Jean-Christophe Tome VII
Jean-Christophe Tome VII читать книгу онлайн
Publi? de 1904 ? 1912, ce roman fleuve en 10 volumes est un courageux message d'amour, d'espoir d'une humanit? r?concili?e, une qu?te de sagesse en une ?poque particuli?rement troubl?e qui allait aboutir ? la guerre de 14-18. Romain Rolland re?ut le prix Nobel de litt?rature en 1915 pour ce roman. Il nous conte l'histoire de Jean-Christophe Krafft, musicien allemand, h?ros romantique, qui devra passer par une s?rie d'?preuves avant de dominer sa vie et trouver l'?quilibre de la pl?nitude.
Christophe est l'a?n? de Melchior, violoniste qui s'enlise dans l'alcool, et de Louisa, m?re courage qui se bat contre la mis?re. Grand-p?re ?tait aussi musicien. Il offre un vieux piano ? la famille et apprend la musique ? Christophe. Cet instrument va permettre de r?v?ler le talent de l'enfant qui, ? six ans, se voue ? la musique, commence ? donner des concerts et ? composer…
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
– Dans la d?faite. C’est vous, mon bon Christophe, qui nous avez reforg?s. Ah! ce n’a pas ?t? sans douleur. Vous ne vous doutez pas de la sombre atmosph?re, o? nous avons grandi, dans une France humili?e et meurtrie, qui venait de voir la mort, et qui sentait toujours peser sur elle la menace meurtri?re de la force. Notre vie, notre g?nie, notre civilisation fran?aise, la grandeur de dix si?cles, – nous savions qu’elle ?tait dans la main d’un conqu?rant brutal, qui ne la comprenait point, qui la ha?ssait au fond, et qui, d’un moment ? l’autre, pouvait achever de la broyer pour jamais. Et il fallait vivre pour ces destins! Songe ? ces petits Fran?ais, n?s dans des maisons en deuil, ? l’ombre de la d?faite, nourris de ces pens?es d?courag?es, ?lev?s pour une revanche sanglante, fatale et peut-?tre inutile: car, si petits qu’ils fussent, la premi?re chose dont ils avaient pris conscience, c’?tait qu’il n’y a pas de justice, il n’y a pas de justice en ce monde: la force ?crase le droit! De pareilles d?couvertes laissent l’?me d’un enfant d?grad?e ou grandie pour jamais. Beaucoup s’abandonn?rent; ils se dirent: «Puisque c’est ainsi, pourquoi lutter? pourquoi agir? Rien n’est rien. N’y pensons pas. Jouissons.» – Mais ceux qui ont r?sist? sont ? l’?preuve du feu; nulle d?sillusion ne peut atteindre leur foi: car, d?s le premier jour, ils ont su que sa route n’avait rien de commun avec celle du bonheur, et que pourtant on n’a pas le choix, il faut la suivre: on ?toufferait ailleurs. On n’arrive pas, du premier coup, ? cette assurance. On ne peut pas l’attendre de gar?ons de quinze ans. Il y a des angoisses avant, et des larmes vers?es. Mais cela est bien, ainsi. Il faut que cela soit ainsi…
«? Foi, vierge d’acier…
Laboure de ta lance le c?ur foul? des races!…»
Christophe serra en silence la main d’Olivier.
– Cher Christophe, dit Olivier, ton Allemagne nous a fait bien souffrir.
Et Christophe s’excusait presque, comme s’il en ?tait cause.
– Ne t’afflige pas, dit Olivier, souriant. Le bien qu’elle nous a fait, sans le vouloir, est plus grand que le mal. C’est vous qui avez fait reflamber notre id?alisme, c’est vous qui avez ranim? chez nous les ardeurs de la science et de la foi, c’est vous qui avez fait couvrir d’?coles notre France, c’est vous qui avez surexcit? les puissances de cr?ation d’un Pasteur, dont les seules d?couvertes ont suffi ? combler la ran?on de guerre de cinq milliards, c’est vous qui avez fait rena?tre notre po?sie, notre peinture, notre musique; c’est ? vous que nous devons le r?veil de la conscience de notre race. On est r?compens? de l’effort qu’on a d? faire de pr?f?rer sa foi au bonheur; car on a pris ainsi le sentiment d’une telle force morale, parmi l’apathie du monde, qu’on finit par ne plus douter, m?me de la victoire. Si peu que nous soyons, vois-tu, mon bon Christophe, et si faibles que nous paraissions, – une goutte d’eau dans l’oc?an de la force allemande, – nous croyons que ce sera la goutte d’eau qui colorera l’oc?an. La phalange mac?donienne enfoncera les massives arm?es de la pl?be europ?enne.
Christophe regarda le ch?tif Olivier, dont les regards brillaient de foi:
– Pauvres petits Fran?ais d?biles! Vous ?tes plus forts que nous.
– ? bonne d?faite, r?p?tait Olivier. B?ni soit le d?sastre. Nous ne le renierons pas. Nous sommes ses enfants.