Le vicomte de Bragelonne. Tome I
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Derni?re page de l'histoire des quatre amis, d'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis… Le r?gne de Louis XIV commence, chacun a vieilli et ?volu?, mais conserve sa personnalit? d'autrefois. Dans ce livre, le h?ros est le vicomte de Bragelonne, qui n'est autre que le fils d'Athos, mais les anciens mousquetaires ne sont jamais loin quand il s'agit d'intrigues et d'aventures…
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– Cela vous occupe?
– Mais, oui. J'ai mon ami Athos qui est tout chamarré, cela m'offusque.
– Vous serez chevalier de mes ordres un mois après avoir pris le brevet de capitaine.
– Ah! ah! dit l'officier rêveur, après l'expédition?
– Précisément.
– Où m'envoie Votre Majesté, alors?
– Connaissez-vous la Bretagne?
– Non, Sire.
– Y avez-vous des amis?
– En Bretagne? Non, ma foi!
– Tant mieux. Vous connaissez-vous en fortifications?
D'Artagnan sourit.
– Je crois que oui Sire.
– C'est-à-dire que vous pouvez bien distinguer une forteresse d'avec une simple fortification comme on en permet aux châtelains, nos vassaux?
– Je distingue un fort d'avec un rempart, comme on distingue une cuirasse d'avec une croûte de pâté, Sire. Est-ce suffisant?
– Oui, monsieur. Vous allez donc partir.
– Pour la Bretagne?
– Oui.
– Seul?
– Absolument seul. C'est-à-dire que vous ne pourrez même emmener un laquais.
– Puis-je demander à Votre Majesté pour quelle raison?
– Parce que, monsieur, vous ferez bien de vous travestir vous-même quelquefois en valet de bonne maison. Votre visage est fort connu en France, monsieur d'Artagnan.
– Et puis, Sire?
– Et puis vous vous promènerez par la Bretagne, et vous examinerez soigneusement les fortifications de ce pays.
– Les côtes?
– Aussi les îles.
– Ah!
– Vous commencerez par Belle-Île-en-Mer.
– Qui est à M. Fouquet? dit d'Artagnan d'un ton sérieux, en levant sur Louis XIV son œil intelligent.
– Je crois que vous avez raison, monsieur, et que Belle-Île est, en effet, à M. Fouquet.
– Alors Votre Majesté veut que je sache si Belle-Île est une bonne place?
– Oui.
– Si les fortifications en sont neuves ou vieilles?
– Précisément.
– Si par hasard les vassaux de M. le surintendant sont assez nombreux pour former garnison?
– Voilà ce que je vous demande, monsieur; vous avez mis le doigt sur la question.
– Et si l'on ne fortifie pas, Sire?
– Vous vous promènerez dans la Bretagne, écoutant et jugeant.
D'Artagnan se chatouilla la moustache.
– Je suis espion du roi, dit-il tout net.
– Non, monsieur.
– Pardon, Sire, puisque j'épie pour le compte de Votre Majesté.
– Vous allez à la découverte, monsieur. Est-ce que si vous marchiez à la tête de mes mousquetaires, l'épée au poing, pour éclairer un lieu quelconque ou une position de l'ennemi…
À ce mot, d'Artagnan tressaillit invisiblement.
– … Est-ce que, continua le roi, vous vous croiriez un espion?
– Non, non! dit d'Artagnan pensif; la chose change de face quand on éclaire l'ennemi; on n'est qu'un soldat… Et si l'on fortifie Belle-Île? ajouta-t-il aussitôt.
– Vous prendrez un plan exact de la fortification.
– On me laissera entrer?
– Cela ne me regarde pas, ce sont vos affaires. Vous n'avez donc pas entendu que je vous réservais un supplément de vingt mille livres par an, si vous vouliez?
– Si fait, Sire; mais si l'on ne fortifie pas?
– Vous reviendrez tranquillement, sans fatiguer votre cheval.
– Sire, je suis prêt.
– Vous débuterez demain par aller chez M. le surintendant toucher le premier quartier de la pension que je vous fais. Connaissez-vous M. Fouquet?
– Fort peu, Sire; mais je ferai observer à Votre Majesté qu'il n'est pas très urgent que je le connaisse.
– Je vous demande pardon, monsieur; car il vous refusera l’argent que je veux vous faire toucher, et c'est ce refus que j'attends.
– Ah! fit d'Artagnan. Après, Sire?
– L'argent refusé, vous irez le chercher près de M. Colbert. À propos, avez-vous un bon cheval?
– Un excellent, Sire.
– Combien le payâtes-vous?
– Cent cinquante pistoles.
– Je vous l'achète. Voici un bon de deux cents pistoles.
– Mais il me faut un cheval pour voyager, Sire?
– Eh bien?
– Eh bien! vous me prenez le mien.
– Pas du tout; je vous le donne, au contraire. Seulement, comme il est à moi et non plus à vous, je suis sûr que vous ne le ménagerez pas.
– Votre Majesté est donc pressée?
– Beaucoup.
– Alors qui me force d'attendre deux jours?
– Deux raisons à moi connues.
– C'est différent. Le cheval peut rattraper ces deux jours sur les huit qu'il a à faire; et puis il y a la poste.
– Non, non, la poste compromet assez, monsieur d'Artagnan. Allez et n'oubliez pas que vous êtes à moi.
– Sire, ce n'est pas moi qui l'ai jamais oublié! À quelle heure prendrai-je congé de Votre Majesté après-demain?
– Où logez-vous?
– Je dois loger désormais au Louvre.
– Je ne le veux pas. Vous garderez votre logement en ville, je le paierai. Pour le départ, je le fixe à la nuit, attendu que vous devez partir sans être vu de personne, ou si vous êtes vu, sans qu'on sache que vous êtes à moi… Bouche close, monsieur.
– Votre Majesté gâte tout ce qu'elle a dit par ce seul mot.
– Je vous demandais où vous logez, car je ne puis vous envoyer chercher toujours chez M. le comte de La Fère.
– Je loge chez M. Planchet, épicier, rue des Lombards, à l'enseigne du Pilon-d'Or.
– Sortez peu, montrez-vous moins encore et attendez mes ordres.
