-->

Sapho

На нашем литературном портале можно бесплатно читать книгу Sapho, Daudet Alphonse-- . Жанр: Классическая проза. Онлайн библиотека дает возможность прочитать весь текст и даже без регистрации и СМС подтверждения на нашем литературном портале bazaknig.info.
Sapho
Название: Sapho
Автор: Daudet Alphonse
Дата добавления: 16 январь 2020
Количество просмотров: 297
Читать онлайн

Sapho читать книгу онлайн

Sapho - читать бесплатно онлайн , автор Daudet Alphonse

Alphonse Daudet n'a pas seulement chant? la Provence perdue de son enfance. Dans Sapho, c'est un Paris bien incarn? qu'il met en sc?ne, celui de la boh?me artistique de son temps, se consumant dans l'ivresse de la f?te et des conqu?tes d'un soir. Jean, jeune proven?al fra?chement mont? ? Paris, s'?prend d'une tr?s belle femme – mod?le – connue sous le nom de Sapho. Sera-ce une de ces liaisons sans lendemain? Sapho n'est plus jeune et pressent qu'elle vit son dernier amour, mais, pour Jean, c'est le premier. D?calage du temps, d?saccord des ?mes… Trente ans avant le Ch?ri de Colette, Daudet a l'intuition magistrale de " ce genre d'amours auxquels le sentiment maternel ajoute une dimension d?licieuse et dangereuse "

Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала

1 ... 7 8 9 10 11 12 13 14 15 ... 48 ВПЕРЕД
Перейти на страницу:

Le génie du poète rendait tout cela vivant et présent; les mots brillaient sur la page, comme ces pierres sans monture que jugent les joailliers sur du papier. Vraiment elle pouvait être fière, la femme aux genoux de qui l’on jetait ces richesses. Fallait-il qu’elle fût aimée, puisque, malgré la curiosité de ces fêtes, le poète ne songeait qu’à elle, mourait de ne pas la voir:

– Oh! cette nuit, j’étais avec toi sur le grand divan de la rue de l’Arcade. Tu étais nue, tu étais folle, tu criais de joie sous mes caresses, quand je me suis réveillé en sursaut roulé dans un tapis sur ma terrasse, en pleine nuit d’étoiles. Le cri du muezzin montait d’un minaret voisin en claire et limpide fusée voluptueuse plutôt que priante, et c’est toi que j’entendais encore en sortant de mon rêve…

Quelle force mauvaise le poussait donc à continuer sa lecture malgré l’horrible jalousie qui blanchissait ses lèvres, contractait ses mains? Doucement, câlinement, Fanny essayait de lui reprendre la lettre; mais il la lut jusqu’au bout, et après celle-là une autre, puis une autre, les laissant tomber au fur et à mesure avec un détachement de mépris, d’indifférence, sans regarder la flamme qui s’avivait dans la cheminée aux effusions lyriques et passionnées du grand poète. Et quelquefois, dans le débordement de cet amour exagéré à la température africaine, le lyrisme de l’amant s’entachait de quelque grosse obscénité de corps de garde dont auraient été surprises et scandalisées les lectrices mondaines du Livre de l’Amour, d’un spiritualisme raffiné, immaculé comme la corne d’argent de la Yungfrau.

Misères du cœur! c’est à ces passages surtout que Jean s’arrêtait, à ces souillures de la page, sans se douter des tressauts nerveux qui chaque fois agitaient sa figure. Même il eut le courage de ricaner à ce post-scriptum qui suivait le récit éblouissant d’une fête d’Aïssaouas: «Je relis ma lettre… il y a vraiment des choses pas mal; mets-la-moi de côté, je pourrai m’en servir…»

– Un monsieur qui ne laissait rien traîner! fit-il en passant à un autre feuillet de la même écriture où, sur un ton glacé d’homme d’affaires, La Gournerie réclamait un recueil de chansons arabes et une paire de babouches en paille de riz.

C’était la liquidation de leur amour. Ah! il avait su s’en aller, il était fort, celui-là…

Et sans s’arrêter, Jean continuait à drainer ce marécage d’où montait une haleine chaude et malsaine. La nuit venue, il avait mis la bougie sur la table, et parcourait des billets très courts, illisiblement tracés comme au poinçon par de trop gros doigts qui à tous moments, dans une brusquerie de désir ou de colère, trouaient et déchiraient le papier. Les premiers temps d’une liaison avec Caoudal, rendez-vous, soupers, parties de campagne, puis des brouilles, de suppliants retours, des cris, des injures ignobles et basses d’ouvrier, coupées tout à coup de drôleries, de mots cocasses, de reproches sanglotés, toute la faiblesse mise à nu du grand artiste devant la rupture et l’abandon.

Le feu prenait cela, allongeait de grands jets rouges où fumaient et grésillaient la chair, le sang, les larmes d’un homme de génie; mais qu’importait à Fanny, toute au jeune amant qu’elle surveillait, dont l’ardente fièvre la brûlait à travers leurs vêtements. Il venait de trouver un portrait à la plume signé Gavarni, avec cette dédicace: à mon amie Fanny Legrand, dans une auberge de Dampierre, un jour qu’il pleuvait. Une tête intelligente et douloureuse, aux yeux caves, quelque chose d’amer et de ravagé.

– Qui est-ce?

– André Dejoie… J’y tenais à cause de la signature…

Il eut un «Garde-le, tu es libre», si contraint, si malheureux, qu’elle prit le dessin, le jeta au feu en chiffon, pendant que lui s’abîmait dans la correspondance du romancier, une suite navrante, datée de plages d’hiver, de villes d’eaux, où l’écrivain envoyé pour sa santé se désespérait de sa détresse physique et morale, se forant le crâne pour y trouver une idée loin de Paris, et mêlait à des demandes de potions, d’ordonnances, à des inquiétudes d’argent ou de métier, envois d’épreuves, de billets renouvelés, toujours le même cri de désir et d’adoration vers ce beau corps de Sapho que les médecins lui défendaient.

Jean murmurait, enragé et candide:

– Mais qu’est-ce qu’ils avaient donc tous pour être après toi comme ça?…

C’était pour lui la seule signification de ces lettres désolées, confessant le désarroi d’une de ces existences glorieuses qu’envient les jeunes gens et dont rêvent les femmes romanesques… Oui, qu’avaient-ils donc tous? Et que leur faisait-elle boire?… Il éprouvait la souffrance atroce d’un homme qui, garrotté, verrait outrager devant lui la femme qu’il aime; et, pourtant, il ne pouvait se décider à vider d’un coup, les yeux fermés, ce fond de boîte.

À présent, venait le tour du graveur qui, misérable, inconnu, sans autre célébrité que celle de la Gazette des Tribunaux, ne devait sa place dans le reliquaire qu’au grand amour qu’on avait eu pour lui. Déshonorantes, ces lettres datées de Mazas, et niaises, gauches, sentimentales comme celles du troupier à sa payse. Mais on y sentait, à travers les poncifs de romance, un accent de sincérité dans la passion, un respect de la femme, un oubli de soi-même qui le distinguait des autres, ce forçat; ainsi, quand il demandait pardon à Fanny du crime de l’avoir trop aimée, ou quand du greffe du Palais de Justice, tout de suite après sa condamnation, il écrivait sa joie de savoir sa maîtresse acquittée et libre. Il ne se plaignait de rien; il avait eu près d’elle, grâce à elle, deux ans d’un bonheur si plein, si profond, que le souvenir en suffirait pour remplir sa vie, adoucir l’horreur de son sort, et il terminait par la demande d’un service:

«Tu sais que j’ai un enfant au pays, dont la mère est morte depuis longtemps; il vit chez une vieille parente, dans un coin si perdu qu’on n’y saura jamais rien de mon affaire. L’argent qui me restait, je le leur ai envoyé, disant que je partais très loin, en voyage, et c’est sur toi que je compte, ma bonne Nini, pour t’informer de temps en temps de ce petit malheureux et m’envoyer de ses nouvelles…»

Comme preuve de l’intérêt de Fanny, suivait une lettre de remerciements et une autre, toute récente, ayant à peine six mois de date: «Oh! tu es bonne d’être venue… Que tu étais belle, comme tu sentais bon, en face de ma veste de prisonnier dont j’avais si grand’honte!…» et Jean s’interrompait, furieux:

– Tu as donc continué à le voir?

– De loin en loin, par charité…

– Même depuis que nous sommes ensemble?

– Oui, une fois, une seule, au parloir… on ne les voit que là.

– Ah! tu es une bonne fille…

Cette idée que, malgré leur liaison, elle visitait ce faussaire, l’exaspérait plus que tout. Il était trop fier pour le dire; mais un paquet de lettres, le dernier, noué d’une faveur bleue sur des petits caractères fins et penchés, une écriture de femme, déchaîna toute sa colère.

«Je change de tunique après la course des chars… viens dans ma loge…»

– Non, non… ne lis pas ça…

1 ... 7 8 9 10 11 12 13 14 15 ... 48 ВПЕРЕД
Перейти на страницу:
Комментариев (0)
название