Les Enfants Du Capitaine Grant
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Lord et Lady Glenarvan, ainsi que le g?ographe Paganel, aident Mary et Robert Grant ? retrouver leur p?re qui a fait naufrage sur une ?le dont on ne connait que la latitude, ce qui les am?ne ? traverser l'Am?rique du sud, puis l'Australie o? un bagnard ?vad?, Ayrton, tente de s'emparer du yacht de Glenarvan, et enfin l'Oc?anie o?, apr?s avoir ?chapp? aux anthropophages, il retrouveront enfin la trace de leur p?re…
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«Comprends-tu l’anglais, mon ami? lui demanda la jeune femme.
– Je le comprends et je le parle», répondit l’enfant dans la langue des voyageurs, mais avec un accent très marqué.
Sa prononciation rappelait celle des français qui s’expriment dans la langue du royaume-uni.
«Quel est ton nom? demanda lady Helena.
– Toliné, répondit le petit indigène.
– Ah! Toliné! s’écria Paganel. Si je ne me trompe, ce mot signifie «écorce d’arbre» en australien?»
Toliné fit un signe affirmatif et reporta ses regards sur les voyageuses.
«D’où viens-tu, mon ami? reprit lady Helena.
– De Melbourne, par le railway de Sandhurst.
– Tu étais dans ce train qui a déraillé au pont de Camden? demanda Glenarvan.
– Oui, monsieur, répondit Toliné, mais le Dieu de la bible m’a protégé.
– Tu voyageais seul?
– Seul. Le révérend Paxton m’avait confié aux soins de Jeffries Smith. Malheureusement, le pauvre facteur a été tué!
– Et dans ce train, tu ne connaissais personne?
– Personne, monsieur, mais Dieu veille sur les enfants et ne les abandonne jamais!»
Toliné disait ces choses d’une voix douce, qui allait au cœur. Quand il parlait de Dieu, sa parole devenait plus grave, ses yeux s’allumaient, et l’on sentait toute la ferveur contenue dans cette jeune âme.
Cet enthousiasme religieux dans un âge si tendre s’expliquera facilement. Cet enfant était un de ces jeunes indigènes baptisés par les missionnaires anglais, et élevés par eux dans les pratiques austères de la religion méthodiste. Ses réponses calmes, sa tenue propre, son costume sombre lui donnaient déjà l’air d’un petit révérend.
Mais où allait-il ainsi à travers ces régions désertes, et pourquoi avait-il quitté Camden-Bridge?
Lady Helena l’interrogea à ce sujet.
«Je retournais à ma tribu, dans le Lachlan, répondit-il. Je veux revoir ma famille.
– Des australiens? demanda John Mangles.
– Des australiens du Lachlan, répondit Toliné.
– Et tu as un père, une mère? dit Robert Grant.
– Oui, mon frère», répondit Toliné, en offrant sa main au jeune Grant, que ce nom de frère touchait sensiblement. Il embrassa le petit indigène, et il n’en fallait pas plus pour faire d’eux une paire d’amis.
Cependant les voyageurs, vivement intéressés par les réponses de ce jeune sauvage, s’étaient peu à peu assis autour de lui, et l’écoutaient parler. Déjà le soleil s’abaissait derrière les grands arbres.
Puisque l’endroit paraissait propice à une halte, et qu’il importait peu de faire quelques milles de plus avant la nuit close, Glenarvan donna l’ordre de tout préparer pour le campement. Ayrton détela les bœufs; avec l’aide de Mulrady et de Wilson, il leur mit les entraves et les laissa paître à leur fantaisie. La tente fut dressée. Olbinett prépara le repas. Toliné accepta d’en prendre sa part, non sans faire quelque cérémonie, quoiqu’il eût faim. On se mit donc à table, les deux enfants l’un près de l’autre. Robert choisissait les meilleurs morceaux pour son nouveau camarade, et Toliné les acceptait avec une grâce craintive et pleine de charme.
La conversation, cependant, ne languissait pas. Chacun s’intéressait à l’enfant et l’interrogeait. On voulait connaître son histoire. Elle était bien simple. Son passé, ce fut celui de ces pauvres indigènes confiés dès leur bas âge aux soins des sociétés charitables par les tribus voisines de la colonie. Les australiens ont des mœurs douces. Ils ne professent pas envers leurs envahisseurs cette haine farouche qui caractérise les nouveaux zélandais, et peut-être quelques peuplades de l’Australie septentrionale. On les voit fréquenter les grandes villes, Adélaïde, Sydney, Melbourne, et s’y promener même dans un costume assez primitif.
Ils y trafiquent des menus objets de leur industrie, d’instruments de chasse ou de pêche, d’armes, et quelques chefs de tribu, par économie sans doute, laissent volontiers leurs enfants profiter du bénéfice de l’éducation anglaise.
Ainsi firent les parents de Toliné, véritables sauvages du Lachlan, vaste région située au delà du Murray. Depuis cinq ans qu’il demeurait à Melbourne, l’enfant n’avait revu aucun des siens. Et pourtant, l’impérissable sentiment de la famille vivait toujours dans son cœur, et c’était pour revoir sa tribu, dispersée peut-être, sa famille, décimée sans doute, qu’il avait repris le pénible chemin du désert.
«Et après avoir embrassé tes parents tu reviendras à Melbourne, mon enfant? lui demanda lady Glenarvan.
– Oui, madame, répondit Toliné en regardant la jeune femme avec une sincère expression de tendresse.
– Et que veux-tu faire un jour?
– Je veux arracher mes frères à la misère et à l’ignorance! Je veux les instruire, les amener à connaître et à aimer Dieu! Je veux être missionnaire!»
Ces paroles prononcées avec animation par un enfant de huit ans, pouvaient prêter à rire à des esprits légers et railleurs; mais elles furent comprises et respectées de ces graves écossais; ils admirèrent la religieuse vaillance de ce jeune disciple, déjà prêt au combat. Paganel se sentit remué jusqu’au fond du cœur, et il éprouva une véritable sympathie pour le petit indigène.
Faut-il le dire? Jusqu’ici, ce sauvage en habit européen ne lui plaisait guère. Il ne venait pas en Australie pour voir des australiens en redingote!
Il les voulait habillés d’un simple tatouage. Cette mise «convenable» déroutait ses idées. Mais du moment que Toliné eut parlé si ardemment, il revint sur son compte et se déclara son admirateur. La fin de cette conversation, d’ailleurs, devait faire du brave géographe le meilleur ami du petit australien.
En effet, à une question de lady Helena, Toliné répondit qu’il faisait ses études «à l’école normale» de Melbourne, dirigée par le révérend M Paxton.
«Et que t’apprend-on à cette école? demanda lady Glenarvan.
– On m’apprend la bible, les mathématiques, la géographie…
– Ah! La géographie! s’écria Paganel, touché dans son endroit sensible.
– Oui, monsieur, répondit Toliné. J’ai même eu un premier prix de géographie avant les vacances de janvier.
– Tu as eu un prix de géographie, mon garçon?
– Le voilà, monsieur», dit Toliné, tirant un livre de sa poche.
C’était une bible in-32, bien reliée. Au verso de la première page, on lisait cette mention: école normale de Melbourne, 1er prix de géographie, Toliné du Lachlan.