? forgé, par qui? jailli de l’ombre;

Montant et descendant dans notre tête sombre,

Trouvant toujours le sens comme l’eau le niveau;

Formule des lueurs flottantes du cerveau.

Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.

Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,

Ou font gronder le vers, orageuse forêt.

Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.

Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante,

S’offre, se donne ou fuit; devant Néron qui chante

Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard;

Tel mot est un sourire, et tel autre un regard;

De quelque mot profond tout homme est le disciple;

Toute force ici-bas a le mot pour multiple;

Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref,

Le creux du crâne humain lui donne son relief;

La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle;

Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle;

Les mots heurtent le front comme l’eau le récif;

Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif

Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes;

Comme en un âtre noir errent des étincelles,

Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,

Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous;

Les mots sont les passants mystérieux de l’âme.

Chacun d’eux porte une ombre ou secoue une flamme;

Chacun d’eux du cerveau garde une région;

Pourquoi? c’est que le mot s’appelle Légion,

C’est que chacun, selon l’éclair qui le traverse,

Dans le labeur commun fait une œuvre diverse;

C’est que de ce troupeau de signes et de sons

Qu’écrivant ou parlant, devant nous nous chassons,

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