Les Pardaillan – Livre I
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En 1553, Jeanne, fille du seigneur de Piennes, ?pouse secr?tement Fran?ois, le fils a?n? du conn?table de Montmorency. La guerre qui s'ach?ve contre Charles Quint s?pare le jeune couple. Jeanne se retrouvant seule, met au monde une petite fille Lo?se. Mais Henri, fr?re de Fran?ois, est amoureux lui aussi de Jeanne et d?vor? par la jalousie. Lors du retour de Fran?ois, Henri fait enlever la petite Lo?se par le vieux chevalier Honor? de Pardaillan et oblige Jeanne ? s'accuser d'adult?re devant son ?poux qui la quitte effondr?…
Z?vaco, auteur anarchiste et populaire, nous propose, avec ce cycle de dix romans, dans un style alerte, vif et piquant, une histoire pleine d'action et de rebondissements qui ne pourra que plaire, par exemple, aux amoureux de Dumas. Comme dans le cycle des Valois – La Reine Margot, La Dame de Monsoreau et Les Quarante-cinq – la trame historique, tr?s bien m?l?e ? la fiction, nous fait vivre avec les grands personnages que sont Catherine de M?dicis, Charles IX, Henri III, Henri de Guise, etc.
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VI LE RETOUR DU PRISONNIER
Avons-nous assez dit quel était l’amour passionné, exclusif, indomptable de la mère pour l’enfant? A-t-on bien compris que pour Jeanne, Loïse, c’était l’univers, c’était la vie, c’était la foi impérissable, la raison d’être unique? Cette adoration qui avait pris naissance aux temps où Loïse n’était encore qu’un espoir, s’était développée, nourrie d’elle-même, était devenue une tendresse emportée, l’inexprimable sixième sens qui envahit une femme et s’empare d’elle tout entière!
Ce ne fut pas de la douleur. Ce ne fut pas du désespoir. Jeanne chercha son enfant avec la fureur, avec l’irrésistible rage d’un être qui cherche sa vie. Pendant quatre heures, hagarde, échevelée, rugissante, effrayante à voir, elle battit les haies, les fourrés, se déchira, s’ensanglanta, sans une larme, pitoyable et tragique.
La pensée lui vint soudain que l’enfant était à la maison… elle bondit, arriva haletante…
Au milieu de la grande pièce, un homme était là, debout, livide, fatal… Henri de Montmorency!
– Vous! vous qui ne m’apparaissez qu’aux heures sinistres de ma vie!
D’un élan il fut sur elle, lui saisit les deux poignets, – et d’une voix basse, rauque, rapide:
– Vous cherchez votre fille? Dites!… Oui! vous la cherchez! Eh bien, sachez ceci: votre fille, c’est moi qui l’ai! Je l’ai prise! Je la tiens! Malheur à elle si vous ne m’écoutez!
– Toi! hurla-t-elle. Toi, misérable félon! Ah! c’est toi qui m’as pris ma fille! Eh bien, tu vas savoir de quoi une mère est capable.
D’une secousse furieuse, elle voulut se dégager, pour mordre, pour griffer, pour tuer! il la maintint rudement.
– Tais-toi, gronda-t-il en lui meurtrissant les poignets. Écoute, écoute bien! si tu veux la revoir…
La mère n’entendit que ce mot: la revoir! Sa fureur se fondit. Elle se mit à supplier:
– La revoir! Oh! qu’avez-vous dit! La revoir!… Dites! oh! redites, par pitié! j’embrasserai vos genoux, je baiserai la trace de vos pas! Je serai votre servante! La revoir! vous avez bien dit cela?… Ma fille! Mon enfant! Rends-moi mon enfant!…
– Écoute, te dis-je!… Ta fille, à cette minute, est aux mains d’un homme à moi. Un homme? Un tigre, si je veux, un esclave! Nous avons convenu ceci: écoute, ne bouge pas!… Voici ce qui est convenu: Que je m’approche de cette fenêtre, que je lève ma toque en l’air, et l’homme tu entends bien? l’homme prendra sa dague et l’enfoncera dans la gorge de l’enfant… Bouge, maintenant!…
Il la lâcha et se croisa les bras.
Elle tomba à genoux, et de son front heurta la terre battue, voulant crier grâce, ne pouvant pas, élevant seulement ses mains en signe de détresse et de soumission…
– Relève-toi! gronda-t-il.
Elle obéit promptement, et toujours avec un geste affreux des mains tendues, suppliantes – balbutiantes, si nous osons dire, car à de certains moments tragiques, le geste parle.
– Es-tu décidée à obéir? reprit le fauve.
Elle fit oui, de la tête, démente, pantelante, terrible et sublime…
– Écoute, maintenant, François… mon frère… Eh bien, il arrive!… Tu entends? Ici, devant toi, je vais lui parler… Si tu ne dis pas que je mens, si tu te tais… ce soir ta fille est dans tes bras… Si tu dis un seul mot, je lève la toque… ta fille meurt!… Regarde, regarde… Voici François qui vient…
Sur la route de Montmorency, un tourbillon de poussière accourait, comme poussé par une rafale… et de ce tourbillon sortait une voix frénétique:
– Jeanne, Jeanne… C’est moi. Me voici!
– François! François! hurla Jeanne délirante. À moi! À moi!
D’un pas d’une tranquillité féroce, Henri se rapprocha de la fenêtre et gronda:
– C’est donc toi qui auras tué ta fille!
– Grâce! Grâce! Je me tais! J’obéis!
À cette seconde, François de Montmorency poussa violemment la porte et, haletant d’émotion, ivre de joie et d’amour, s’arrêta chancelant, tendit les bras, murmurant:
– Jeanne!… Ma bien-aimée!
Oui, c’était François de Montmorency que bien des gens et le connétable lui-même, avaient cru mort et qui reparaissait après une captivité de plusieurs mois.
François, parti avec deux mille cavaliers, était arrivé dans Thérouanne avec neuf cents de ses hommes d’armes: le reste était tombé en route.
Il était temps! le soir même de son arrivée, un corps d’armée allemand et espagnol investissait la place et commençait aussitôt ses mines. Dès le surlendemain, le premier assaut fut donné: c’est là que périt d’Essé, l’un des anciens compagnons d’armes et de plaisir de François 1er .
Électrisés par le fils aîné du connétable, la garnison et les habitants de Thérouanne se défendirent deux mois avec l’énergie du désespoir. Cette poignée d’hommes, dans une cité détruite par les bombardements, parmi les ruines fumantes, repoussa quatorze assauts successifs.
Au début du troisième mois, des parlementaires ennemis se présentèrent pour proposer des conditions honorables. Ils trouvèrent François sur les remparts, mangeant sa ration de pain composé d’un peu de farine et de beaucoup de paille hachée. Il était entouré de quelques-uns de ses lieutenants, tous gens amaigris, avec des yeux luisants, des habits déchirés, des faces de lions.
Les parlementaires commencèrent à exposer les propositions de l’empereur.
Au moment où François allait répondre, des clameurs terribles s’élevèrent:
– Aux armes! Aux armes! criaient les français.
– Muerte! Muerte! (Mort! Mort!) hurlaient les envahisseurs.
C’était le corps espagnol qui, sans en avoir reçu l’ordre, assure-t-on, se précipitait à l’assaut par une brèche qui venait d’être faite.
Alors, dans les rues de Thérouanne incendié, commença une affreuse mêlée parmi les ronflements des flammes, les détonations des mines, le fracas des arquebusades, les imprécations et les clameurs déchirantes des blessés.
Le soir, il n’y avait plus derrière une barricade improvisée qu’une trentaine de combattants, à la tête desquels un homme levait à chaque instant son estramaçon rouge qu’il tenait à deux mains, et qui à chaque fois retombait sur un crâne.
Un coup d’arquebuse finit par l’abattre… Ce fut la fin!
Cet homme, c’était François de Montmorency, qui, selon la parole donnée, avait lutté jusqu’à la mort!…
À la nuit close, des maraudeurs le trouvèrent étendu à la place même où il était tombé. L’un d’eux le reconnut, et s’apercevant qu’il vivait encore, le transporta dans le camp ennemi, où il le livra pour une somme d’argent.
C’est ainsi que Thérouanne fut prise. On sait que cette malheureuse cité, citadelle avancée de l’Artois, déjà détruite en 1513, fut cette fois complètement rasée… On sait que les rois de France ne s’occupèrent plus de la réédifier: exemple unique, dit un historien, d’une ville qui ait entièrement péri.
On sait aussi que l’Artois fut dès lors envahi et que l’armée royale éprouva une série de revers, notamment à Hesdin, jusqu’à ce qu’enfin, à la suite des succès remportés dans le Cambrésis, une paix éphémère fût signée.
Cette paix rendit du moins la liberté aux prisonniers de guerre.
François de Montmorency ne mourut pas de sa blessure. Mais longtemps, il eut à lutter contre la mort; il se rétablit enfin, et un jour, on lui annonça qu’il était libre.
Il se mit aussitôt en route avec une quinzaine de ses anciens compagnons, débris de la grande bataille livrée dans Thérouanne. Dès l’étape suivante, il envoya en avant un de ses cavaliers, en le chargeant de prévenir son frère de son arrivée.
Puis confiant, heureux, respirant à pleins poumons, souriant à l’amour, répétant tout bas le nom de la femme adorée, il continua son chemin.
Lorsqu’il aperçut enfin les tours du manoir de Montmorency, le cœur lui battit à se rompre, ses yeux se remplirent de larmes, et il s’élança au galop.
Les cloches de Montmorency sonnèrent à toute volée. L’artillerie du manoir tonna. Les gens du village et des bourgs voisins poussèrent des vivats, rassemblés sur l’esplanade d’où François, près d’un an auparavant, s’était élancé. Les hommes de la garnison présentèrent les armes. Le bailli s’avança pour lire un discours de bienvenue.
– Où est mon frère? interrogea François.
– Monseigneur, commença le bailli, c’est un bien beau jour que celui…
– Messire, dit François en fronçant le sourcil, j’entendrai votre harangue tout à l’heure. Où est mon frère?
– À Margency, monseigneur.