Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– Les suites!… et qu’as-tu à craindre? Voyons, ce n’est pas moi qui te dénoncerai, au contraire.
– Sans doute.
– Le lendemain du jour où je suis installé, tu viens faire un tour à la Conciergerie; je te compte vingt-cinq rouleaux contenant chacun deux mille francs; ces vingt-cinq rouleaux tiendront à l’aise dans tes deux poches. Avec l’argent, je te donne une carte pour sortir de France; tu pars, et, partout où tu vas, tu es, sinon riche, du moins indépendant.
– Eh bien, c’est dit, monsieur, arrive qui arrive. Je suis un pauvre diable, moi; je ne me mêle pas de politique; la France a toujours bien marché sans moi, et ne périra pas faute de moi; si vous faites une méchante action, tant pis pour vous.
– En tout cas, dit le patriote, je ne crois pas pouvoir faire pis que l’on ne fait en ce moment.
– Monsieur me permettra de ne pas juger la politique de la Convention nationale.
– Tu es un homme admirable de philosophie et d’insouciance. Maintenant, voyons, quand me présentes-tu au père Richard?
– Ce soir, si vous voulez.
– Oui, certainement. Qui suis-je?
– Mon cousin Mardoche.
– Mardoche, soit; le nom me plaît. Quel état?
– Culottier.
– De culottier à tanneur, il n’y a que la main.
– Êtes-vous tanneur?
– Je pourrais l’être.
– C’est vrai.
– À quelle heure la présentation?
– Dans une demi-heure, si vous voulez. À neuf heures alors.
– Quand aurai-je l’argent?
– Demain.
– Vous êtes donc énormément riche?
– Je suis à mon aise.
– Un ci-devant, n’est-ce pas?
– Que t’importe!
– Avoir de l’argent, et donner son argent pour courir le risque d’être guillotiné; en vérité, il faut que les ci-devant soient bien bêtes!
– Que veux-tu! les sans-culottes ont tant d’esprit qu’il n’en reste pas aux autres.
– Chut! voilà mon vin.
– À ce soir, en face de la Conciergerie.
– Oui.
Le patriote paya son écot et sortit.
De la porte, on l’entendit crier de sa voix de tonnerre:
– Allons donc, citoyenne! les côtelettes aux cornichons! mon cousin Gracchus meurt de faim.
– Ce bon Mardoche! dit le guichetier en dégustant le verre de Bourgogne que venait de lui verser la cabaretière en le regardant tendrement.
XLI Le greffier du ministère de la guerre
Le patriote était sorti, mais ne s’était pas éloigné. À travers les vitres enfumées, il guettait le guichetier, pour voir s’il n’entrerait pas en communication avec quelques-uns de ces agents de la police républicaine, l’une des meilleures qui eût jamais existé, car la moitié de la société espionnait l’autre, moins encore pour la plus grande gloire du gouvernement que pour la plus grande sûreté de sa tête.
Mais rien de ce que craignait le patriote n’arriva; à neuf heures moins quelques minutes, le guichetier se leva, prit le menton de la cabaretière et sortit.
Le patriote le rejoignit sur le quai de la Conciergerie et tous deux entrèrent dans la prison. Dès le soir même, le marché fut conclu: le père Richard accepta le guichetier Mardoche en remplacement du citoyen Gracchus.
Deux heures avant que cette affaire s’arrangeât dans la geôle, une scène se passait dans une autre partie de la prison qui, quoique sans intérêt apparent, avait une importance non moins grande pour les principaux personnages de cette histoire.
Le greffier de la Conciergerie, fatigué de sa journée, allait plier les registres et sortir, quand un homme, conduit par la citoyenne Richard, se présenta devant son bureau.
– Citoyen greffier, dit-elle, voici votre confrère du ministère de la guerre qui vient, de la part du citoyen ministre, pour relever quelques écrous militaires.
– Ah! citoyen, dit le greffier, vous arrivez un peu tard, je pliais bagage.
– Cher confrère, pardonnez-moi, répondit le nouvel arrivant, mais nous avons tant de besogne, que nos courses ne peuvent guère se faire qu’à nos moments perdus, et nos moments perdus, à nous, ne sont guère que ceux où les autres mangent et dorment.
– S’il en est ainsi, faites, mon cher confrère; mais hâtez-vous, car, ainsi que vous le dites, c’est l’heure du souper et j’ai faim. Avez-vous vos pouvoirs?
– Les voici, dit le greffier du ministère de la guerre en exhibant un portefeuille que son confrère, tout pressé qu’il était, examina avec une scrupuleuse attention.
– Oh! tout cela est en règle, dit la femme Richard, et mon mari a déjà passé l’inspection.
– N’importe, n’importe, dit le greffier en continuant son examen.
Le greffier de la guerre attendit patiemment et en homme qui s’était attendu au strict accomplissement de ces formalités.
– À merveille, dit le greffier de la Conciergerie, et vous pouvez maintenant commencer quand vous voudrez. Avez-vous beaucoup d’écrous à relever?
– Une centaine.
– Alors, vous en avez pour plusieurs jours?
– Aussi, cher confrère, est-ce une espèce de petit établissement que je viens fonder chez vous, si vous le permettez, toutefois.
– Comment l’entendez-vous? demanda le greffier de la Conciergerie.
– C’est ce que je vous expliquerai en vous emmenant souper ce soir avec moi; vous avez faim, vous l’avez dit.
– Et je ne m’en dédis pas.
– Eh bien, vous verrez ma femme: c’est une bonne cuisinière; puis vous ferez connaissance avec moi: je suis un bon garçon.
– Ma foi, oui, vous me faites cet effet-là; cependant, cher confrère…
– Oh! acceptez sans façon les huîtres que j’achèterai en passant sur la place du Châtelet, un poulet de chez notre rôtisseur, et deux ou trois petits plats que madame Durand fait dans la perfection.
– Vous me séduisez, cher confrère, dit le greffier de la Conciergerie, ébloui par ce menu, auquel n’était pas accoutumé un greffier payé par le tribunal révolutionnaire à raison de deux livres en assignats, lesquels valaient en réalité deux francs à peine.
– Ainsi, vous acceptez?