Le Chevalier De Maison-Rouge
Le Chevalier De Maison-Rouge читать книгу онлайн
Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Le nouveau venu avait, comme l’autre, un bonnet à poil, une carmagnole grise, des mains sales et un gourdin; il avait, en outre, de plus que l’autre, un grand sabre qui lui battait les mollets; mais, ce qui faisait surtout le second plus à craindre que le premier, c’est qu’autant le premier avait l’air terrible, autant le second avait l’air faux, haineux et bas.
Aussi, quoique ces deux hommes parussent appartenir à la même cause et partager la même opinion, les assistants risquèrent-ils un œil pour voir ce qui résulterait, non pas de leur rencontre, car ils ne marchaient pas précisément sur la même ligne, mais de leur rapprochement. Au premier tour, leur attente fut déçue: les deux patriotes se contentèrent d’échanger un regard, et même ce regard fit légèrement pâlir le plus petit des deux; seulement, au mouvement involontaire de ses lèvres, il était visible que cette pâleur était occasionnée, non point par un sentiment de crainte, mais de dégoût.
Et cependant, au second tour, comme si le patriote eût fait un violent effort, sa figure, si rébarbative jusque-là, s’éclaircit; quelque chose comme un sourire qui essayait d’être gracieux passa sur ses lèvres, et il appuya légèrement sa promenade à gauche, dans le but évident d’arrêter le second patriote dans la sienne.
À peu près au centre, ils se joignirent.
– Eh pardieu! c’est le citoyen Simon! dit le premier patriote.
– Lui-même! Mais que lui veux-tu, au citoyen Simon? et qui es-tu, d’abord?
– Fais donc semblant de ne me pas reconnaître!
– Je ne te reconnais pas du tout, par une excellente raison, c’est que je ne t’ai jamais vu.
– Allons donc! tu ne reconnaîtrais pas celui qui a eu l’honneur de porter la tête de la Lamballe?
Et ces mots, prononcés avec une sourde fureur, s’élancèrent brûlants de la bouche du patriote à carmagnole. Simon tressaillit.
– Toi? fit-il; toi?
– Eh bien, cela t’étonne? Ah! citoyen, je te croyais plus connaisseur en ami, en fidèles!… Tu me fais de la peine.
– C’est fort bien, ce que tu as fait, dit Simon; mais je ne te connaissais pas.
– Il y a plus d’avantage à garder le petit Capet, on est plus en vue; car, moi, je te connais, et je t’estime.
– Ah! merci.
– Il n’y a pas de quoi… Donc, tu te promènes?
– Oui, j’attends quelqu’un… Et toi?
– Moi aussi.
– Comment donc t’appelles-tu? Je parlerai de toi au club.
– Je m’appelle Théodore.
– Et puis?
– Et puis, c’est tout; ça ne te suffit pas?
– Oh! parfaitement… Qui attends-tu, citoyen Théodore?
– Un ami auquel je veux faire une bonne petite dénonciation.
– En vérité! Conte-moi cela.
– Une couvée d’aristocrates.
– Qui s’appellent?
– Non, vrai, je ne peux dire cela qu’à mon ami.
– Tu as tort; car voici le mien qui s’avance vers nous, et il me semble que celui-là connaît assez la procédure pour arranger tout de suite ton affaire, hein?
– Fouquier-Tinville! s’écria le premier patriote.
– Rien que cela, cher ami.
– Eh bien, c’est bon.
– Eh! oui, c’est bon… Bonjour, citoyen
Fouquier. Fouquier-Tinville, pâle, calme, ouvrant, selon son habitude, des yeux noirs enfoncés sous d’épais sourcils, venait de déboucher d’une porte latérale de la salle, son registre à la main, ses liasses sous le bras.
– Bonjour, Simon, dit-il; quoi de nouveau?
– Beaucoup de choses. D’abord, une dénonciation du citoyen Théodore, qui a porté la tête de la Lamballe. Je te le présente.
Fouquier attacha son regard intelligent sur le patriote, que cet examen troubla, malgré la tension courageuse de ses nerfs.
– Théodore, dit-il. Qui est ce Théodore?
– Moi, dit l’homme à la carmagnole.
– Tu as porté la tête de la Lamballe, toi? fit l’accusateur public avec une expression très prononcée de doute.
– Moi, rue Saint-Antoine.
– Mais j’en connais un qui s’en vante, dit Fouquier.
– Moi, j’en connais dix, reprit courageusement le citoyen Théodore; mais enfin, comme ceux-là demandent quelque chose, et que, moi, je ne demande rien, j’espère avoir la préférence.
Ce trait fit rire Simon et dérida Fouquier.
– Tu as raison, dit-il, et, si tu ne l’as pas fait, tu aurais dû le faire. Laisse-nous, je te prie; Simon a quelque chose à me dire.
Théodore s’éloigna, fort peu blessé de la franchise du citoyen accusateur public.
– Un moment, cria Simon, ne le renvoie pas comme cela; entends d’abord la dénonciation qu’il nous apporte.
– Ah! fit d’un air distrait Fouquier-Tinville, une dénonciation?
– Oui, une couvée, ajouta Simon.
– À la bonne heure, parle; de quoi s’agit-il?
– Oh! presque rien: le citoyen Maison-Rouge et quelques amis.
Fouquier fit un bond en arrière, Simon leva les bras au ciel.
– En vérité? dirent-ils tous deux ensemble.
– Pure vérité; voulez-vous les prendre?
– Tout de suite; où sont-ils?
– J’ai rencontré le Maison-Rouge rue de la Grande-Truanderie.
– Tu te trompes, il n’est pas à Paris, répliqua Fouquier.
– Je l’ai vu, te dis-je.
– Impossible. On a mis cent hommes à sa poursuite; ce n’est pas lui qui se montrerait dans les rues.
– Lui, lui, lui, fit le patriote, un grand brun, fort comme trois forts, et barbu comme un ours. Fouquier haussa les épaules avec dédain.
– Encore une sottise, dit-il; Maison-Rouge est petit, maigre, et n’a pas un poil de barbe.
Le patriote laissa retomber ses bras d’un air consterné.
– N’importe, la bonne intention est réputée pour le fait. Eh bien, Simon, à nous deux; hâte-toi, l’on m’attend au greffe, voici l’heure des charrettes.
– Eh bien, rien de nouveau; l’enfant va bien.
Le patriote tournait le dos de façon à ne pas paraître indiscret, mais de façon à entendre.