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Les Contemplations

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Les Contemplations
Название: Les Contemplations
Автор: Hugo Victor
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Contemplations - читать бесплатно онлайн , автор Hugo Victor

Les 11 000 vers des Contemplations furent ?crits d?s 1834, mais surtout pendant l'exil ? Jersey, puis ? Guernesey, en particulier ? partir de 1853 alors que Hugo composait les Ch?timents. Mettant fin au silence lyrique qu'il observait depuis les Rayons et les Ombres (1840), le recueil, sommet de sa production po?tique, somme de sa vie, de sa sensibilit? et de sa pens?e, se pr?sente comme «les M?moires d'une ?me» (Pr?face). Si «une destin?e est ?crite l? jour ? jour», le recueil s'?rige aussi en expression d'une exp?rience, celle d'un homme qui se veut comme les autres: «Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous.»

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III. Mes deux filles

Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,

L’une pareille au cygne et l’autre à la colombe,

Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur!

Voyez, la grande sœur et la petite sœur

Sont assises au seuil du jardin, et sur elles

Un bouquet d’œillets blancs aux longues tiges frêles,

Dans une urne de marbre agité par le vent,

Se penche, et les regarde, immobile et vivant,

Et frissonne dans l’ombre, et semble, au bord du vase,

Un vol de papillons arrêté dans l’extase.

La Terrasse, près Enghien, juin 1842.

IV .

Le firmament est plein de la vaste clarté;

Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.

Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure;

Le champ sera fécond, la vigne sera mûre;

Tout regorge de sève et de vie et de bruit,

De rameaux verts, d’azur frissonnant, d’eau qui luit,

Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.

Qu’a donc le papillon? qu’a donc la sauterelle?

La sauterelle a l’herbe, et le papillon l’air;

Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.

Un refrain joyeux sort de la nature entière;

Chanson qui doucement monte et devient prière.

Le poussin court, l’enfant joue et danse, l’agneau

Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,

Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage;

Le vent lit à quelqu’un d’invisible un passage

Du poëme inouï de la création;

L’oiseau parle au parfum; la fleur parle au rayon;

Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle;

Les nids ont chaud, l’azur trouve la terre belle,

Onde et sphère, à la fois tous les climats flottants;

Ici l’automne, ici l’été; là le printemps.

Ô coteaux! ô sillons! souffles, soupirs, haleines!

L’hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,

S’élève gravement vers Dieu, père du jour;

Et toutes les blancheurs sont des strophes d’amour;

Le cygne dit: Lumière! et le lys dit: Clémence!

Le ciel s’ouvre à ce chant comme une oreille immense.

Le soir vient; et le globe à son tour s’éblouit,

Devient un œil énorme et regarde la nuit;

Il savoure, éperdu, l’immensité sacrée,

La contemplation du splendide empyrée,

Les nuages de crêpe et d’argent, le zénith,

Qui, formidable, brille et flamboie et bénit,

Les constellations, ces hydres étoilées,

Les effluves du sombre et du profond, mêlées

À vos effusions, astres de diamant,

Et toute l’ombre avec tout le rayonnement!

L’infini tout entier d’extase se soulève?

Et, pendant ce temps-là, Satan, l’envieux, rêve.

La Terrasse, avril 1840.

V. À André Chénier

Oui, mon vers croit pouvoir, sans se mésallier,

Prendre à la prose un peu de son air familier.

André, c’est vrai, je ris quelquefois sur la lyre.

Voici pourquoi. Tout jeune encor, tâchant de lire

Dans le livre effrayant des forêts et des eaux,

J’habitais un parc sombre où jasaient des oiseaux,

Où des pleurs souriaient dans l’œil bleu des pervenches;

Un jour que je songeais seul au milieu des branches,

Un bouvreuil qui faisait le feuilleton du bois

M’a dit: «Il faut marcher à terre quelquefois.

«La nature est un peu moqueuse autour des hommes;

«Ô poëte, tes chants, ou ce qu’ainsi tu nommes,

«Lui ressembleraient mieux si tu les dégonflais.

«Les bois ont des soupirs, mais ils ont des sifflets.

«L’azur luit, quand parfois la gaîté le déchire;

«L’Olympe reste grand en éclatant de rire;

«Ne crois pas que l’esprit du poëte descend

«Lorsque entre deux grands vers un mot passe en dansant.

«Ce n’est pas un pleureur que le vent en démence;

«Le flot profond n’est pas un chanteur de romance;

«Et la nature, au fond des siècles et des nuits,

«Accouplant Rabelais à Dante plein d’ennuis,

«Et l’Ugolin sinistre au Grandgousier difforme,

«Près de l’immense deuil montre le rire énorme.»

Les Roches, juillet 1830.

VI. La vie aux champs

Le soir, à la campagne, on sort, on se promène,

Le pauvre dans son champ, le riche en son domaine;

Moi, je vais devant moi: le poëte en tout lieu

Se sent chez lui, sentant qu’il est partout chez Dieu.

Je vais volontiers seul. Je médite ou j’écoute.

Pourtant, si quelqu’un veut m’accompagner en route,

J’accepte. Chacun a quelque chose en l’esprit;

Et tout homme est un livre où Dieu lui-même écrit.

Chaque fois qu’en mes mains un de ces livres tombe,

Volume où vit une âme et que scelle la tombe,

J’y lis.

Chaque soir donc, je m’en vais, j’ai congé,

Je sors. J’entre en passant chez des amis que j’ai.

On prend le frais, au fond du jardin, en famille.

Le serein mouille un peu les bancs sous la charmille;

N’importe: je m’assieds, et je ne sais pourquoi

Tous les petits enfants viennent autour de moi.

Dès que je suis assis, les voilà tous qui viennent.

C’est qu’ils savent que j’ai leurs goûts; ils se souviennent

Que j’aime comme eux l’air, les fleurs, les papillons

Et les bêtes qu’on voit courir dans les sillons.

Ils savent que je suis un homme qui les aime,

Un être auprès duquel on peut jouer, et même

Crier, faire du bruit, parler à haute voix;

Que je riais comme eux et plus qu’eux autrefois.

Et aujourd’hui, sitôt qu’à leurs ébats j’assiste,

Je leur souris encor, bien que je sois plus triste;

Ils disent, doux amis, que je ne sais jamais

Me fâcher; qu’on s’amuse avec moi; que je fais

Des choses en carton, des dessins à la plume;

Que je raconte, à l’heure où la lampe s’allume,

Oh! des contes charmants qui vous font peur la nuit;

Et qu’enfin je suis doux, pas fier et fort instruit.

Aussi, dès qu’on m’a vu: «Le voilà!» tous accourent.

Ils quittent jeux, cerceaux et balles; ils m’entourent

Avec leurs beaux grands yeux d’enfants, sans peur, sans fiel,

Qui semblent toujours bleus, tant on y voit le ciel!

Les petits – quand on est petit, on est très brave -

Grimpent sur mes genoux; les grands ont un air grave;

Ils m’apportent des nids de merles qu’ils ont pris,

Des albums, des crayons qui viennent de Paris;

On me consulte, on a cent choses à me dire,

On parle, on cause, on rit surtout; – j’aime le rire,

Non le rire ironique aux sarcasmes moqueurs,

Mais le doux rire honnête ouvrant bouches et cœurs,

Qui montre en même temps des âmes et des perles.

J’admire les crayons, l’album, les nids de merles;

Et quelquefois on dit quand j’ai bien admiré:

«Il est du même avis que monsieur le curé.»

Puis, lorsqu’ils ont jasé tous ensemble à leur aise,

Ils font soudain, les grands s’appuyant à ma chaise,

Et les petits toujours groupés sur mes genoux,

Un silence, et cela veut dire: «Parle-nous.»

Je leur parle de tout. Mes discours en eux sèment

Ou l’idée ou le fait. Comme ils m’aiment, ils aiment

Tout ce que je leur dis. Je leur montre du doigt

Le ciel, Dieu qui s’y cache, et l’astre qu’on y voit.

Tout, jusqu’à leur regard, m’écoute. Je dis comme

Il faut penser, rêver, chercher. Dieu bénit l’homme,

Non pour avoir trouvé, mais pour avoir cherché.

Je dis: Donnez l’aumône au pauvre humble et penché;

Recevez doucement la leçon ou le blâme.

Donner et recevoir, c’est faire vivre l’âme!

Je leur conte la vie, et que, dans nos douleurs,

Il faut que la bonté soit au fond de nos pleurs,

Et que, dans nos bonheurs, et que, dans nos délires,

Il faut que la bonté soit au fond de nos rires;

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