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Les Pardaillan – Livre I

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Les Pardaillan – Livre I
Название: Les Pardaillan – Livre I
Автор: Z?vaco Michel
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Pardaillan – Livre I - читать бесплатно онлайн , автор Z?vaco Michel

En 1553, Jeanne, fille du seigneur de Piennes, ?pouse secr?tement Fran?ois, le fils a?n? du conn?table de Montmorency. La guerre qui s'ach?ve contre Charles Quint s?pare le jeune couple. Jeanne se retrouvant seule, met au monde une petite fille Lo?se. Mais Henri, fr?re de Fran?ois, est amoureux lui aussi de Jeanne et d?vor? par la jalousie. Lors du retour de Fran?ois, Henri fait enlever la petite Lo?se par le vieux chevalier Honor? de Pardaillan et oblige Jeanne ? s'accuser d'adult?re devant son ?poux qui la quitte effondr?…

Z?vaco, auteur anarchiste et populaire, nous propose, avec ce cycle de dix romans, dans un style alerte, vif et piquant, une histoire pleine d'action et de rebondissements qui ne pourra que plaire, par exemple, aux amoureux de Dumas. Comme dans le cycle des Valois – La Reine Margot, La Dame de Monsoreau et Les Quarante-cinq – la trame historique, tr?s bien m?l?e ? la fiction, nous fait vivre avec les grands personnages que sont Catherine de M?dicis, Charles IX, Henri III, Henri de Guise, etc.

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François éperonna son cheval, mordu au cœur par une sourde inquiétude.

Il lui sembla que sur tous ces visages en fête, il y avait comme de la crainte, ou peut-être de la pitié…

«Pourquoi Henri n’était-il pas là pour me recevoir?… Plus vite! Plus vite!…»

Dix minutes plus tard, il sautait à terre, devant la maison du seigneur de Piennes.

– Fermée! Un visage muet! Porte close! Volets tirés! Que se passe-t-il?… Holà, bon vieillard, dites-moi…

Le vieux paysan auquel François venait de parler étendit le bras dans la direction d’une maison.

– Là! vous trouverez ce que vous cherchez, monseigneur et maître!

– Maître! maître! Pourquoi maître?

– Margency n’est-il pas à vous, maintenant!…

François n’écoutait plus. Il courait. Il bondissait vers la chaumière de la vieille nourrice, frémissant, supposant déjà quelque effroyable catastrophe… Jeanne morte, peut-être!… et il arrivait, poussait violemment la porte, et un soupir et une joie infinie soulevait sa large poitrine…

Jeanne est là!…

Il tendit les bras, balbutia le nom de la bien-aimée…

Mais ses bras, lentement, retombèrent.

Pâle de bonheur, François devint livide d’épouvante.

Quoi! il arrivait! il retrouvait l’amante, la chère épousée! Et elle était là, immobile, statue de l’effroi… du remords peut-être!…

François fit trois pas rapides.

– Jeanne! répéta-t-il.

Un soupir d’agonie râla dans la gorge de la mère. Elle eut comme un sursaut de son être pour se jeter dans les bras de l’homme adoré. Son regard dément se posa sur Henri. Il avait sa toque à la main, et son bras se levait!…

– Non! non, bégaya la mère.

– Jeanne! répéta François dans un cri terrible qui déjà contenait une formidable accusation.

Et son regard, à lui aussi, se tourna vers Henri.

– Mon frère!…

Tous les deux, le frère et l’épouse gardèrent un silence effrayant.

Alors, François, d’un geste lent, croisa ses bras sur sa poitrine. D’un effort furieux, il refoula le sanglot qui voulait éclater. Et grave, solennel comme un juge, triste comme un condamné, il parla:

– Depuis un an, pas un battement de mon cœur qui ne fût pour la femme à qui librement ce cœur s’est à jamais donné, pour l’épouse qui porte mon nom. Dans les minutes de désespoir, c’est l’image adorée de cette femme qui se présentait à moi. Dans les batailles, ma pensée allait à elle. Lorsque je suis tombé, j’ai prononcé son nom, croyant que je mourais. Lorsque je me suis réveillé, captif, en proie à la fièvre, chacune de mes secondes a été un acte de foi et d’amour… Et lorsqu’une inquiétude me venait, lorsque je m’effrayais de l’avoir laissée seule, aussitôt une irrésistible consolation me venait; car mon frère, mon bon et loyal frère, m’avait juré de veiller sur elle… Or me voici…J’accours, le cœur plein d’amour, la tête enfiévrée de bonheur… et l’épouse tourne la tête… et le frère n’ose me regarder!…

Ce que souffrit Jeanne dans cette minute fut inconcevable. L’effroyable supplice dépassait les bornes de la conception humaine. Elle aimait! Elle adorait! Et pendant que son cœur la poussait aux bras de l’époux, de l’amant, ses yeux fixés sur l’infernal auteur du supplice s’attachaient invinciblement à la main qui, d’un signe, pouvait tuer sa fille! Ses oreilles entendaient la voix aimée sans en comprendre le sens, et ce qui bourdonnait dans sa tête, c’étaient les atroces paroles:

«Un mot!… et ta fille meurt!…»

Sa fille! Sa Loïse! Ce pauvre petit ange d’innocence! Cette radieuse merveille de grâce et de beauté! Quoi! égorgée! Quoi! le monstre abominable qui la tenait, qui guettait le signe fatal plongerait un couteau dans cette mignonne petite gorge tant de fois dévorée de baisers!…

Ô mère! mère douloureuse!… Comme ton silence fut sublime!…

Jeanne se tordait les mains. Une écume de sang moussait au coin de ses lèvres: la malheureuse, pour étouffer le cri de son amour, se mordait les lèvres, les lacérait, les labourait à coups de dents.

À peine François eut-il fini de parler qu’Henri se tourna à demi vers lui.

Sans quitter la fenêtre ouverte, sa main menaçante prête au funeste signal, d’une voix que sa tranquillité en cette épouvantable seconde rendait sinistre, il prononça:

– Frère, la vérité est triste. Mais tu vas la savoir tout entière.

– Parle! gronda François qui, une main dans son pourpoint, lacérait sa poitrine.

– Cette femme…, dit Henri.

– Cette femme… ma femme…

– Eh bien, je l’ai chassée, moi, ton frère!

François chancela. Jeanne laissa entendre une sorte de gémissement lointain, sans expression humaine. Comme sa situation était unique dans les annales des drames humains!

Et nettement, Henri articula:

– Frère, cette femme qui porte ton nom est indigne. Cette femme t’a trahi. Et c’est pourquoi moi, ton frère, en ton lieu et place, je l’ai chassée comme on chasse une ribaude.

L’accusation était capitale: la femme adultère était fouettée en place publique et pendue haut et court. Et cela, sans jugement ni recours, puisque François de Montmorency, en l’absence du connétable, avait droit de justice haute et basse. Il n’était pas seulement le mari: il était le maître, le seigneur!…

La minute qui suivit l’accusation fut tragique.

Henri, prêt à tout événement, la main gauche crispée à sa dague, la droite serrant la toque… le signal fatal!… Henri tenait sous son regard Jeanne et François – il était calme en apparence, et roulait dans sa tête la pensée d’un double meurtre si la vérité éclatait.

Jeanne, sous le coup de fouet de l’abominable accusation, se redressa. Pendant un instant inappréciable, l’amante fut plus forte en elle que la mère; une secousse la galvanisa comme la décharge d’un courant électrique peut galvaniser un cadavre. Elle eut un en-avant fébrile de tout son corps; à ce moment, le bras d’Henri commença de se lever… La malheureuse vit le mouvement, avança, recula, bégaya on ne sait quoi de confus… et elle baissa la tête, se pétrifia, devint une Douleur vivante…

Vivante?… Si ce mot peut s’appliquer au paroxysme d’horreur et à la quintessence de désespoir de celui qui se sent tomber dans un précipice, à pic, avec le vide devant, derrière, dessus et dessous.

Quant à François, il chancela, comme il avait chancelé là-bas, dans Thérouanne, en recevant en pleine poitrine l’arquebusade d’un reître. Dans ce noble cœur, le droit féodal de haute et basse justice ne s’éleva point. Mais l’homme souffrit une affreuse torture: dompter en une seconde la furie de meurtre qui se déchaîne, commander à ses poings de ne pas écraser l’infâme, être enfin plus grand que le désastre!

Oui, en cette minute effrayante, dans l’immobilité de ces trois êtres bouleversés par des passions si diverses dans leurs attitudes de statues, il y eut on ne sait quoi de fantastique et d’épouvantable.

François lorsqu’il se fut dompté, lorsqu’il fut sûr de ne pas saisir dans ses mains puissantes l’adultère et de l’étrangler, François marcha sur Jeanne qu’il domina de sa haute stature. Quelque chose de rauque, d’incompréhensible éclata sur ses lèvres blanches, quelque chose qui signifiait sans doute:

– Est-ce vrai?

Jeanne, les yeux fixés sur Henri, garda un silence mortel, car elle espérait être tuée.

De nouveau, la question jaillit des lèvres de François:

– Est-ce vrai?

Le supplice allait au-delà des forces. Jeanne tomba. Non pas même à genoux, mais sur le sol, prostrée, se soulevant à grand effort sur une main, et dans un mouvement spasmodique, la tête toujours tournée vers Henri, et toujours son regard atroce de désespoir surveillant le geste assassin.

Et ce fut alors seulement qu’elle murmura, ou crut murmurer, car on n’entendit pas ses paroles:

– Oh! mais achève-moi donc! mais tu vois bien que je meurs pour que notre fille vive!…

Et elle ne fut plus qu’un corps inerte chez qui la violente palpitation des tempes indiquait seule la vie.

François la regarda un instant, comme le premier homme biblique put sans doute regarder le paradis perdu.

Il espéra qu’il allait tomber foudroyé près de celle qu’il avait tant aimée.

Mais la vie, parfois si cruelle dans sa force, fut victorieuse de la mort consolatrice.

François se retourna vers la porte, et sans un cri, sans un gémissement, il s’en alla, très lent et un peu courbé, comme s’il eût été fatigué à l’excès d’une de ces courses immenses qu’on fait dans les cauchemars.

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