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Les Pardaillan – Livre III – La Fausta

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Les Pardaillan – Livre III – La Fausta
Название: Les Pardaillan – Livre III – La Fausta
Автор: Z?vaco Michel
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Pardaillan – Livre III – La Fausta - читать бесплатно онлайн , автор Z?vaco Michel

Nous sommes en 1573. Jean de Kervilliers, devenu monseigneur l'?v?que prince Farn?se, fait arr?ter L?onore, sa ma?tresse, fille du baron de Montaigues, supplici? pendant la Saint Barth?l?my. Alors que le bourreau lui passe la corde au coup, elle accouche d'une petite fille. Graci?e par le Pr?v?t, elle est emmen?e sans connaissance vers la prison. Devant les yeux du prince Farn?se tortur? par la situation, le voil? p?re et cependant homme d'?glise, la petite Violette est emport?e par ma?tre Claude, le bourreau…

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– Le bourreau! haleta le cardinal. Madame, madame! vous êtes la toute-puissance et la souveraineté! Soyez généreuse. Ne me condamnez pas au hideux supplice de revoir l’homme qui m’arracha l’âme en me volant et en laissant mourir ma…

– Silence, cardinal Farnèse!…

Il y eut cette fois un tel grondement de tonnerre dans l’accent, une telle fulguration d’éclair dans les yeux de la princesse, que l’homme chancela, haletant, ébloui, dompté. Alors, calmée soudainement, paisible:

– Ce sera pour ce soir dix heures. Allez, cardinal. Agissez. Et en même temps, faites tenir cette lettre au duc de Guise.

Le gentilhomme saisit le pli cacheté, puis, plus morne encore, il sortit et descendit en râlant au fond de son cœur:

– Ah! la malédiction pèse sur moi, toujours!… Marche, maudit! Un crime de plus! Qu’importe dans la funèbre série!…

Sur la Grève, à travers la foule qui formait cercle, le visage redevenu rigide, il marcha vers Belgodère. Sur l’avant de la voiture attendait Violetta, tremblante. Près du cheval, Saïzuma, immobile, énigmatique. À ce moment, le duc de Guise se penchait vers le sacripant et murmurait:

– Chien de bohème, tout à l’heure, un gentilhomme t’apportera mes ordres. Exécute-les, si tu ne veux avoir les os rompus.

– Je suis prêt, monseigneur. Ordonnez!

– Bien! en ce cas, à toi les ducats… à moi la fille!… Et maintenant fais-la chanter afin que ma présence ait ici un prétexte.

– À l’instant même. Violetta! Violetta!

La jeune fille tressaillit, arrachée à un rêve d’extase. Elle n’avait pas vu Guise, qui, le visage pourpre, la contemplait… Au loin, du fond de la place, un jeune seigneur s’avançait, les yeux fixés sur elle… Leur double regard chargé d’effluves magnétiques se cherchait, se croisait. Et ce gentilhomme, tout radieux de sa jeunesse et de son amour, c’était le fils du roi Charles IX, le duc d’Angoulême!

– Violetta! vociféra Belgodère.

Un cri terrible l’interrompit… Un cri d’agonie ou d’épouvante qui jaillissait de la roulotte.

– Ma mère! ma mère se meurt! balbutia Violetta qui se rejeta dans l’intérieur.

L’agonisante, celle qu’elle appelait sa mère, les mains crispées sur le matelas pour se soulever, les yeux exorbités, tenait son visage collé à la petite fenêtre, comme fascinée par une effroyable apparition…

– Ma mère! ma mère! sanglota Violetta.

– Messeigneurs! criait dehors Belgodère, un instant de patience, et je vous ramène la chanteuse. En attendant, la célèbre Saïzuma va vous dire la bonne aventure!

Saïzuma demeurait immobile. Ses yeux flamboyants du fond du masque rouge se rivaient sur le cardinal Farnèse… sur l’homme envoyé pour préparer la mort de Violetta… La bohémienne avait aperçu ce seigneur habillé de noir qui pénétrait dans le cercle à la seconde où, dans la voiture, la clameur de la mourante avait soudain retenti… Le cardinal avait vu cette femme masquée de rouge… Et tous les deux se regardaient, pareils à deux spectres qui s’interrogent sur des choses lointaines, effrayantes et mystérieuses.

– Violetta! Violetta! arrive à l’instant! hurlait Belgodère en montant les marches.

– Mère! mère! balbutiait Violetta à genoux près de l’agonisante. Cette femme, alors, tourna vers elle un visage empreint d’une immense pitié:

– Ta mère! râla-t-elle. Violetta, je vais mourir. Il faut que tu saches… je ne suis pas ta mère!…

– Oh! sanglota la jeune fille éperdue, c’est un affreux vertige qui vous saisit. Revenez à vous, mère!

– Je ne suis pas ta mère!… Et ton père, Violetta, tu crois que ce fut maître Claude, dis?… Tu le crois!… Eh bien, maître Claude n’est pas ton père!…

– C’est l’agonie! murmura Violetta épouvantée. C’est le délire de la mort!…

– Ta mère, reprit la mourante dans un râle effrayant… je ne sais où elle est… Mais ton père, Violetta!… ton père!… veux-tu le connaître?… Veux-tu le voir?… Eh bien… tiens… regarde!…

Dans une effrayante convulsion, la mourante essaya de désigner l’homme sur qui elle dardait son regard.

– Saints et anges! balbutia Violetta éperdue, prenez pitié de ma mère!

À cet instant, une sauvage imprécation éclata sur cette scène poignante, et Belgodère apparut, ramassé sur lui-même, serrant ses poings énormes. Il se jeta sur la jeune fille, l’empoigna par les deux épaules, et d’un geste furieux la remit debout.

– Dehors! gronda-t-il. Au travail, la chanteuse!

– Regarde! cria l’agonisante. Regarde! Et souviens-toi!…

– Enfer! vociféra le bohémien. Voici la Simonne qui s’en mêle maintenant! Attends un peu, toi!

D’une violente poussée, il rejeta Violetta dans le fond de la roulotte et se rua sur celle qu’il appelait la Simonne – sur la mourante! Il la renversa sur la couchette et lui plaqua une de ses formidables mains sur la bouche, l’autre sur la gorge…

La Simonne se débattit deux secondes… Soudain, elle eut un bref soupir, une petite secousse, et elle se tint immobile, tandis que son bras décharné, tordu comme un sarment, tendu vers la fenêtre, semblait montrer encore l’homme dans la foule… l’envoyé de Fausta! le prince Farnèse! l’amant de Léonore de Montaigues!… Le père de Violetta!

L’enfant, rudement poussée, était tombée s’écorchant le front; elle n’avait rien vu de la hideuse tragédie: Belgodère, accroupi sur la poitrine de la malheureuse Simonne, ses doigts de fer incrustés à sa gorge… Lorsqu’elle se releva, déjà le sacripant debout, sombre, étonné de son crime, reculait et grommelait:

– J’ai serré un peu fort, peut-être! Et puis, je n’ai rien tué, moi! La mort était là qui rôdait, je l’ai aidée… Voilà tout!

Le premier regard de Violetta fut pour la Simonne blanche comme cire.

– Morte! râla-t-elle. Ma mère est morte!…

– Elle dort, grogna le bohémien. Allons, dors bien, la Simonne, dors ton grand sommeil…

– Morte! répéta l’enfant dont les larmes tombaient une à une sur le cadavre.

– Et moi, je te dis qu’elle dort! ricana Belgodère. Dehors, la chanteuse, dehors! Au travail.

Violetta s’abattit sur ses genoux et se prit à sangloter:

– Ô pauvre, pauvre maman Simonne, vous n’êtes donc plus! Vous abandonnez donc votre petite Violetta! Mère, vous ne me prendrez donc plus dans vos bras? C’est vrai que tout est fini? Vous me laissez donc seule devant la douleur et l’effroi?… Quand je me réfugiais sur vos genoux et que nous pleurions ensemble, il me semblait que moins amères étaient mes larmes et que votre sourire me protégeait contre le mauvais sort de ma vie! Et vous n’êtes plus!… Je n’avais plus de père… Voici que je n’ai plus de mère!…

À ce moment, la bohémienne Saïzuma, spectre rigide, apparut à l’entrée de la roulotte. Drapée dans les plis sculpturaux de son costume étoilé de médailles de cuivre, masquée de rouge, sa rayonnante chevelure blonde dénouée sur ses épaules, Saïzuma entra de son pas toujours égal, et sans paraître voir ni Belgodère, ni Violetta, ni la morte, alla s’asseoir dans le fond. Alors un long frisson l’agita, et elle murmura:

– Pourquoi cet homme m’a-t-il regardée?… Pourquoi l’ai-je regardé, moi?… Au fond de quel enfer ai-je déjà éprouvé la brûlure de ses yeux noirs fixés sur moi? Oh! déchirer ce voile funèbre qui recouvre ma pensée! Percer l’opaque brouillard de mes souvenirs!… Seigneur! quelles visions d’horreur palpitent sur le cadavre de mon âme morte!…

D’un geste de folie, elle pressa son front à deux mains; et comme si son masque lui eût pesé, elle le dénoua, le laissa tomber sur ses genoux… son visage fut visible! Étrange, avec ses traits qui paraissaient pétrifiés, immuables, sa pâleur de lys qui meurt, ses yeux sans vie où brûlait seulement la flamme d’un insondable désespoir, ce visage gardait une beauté qui n’était semblable à aucune autre beauté, avec on ne savait quoi de tragique, de mystérieux, d’infiniment doux et d’inconcevable…

Violetta, de sa voix pure brisée de pleurs, répandait sa douleur. Elle sanglotait doucement, sans bruit, les lèvres collées sur la main glacée de celle qu’elle nommait sa mère. Belgodère allait et venait, mâchonnait de sourds jurons, stupéfait de sa propre hésitation. Brusquement, il décrocha la guitare dont Violetta s’accompagnait d’habitude et grommela:

– En voilà assez! Si tu pleures tant, tu ne pourras plus chanter. Allons, la chanteuse, on t’attend! Des seigneurs, des ducs, des princes: noble compagnie, bonne récolte!

Violetta se releva, sans paraître avoir entendu.

– Adieu, murmura-t-elle, adieu, pauvre maman Simonne! Je ne vous verrai plus! Vous allez vous en aller toute seule au cimetière. Toute seule… Sans une fleur sur votre cercueil… puisque votre enfant n’a que des larmes à vous offrir…

Cette pensée soudaine qu’on allait dans quelques heures, emporter sa mère et qu’elle était trop pauvre pour déposer seulement un bouquet sur la tombe, cette idée du cercueil s’en allant par les rues sans une malheureuse rose de souvenir, comme un cercueil de pestiférée ou de damnée, cette vision bouleversa l’enfant, et fit déborder le deuil de son cœur: elle frémit et un sanglot plus atroce déchira sa gorge.

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