Les Quarante-Cinq Tome I
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Les Quarante-Cinq constitue le troisi?me volet du grand triptyque que Dumas a consacr? ? l'histoire de France de la Renaissance. Il ach?ve le r?cit de cette d?cadence de la seigneurie commenc? par La Reine Margot et poursuivi avec La Dame de Monsoreau. A cette ?poque d?chir?e, tout se joue sur fond de guerre : guerres de Religion, guerres dynastiques, guerres amoureuses. Aussi les h?ros meurent-ils plus souvent sur l'?chafaud que dans leur lit, et les h?ro?nes sont meilleures ma?tresses que m?res de famille. Ce qui fait la grandeur des personnages de Dumas, c'est que chacun suit sa pente jusqu'au bout, sans concession, mais avec panache. D'o? l'invincible sympathie qu'ils nous inspirent. Parmi eux, Chicot, le c?l?bre bouffon, qui prend la place du roi. C'est en lui que Dumas s'est reconnu. N'a-t-il pas tir? ce personnage enti?rement de son imagination ? Mais sa v?racit? lui permet d'?voluer avec aisance au milieu des personnages historiques dont il lie les destins. Dumas ayant achev? son roman ? la veille de la r?volution de 1848, Chicot incarne par avance la bouffonnerie de l'histoire.
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– Bon.
– Chicot, je t'engage ma parole royale.
– Bast! j'ai mieux que cela.
– Qu'as-tu?
– J'ai mon trou, et j'y reste.
– Je te défendrai, te dis-je! s'écria énergiquement le roi en se dressant sur la marche de son lit.
– Henri, dit Chicot, tu vas t'enrhumer; recouche-toi, je t'en supplie.
– Tu as raison; mais c'est qu'aussi tu m'exaspères, dit le roi en se rengainant entre ses draps. Comment, quand moi, Henri de Valois, roi de France, je me trouve assez de Suisses, d'Écossais, de gardes françaises et de gentilshommes pour ma défense, monsieur Chicot ne se trouve point content et en sûreté?
– Écoute, voyons: comment as tu dit cela? Tu as les Suisses…
– Oui, commandés par Tocquenot. – Bien. Tu as les Écossais…
– Oui, commandés par Larchant.
– Très bien. Tu as les gardes françaises…
– Commandés par Crillon.
– À merveille. Et puis après?
– Et puis après? Je ne sais si je devrais te dire cela.
– Ne le dis pas: qui te le demande?
– Et puis après, une nouveauté, Chicot.
– Une nouveauté?
– Oui, figure-toi quarante-cinq braves gentilshommes.
– Quarante-cinq! comment dis-tu cela?
– Quarante-cinq gentilshommes.
– Où les as-tu trouvés? ce n'est pas à Paris, en tout cas?
– Non, mais ils y sont arrivés aujourd'hui, à Paris.
– Oui-dà! oui-dà! dit Chicot, illuminé d'une idée subite; je les connais tes gentilshommes.
– Vraiment!
– Quarante-cinq gueux auxquels il ne manque que la besace.
– Je ne dis pas.
– Des figures à mourir de rire!
– Chicot, il y a parmi eux des hommes superbes.
– Des Gascons enfin, comme le colonel général de ton infanterie.
– Et comme toi, Chicot.
– Oh! mais moi, Henri, c'est bien différent; je ne suis plus Gascon depuis que j'ai quitté la Gascogne.
– Tandis qu'eux?…
– C'est tout le contraire: ils n'étaient pas Gascons en Gascogne, et ils sont doubles Gascons ici.
– N'importe, j'ai quarante-cinq redoutables épées.
– Commandées par cette quarante-sixième redoutable épée qu'on appelle d'Épernon?
– Pas précisément.
– Et par qui?
– Par Loignac.
– Peuh!
– Ne vas-tu pas déprécier Loignac à présent?
– Je m'en garderais fort, c'est mon cousin au vingt-septième degré.
– Vous êtes tous parents, vous autres Gascons.
– C'est tout le contraire de vous autres Valois, qui ne l'êtes jamais.
– Enfin, répondras-tu?
– À quoi?
– À mes quarante-cinq.
– Et c'est avec cela que tu comptes te défendre?
– Oui, par la mordieu! oui, s'écria Henri irrité.
Chicot, ou son ombre, car n'étant pas mieux renseigné que le roi là-dessus, nous sommes obligé de laisser nos lecteurs dans le doute; Chicot, disons-nous, se laissa glisser dans le fauteuil, tout en appuyant ses talons au rebord de ce même fauteuil, de sorte que ses genoux formaient le sommet d'un angle plus élevé que sa tête.
– Eh bien, moi, dit-il, j'ai plus de troupes que toi.
– Des troupes? tu as des troupes? – Tiens! pourquoi pas?
– Et quelles troupes?
– Tu vas voir. J'ai d'abord toute l'armée que MM. de Guise se font en Lorraine.
– Es-tu fou?
– Non pas, une vraie armée, six mille hommes au moins.
– Mais à quel propos, voyons, toi qui as si peur de M. de Mayenne, irais-tu te faire défendre précisément par les soldats de M. de Guise?
– Parce que je suis mort.
– Encore cette plaisanterie!
– Or, c'était à Chicot que M. de Mayenne en voulait. J'ai donc profité de cette mort pour changer de corps, de nom et de position sociale.
– Alors tu n'es plus Chicot? dit le roi.
– Non.
– Qu'es-tu donc?
– Je suis Robert Briquet, ancien négociant et ligueur.
– Toi, ligueur, Chicot?
– Enragé; ce qui fait, vois-tu, qu'à la condition de ne pas voir de trop près M. de Mayenne, j'ai pour ma défense personnelle, à moi Briquet, membre de la sainte Union, d'abord l'armée des Lorrains, ci, six mille hommes; retiens bien les chiffres.
– J'y suis.
– Ensuite cent mille Parisiens à peu près.
– Fameux soldats!
– Assez fameux pour te gêner fort, mon prince. Donc, cent mille et six mille, cent six mille; ensuite le parlement, le pape, les Espagnols, M. le cardinal de Bourbon, les Flamands, Henri de Navarre, le duc d'Anjou.
– Commences-tu à épuiser la liste? dit Henri impatienté.
– Allons donc! il me reste encore trois sortes de gens.
– Dis.
– Lesquels t'en veulent beaucoup.
– Dis.
– Les catholiques d'abord.
– Ah! oui, parce que je n'ai exterminé qu'aux trois quarts les huguenots.
– Puis les huguenots, parce que tu les as aux trois quarts exterminés.
– Ah! oui; et les troisièmes? – Que dis-tu des politiques, Henri?
– Ah! oui, ceux qui ne veulent ni de moi, ni de mon frère, ni de M. de Guise.
– Mais qui veulent bien de ton beau-frère de Navarre.
– Pourvu qu'il abjure.
– Belle affaire! et comme la chose l'embarrasse, n'est-ce pas?
– Ah ça! mais les gens dont tu me parles là…