Le Chevalier De Maison-Rouge
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Un des livres consacr?s par Dumas ? la R?volution Fran?aise. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonni?re au Temple, o? r?gne le cordonnier Simon, ge?lier du dauphin, Marie-Antoinette re?oit un billet lui annon?ant que le chevalier de Maison-Rouge pr?pare son enl?vement…
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Fouquier résuma son accusation; le président résuma les débats; les jurés allèrent aux voix et rapportèrent un verdict de culpabilité contre Lorin et Geneviève.
Le président les condamna tous les deux à la peine de mort.
Deux heures sonnaient à la grande horloge du Palais.
Le président mit juste autant de temps pour prononcer la condamnation que l’horloge à sonner.
Maurice écouta ces deux bruits confondus l’un dans l’autre. Quand la double vibration de la voix et du timbre fut éteinte, ses forces étaient épuisées.
Les gendarmes emmenèrent Geneviève et Lorin, qui lui avait offert son bras.
Tous deux saluèrent Maurice d’une façon bien différente: Lorin souriait; Geneviève, pâle et défaillante, lui envoya un dernier baiser sur ses doigts trempés de larmes.
Elle avait conservé l’espoir de vivre jusqu’au dernier moment, et elle pleurait non pas sa vie, mais son amour, qui allait s’éteindre avec sa vie.
Maurice, à moitié fou, ne répondit point à cet adieu de ses amis; il se releva pâle, égaré, du banc sur lequel il s’était affaissé. Ses amis avaient disparu.
Il sentit qu’une seule chose vivait encore en lui: c’était la haine qui lui mordait le cœur.
Il jeta un dernier regard autour de lui et reconnut Dixmer, qui s’en allait avec d’autres spectateurs et qui se baissait pour passer sous la porte cintrée du couloir.
Avec la rapidité du ressort qui se détend, Maurice bondit de banquettes en banquettes et parvint à la même porte.
Dixmer l’avait déjà franchie: il descendait dans l’obscurité du corridor.
Maurice descendit derrière lui.
Au moment où Dixmer toucha du pied les dalles de la grande salle, Maurice toucha l’épaule de Dixmer de la main.
LIII Le duel
À cette époque, c’était toujours une chose grave que de se sentir toucher à l’épaule.
Dixmer se retourna et reconnut Maurice.
– Ah! bonjour, citoyen républicain, fit Dixmer sans témoigner d’autre émotion qu’un tressaillement imperceptible qu’il réprima aussitôt.
– Bonjour, citoyen lâche, répondit Maurice; vous m’attendiez, n’est-ce pas?
– C’est-à-dire que je ne vous attendais plus, au contraire, répondit Dixmer.
– Pourquoi cela?
– Parce que je vous attendais plus tôt.
– J’arrive encore trop tôt pour toi, assassin! ajouta Maurice, avec une voix ou plutôt avec un murmure effrayant, car il était le grondement de l’orage amassé dans son cœur, comme son regard en était l’éclair.
– Vous me jetez du feu par les yeux, citoyen, reprit Dixmer. On va nous reconnaître et nous suivre.
– Oui, et tu crains d’être arrêté, n’est-ce pas? Tu crains d’être conduit à cet échafaud où tu envoies les autres? Qu’on nous arrête, tant mieux, car il me semble qu’il manque aujourd’hui un coupable à la justice nationale.
– Comme il manque un nom sur la liste des gens d’honneur, n’est-ce pas? depuis que votre nom en a disparu.
– C’est bien! nous reparlerons de tout cela, j’espère; mais, en attendant, vous vous êtes vengé, et misérablement vengé, sur une femme. Pourquoi, puisque vous m’attendiez quelque part, ne m’attendiez-vous pas chez moi le jour où vous m’avez volé Geneviève?
– Je croyais que le premier voleur, c’était vous.
– Allons, pas d’esprit, monsieur, je ne vous ai jamais connu; pas de mots, je vous sais plus fort sur l’action que sur la parole, témoin le jour où vous avez voulu m’assassiner: ce jour-là, le naturel parlait.
– Et je me suis fait plus d’une fois le reproche de ne l’avoir point écouté, répondit tranquillement Dixmer.
– Eh bien, dit Maurice en frappant sur son sabre, je vous offre une revanche.
– Demain, si vous voulez, pas aujourd’hui.
– Pourquoi demain?
– Ou ce soir.
– Pourquoi pas tout de suite?
– Parce que j’ai affaire jusqu’à cinq heures.
– Encore quelque hideux projet, dit Maurice; encore quelque guet-apens.
– Ah çà! monsieur Maurice, reprit Dixmer, vous êtes bien peu reconnaissant, en vérité. Comment! pendant six mois, je vous ai laissé filer le parfait amour avec ma femme; pendant six mois, j’ai respecté vos rendez-vous, laissé passer vos sourires. Jamais homme, convenez-en, n’a été si peu tigre que moi.
– C’est-à-dire que tu croyais que je pouvais t’être utile, et que tu me ménageais.
– Sans doute! répondit avec calme Dixmer, qui se dominait autant que s’emportait Maurice. Sans doute! tandis que vous trahissiez votre république et que vous me la vendiez pour un regard de ma femme; pendant que vous vous déshonoriez, vous par votre trahison, elle par son adultère, j’étais, moi, le sage et le héros. J’attendais et je triomphais.
– Horreur! dit Maurice.
– Oui! n’est-ce pas? vous appréciez votre conduite, monsieur. Elle est horrible! elle est infâme!
– Vous vous trompez, monsieur; la conduite que j’appelle horrible et infâme, c’est celle de l’homme à qui l’honneur d’une femme avait été confié, qui avait juré de garder cet honneur pur et intact, et qui, au lieu de tenir son serment, a fait de sa beauté l’amorce honteuse où il a pris le faible cœur. Vous aviez, avant toute chose, pour devoir sacré de protéger cette femme, monsieur, et, au lieu de la protéger, vous l’avez vendue.
– Ce que j’avais à faire, monsieur, répondit Dixmer, je vais vous le dire; j’avais à sauver mon ami, qui soutenait avec moi une cause sacrée. De même que j’ai sacrifié mes biens à cette cause, je lui ai sacrifié mon honneur. Quant à moi, je me suis complètement oublié, complètement effacé. Je n’ai songé à moi qu’en dernier lieu. Maintenant, plus d’ami: mon ami est mort poignardé; maintenant, plus de reine: ma reine est morte sur l’échafaud; maintenant, eh bien, maintenant, je songe à ma vengeance.
– Dites à votre assassinat.
– On n’assassine pas une adultère en la frappant, on la punit.
– Cet adultère, vous le lui avez imposé, donc il était légitime.
– Vous croyez? fit Dixmer avec un sombre sourire. Demandez à ses remords si elle croit avoir agi légitimement.
– Celui qui punit frappe au jour; toi, tu ne punis pas, puisqu’en jetant sa tête à la guillotine, tu te caches.
– Moi, je fuis! moi, je me cache! et où vois-tu cela, pauvre cervelle que tu es? demanda Dixmer. Est-ce se cacher que d’assister à sa condamnation? Est-ce fuir que d’aller jusque dans la salle des Morts lui jeter son dernier adieu?