Le vicomte de Bragelonne. Tome I
Le vicomte de Bragelonne. Tome I читать книгу онлайн
Derni?re page de l'histoire des quatre amis, d'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis… Le r?gne de Louis XIV commence, chacun a vieilli et ?volu?, mais conserve sa personnalit? d'autrefois. Dans ce livre, le h?ros est le vicomte de Bragelonne, qui n'est autre que le fils d'Athos, mais les anciens mousquetaires ne sont jamais loin quand il s'agit d'intrigues et d'aventures…
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
– Bah! Colbert, le petit Colbert?
– Oui, Colbert, le petit Colbert.
– Le factotum de M. de Mazarin?
– Justement.
– Eh bien! que voyez-vous là d'effrayant, chère marquise? Le petit Colbert intendant, c'est étonnant, j'en conviens, mais ce n'est pas terrible.
– Croyez-vous que le roi ait donné, sans motifs pressants, une pareille place à celui que vous appelez un petit cuistre?
– D'abord, est-ce bien vrai que le roi la lui ait donnée.
– On le dit.
– Qui le dit?
– Tout le monde.
– Tout le monde, ce n'est personne; citez-moi quelqu’un qui puisse être bien informé et qui le dise.
– Mme Vanel.
– Ah! vous commencez à m'effrayer, en effet, dit Fouquet en riant; le fait est que si quelqu'un est bien renseigné, ou doit être bien renseigné, c'est la personne que vous nommez.
– Ne dites pas de mal de la pauvre Marguerite, monsieur Fouquet, car elle vous aime toujours.
– Bah! vraiment? C'est à ne pas croire. Je pensais que ce petit Colbert, comme vous disiez tout à l'heure, avait passé par-dessus cet amour-là et l'avait empreint d'une tache d'encre ou d'une couche de crasse.
– Fouquet, Fouquet, voilà donc comme vous êtes pour celles que vous abandonnez?
– Allons, n'allez-vous pas prendre la défense de Mme Vanel, marquise?
– Oui, je la prendrai; car, je vous le répète, elle vous aime toujours, et la preuve, c'est qu'elle vous sauve.
– Par votre entremise, marquise; c'est adroit à elle. Nul ange ne pourrait m'être plus agréable, et me mener plus sûrement au salut. Mais d'abord, comment connaissez-vous Marguerite?
– C'est mon amie de couvent.
– Et vous dites donc qu'elle vous a annoncé que M. Colbert était nommé intendant?
– Oui.
– Eh bien! éclairez-moi, marquise; voilà M. Colbert intendant, soit. En quoi un intendant, c'est-à-dire mon subordonné, mon commis, peut-il me porter ombrage ou préjudice, fût-ce M. Colbert?
– Vous ne réfléchissez pas, monsieur, à ce qu'il paraît, répondit la marquise.
– À quoi?
– À ceci: que M. Colbert vous hait.
– Moi! s'écria Fouquet. Eh! mon Dieu! marquise, d'où sortez-vous donc? Mais, tout le monde me hait, celui-là comme les autres.
– Celui-là plus que les autres.
– Plus que les autres, soit.
– Il est ambitieux.
– Qui ne l'est pas, marquise?
– Oui; mais à lui son ambition n'a pas de borne.
– Je le vois bien, puisqu'il a tendu à me succéder près de Mme Vanel.
– Et qu'il a réussi; prenez-y garde.
– Voudriez-vous dire qu'il a la prétention de passer d'intendant surintendant?
– N'en avez-vous pas eu déjà la crainte?
– Oh! oh! fit Fouquet, me succéder près de Mme Vanel, soit; mais près du roi, c'est autre chose. La France ne s'achète pas si facilement que la femme d'un maître des comptes.
– Eh! monsieur, tout s'achète; quand ce n'est point par l'or, c'est par l'intrigue.
– Vous savez bien le contraire, vous, madame, vous à qui j'ai offert des millions.
– Il fallait, au lieu de ces millions, Fouquet, m'offrir un amour vrai, unique, absolu; j'eusse accepté. Vous voyez bien que tout s’achète, si ce n'est pas d'une façon, c'est de l'autre.
– Ainsi M. Colbert, à votre avis, est en train de marchander ma place de surintendant? Allons, allons, marquise, tranquillisez-vous, il n'est pas encore assez riche pour l'acheter.
– Mais s'il vous la vole?
– Ah! ceci est autre chose. Malheureusement, avant que d'arriver à moi, c'est-à-dire au corps de la place, il faut détruire, il faut battre en brèche les ouvrages avancés, et je suis diablement bien fortifié, marquise.
– Et ce que vous appelez vos ouvrages avancés, ce sont vos créatures, n'est-ce pas, ce sont vos amis?
– Justement.
– Et M. d'Emerys est-il de vos créatures?
– Oui.
– M. Lyodot est-il de vos amis?
– Certainement.
– M. de Vanin?
– Oh! M. de Vanin, qu'on en fasse ce que l'on voudra, mais…
– Mais?…
– Mais qu'on ne touche pas aux autres.
– Eh bien! si vous voulez qu'on ne touche point à MM. d'Emerys et Lyodot, il est temps de vous y prendre.
– Qui les menace?
– Voulez-vous m'entendre maintenant?
– Toujours, marquise.
– Sans m'interrompre?
– Parlez.
– Eh bien! ce matin, Marguerite m'a envoyé chercher.
– Ah!
– Oui.
– Et que vous voulait-elle?
– «Je n'ose voir M. Fouquet moi-même», m'a-t-elle dit.
– Bah! pourquoi? pense-t-elle que je lui eusse fait des reproches? Pauvre femme, elle se trompe bien, mon Dieu!
– «Voyez-le, vous, et dites-lui qu'il se garde de M. de Colbert.»
– Comment, elle me fait prévenir de me garder de son amant?
– Je vous ai dit qu'elle vous aime toujours.
– Après, marquise?
– «M. de Colbert, a-t-elle ajouté, est venu il y a deux heures m'annoncer qu'il était intendant.»
– Je vous ai déjà dit, marquise, que M. de Colbert n'en serait que mieux sous ma main.
– Oui, mais ce n'est pas le tout: Marguerite est liée, comme vous savez, avec Mme d'Emerys et Mme Lyodot.
– Oui.
– Eh bien! M. de Colbert lui a fait de grandes questions sur la fortune de ces deux messieurs, sur le degré de dévouement qu'ils vous portent.
– Oh! quant à ces deux-là, je réponds d'eux; il faudra les tuer pour qu'ils ne soient plus à moi.
– Puis, comme Mme Vanel a été obligée, pour recevoir une visite, de quitter un instant M. Colbert, et que M. Colbert est un travailleur, à peine le nouvel intendant est-il resté seul, qu'il a tiré un crayon de sa poche, et, comme il y avait du papier sur une table, s'est mis à crayonner des notes.
