Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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– D’inquiétude, je comprends cela; vous avez été fort inquiète de moi; mais, consolez-vous, me voilà; je reviens et nous ne nous quitterons plus, madame.
– Oh! vous allez me tuer! s’écria Geneviève.
Dixmer la regarda avec un sourire effrayant.
– Tuer une femme innocente! Oh! madame, que dites-vous donc là? Il faut que le chagrin que vous a inspiré mon absence vous ait fait perdre l’esprit.
– Monsieur, s’écria Geneviève, monsieur, je vous demande à mains jointes de me tuer plutôt que de me torturer par de si cruelles railleries. Non, je ne suis pas innocente; oui, je suis criminelle; oui, je mérite la mort. Tuez-moi, monsieur, tuez-moi!…
– Alors, vous avouez que vous méritez la mort?
– Oui, oui.
– Et que, pour expier je ne sais quel crime dont vous vous accusez, vous subirez cette mort sans vous plaindre?
– Frappez, monsieur, je ne pousserai pas un cri; et, au lieu de la maudire, je bénirai la main qui me frappera.
– Non, madame, je ne veux pas vous frapper; cependant vous mourrez, c’est probable. Seulement, votre mort, au lieu d’être ignominieuse, comme vous pourriez le craindre, sera glorieuse à l’égal des plus belles morts. Remerciez-moi, madame, je vous punirai en vous immortalisant.
– Monsieur, que ferez-vous donc?
– Vous poursuivrez le but vers lequel nous tendions quand nous avons été interrompus dans notre route. Pour vous et pour moi, vous tomberez coupable; pour tous, vous mourrez martyre.
– Oh! mon Dieu! vous me rendez folle en me parlant ainsi. Où me conduisez-vous? où m’entraînez-vous?
– À la mort, probablement.
– Laissez-moi faire une prière alors.
– Votre prière?
– Oui.
– À qui?
– Peu vous importe! du moment que vous me tuez, je paye ma dette, et, si j’ai payé, je ne vous dois rien.
– C’est juste, dit Dixmer en se retirant dans l’autre chambre; je vous attends.
Il sortit du salon.
Geneviève alla s’agenouiller devant le portrait, en serrant de ses deux mains son cœur prêt à se briser.
– Maurice, dit-elle tout bas, pardonne-moi. Je ne m’attendais pas à être heureuse, mais j’espérais pouvoir te rendre heureux. Maurice, je t’enlève un bonheur qui faisait ta vie; pardonne-moi ta mort, mon bien-aimé!
Et, coupant une boucle de ses longs cheveux, elle la noua autour du bouquet de violettes et le déposa au bas du portrait, qui parut prendre, tout insensible qu’était cette toile muette, une expression douloureuse pour la voir partir.
Du moins cela parut ainsi à Geneviève à travers ses larmes.
– Eh bien, êtes-vous prête, madame? demanda Dixmer.
– Déjà! murmura Geneviève.
– Oh! prenez votre temps, madame!… répliqua Dixmer; je ne suis pas pressé, moi! D’ailleurs, Maurice ne tardera probablement pas à rentrer, et je serais charmé de le remercier de l’hospitalité qu’il vous a donnée.
Geneviève tressaillit de terreur à cette idée que son amant et son mari pouvaient se rencontrer.
Elle se releva comme mue par un ressort.
– C’est fini, monsieur, dit-elle, je suis prête!
Dixmer passa le premier. La tremblante Geneviève le suivit, les yeux à moitié fermés, la tête renversée en arrière; ils montèrent dans un fiacre qui attendait à la porte; la voiture roula.
Comme l’avait dit Geneviève, c’était fini.
XL Le cabaret du Puits-de-Noé
Cet homme vêtu d’une carmagnole, que nous avons vu arpenter en long et en large la salle des Pas-Perdus, et que nous avons entendu, pendant l’expédition de l’architecte Giraud, du général Hanriot et du père Richard, échanger quelques paroles avec le guichetier resté de garde à la porte du souterrain; ce patriote enragé avec son bonnet d’ours et ses moustaches épaisses, qui s’était donné à Simon comme ayant porté la tête de la princesse de Lamballe, se trouvait le lendemain de cette soirée, si variée en émotions, vers sept heures du soir, au cabaret du Puits-de-Noé, situé, comme nous l’avons dit, au coin de la rue de la Vieille-Draperie.
Il était là, chez le marchand, ou plutôt chez la marchande de vin, au fond d’une salle noire et enfumée par le tabac et les chandelles, faisant semblant de dévorer un plat de poisson au beurre noir.
La salle où il soupait était à peu près déserte; deux ou trois habitués de la maison seulement étaient demeurés après les autres, jouissant du privilège que leur donnait leur visite quotidienne dans l’établissement.
La plupart des tables étaient vides; mais, il faut le dire en l’honneur du cabaret du Puits-de-Noé, les nappes rouges, ou plutôt violacées, révélaient le passage d’un nombre satisfaisant de convives rassasiés.
Les trois derniers convives disparurent successivement, et, vers huit heures moins un quart, le patriote se trouva seul.
Alors il éloigna, avec un dégoût des plus aristocratiques, le plat grossier dont il paraissait faire un instant auparavant ses délices, et tira de sa poche une tablette de chocolat d’Espagne, qu’il mangea lentement, et avec une expression bien différente de celle que nous lui avons vu essayer de donner à sa physionomie.
De temps en temps, tout en croquant son chocolat d’Espagne et son pain noir, il jetait sur la porte vitrée, fermée d’un rideau à carreaux blancs et rouges, des regards pleins d’une anxieuse impatience. Quelquefois il prêtait l’oreille et interrompait son frugal repas avec une distraction qui donnait fort à penser à la maîtresse de la maison, assise à son comptoir, assez près de la porte sur laquelle le patriote fixait les yeux, pour qu’elle pût, sans trop de vanité, se croire l’objet de ses préoccupations.
Enfin, la sonnette de la porte d’entrée retentit d’une certaine façon qui fit tressaillir notre homme; il reprit son poisson, sans que la maîtresse du cabaret remarquât qu’il en jetait la moitié à un chien qui le regardait faméliquement, et l’autre moitié à un chat qui lançait au chien de délicats mais meurtriers coups de griffe.
La porte au rideau rouge et blanc s’ouvrit à son tour; un homme entra, vêtu à peu près comme le patriote, à l’exception du bonnet à poil, qu’il avait remplacé par le bonnet rouge.
Un énorme trousseau de clefs pendait à la ceinture de cet homme, ceinture de laquelle tombait aussi un large sabre d’infanterie à coquille de cuivre.
– Ma soupe! ma chopine! cria cet homme en entrant dans la salle commune, sans toucher à son bonnet rouge et en se contentant de faire à la maîtresse de l’établissement un signe de tête.