Les Tribulations DUn Chinois En Chine
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Le richissime Chinois Kin-Fo vient de se trouver soudainement ruin?. La vie, qui lui paraissait jusqu'alors insipide, lui devient insupportable. Il contracte une assurance vie de 200 000 dollars en faveur de sa fianc?e L?-ou et du philosophe Wang, son mentor et ami ? qui il demande de le tuer dans un d?lai de deux mois, tout en lui remettant une lettre qui l'innocentera de ce meurtre. Avant le d?lai imparti, Kin-Fo recouvre sa fortune, doubl?e. Il n'est plus question pour lui de renoncer ? la vie. Mais Wang a disparu avec la lettre et il n'est pas homme ? rompre une promesse! Voil? donc Kin-Fo condamn? ? mort, par ses propres soins! Une seule ressource: retrouver Wang. Et Kin-Fo de se lancer dans le plus haletant des p?riples au pays du C?leste Empire. R?cit alerte ? l'intrigue parfaitement bien men?e, Les tribulations d'un Chinois en Chine est un des joyaux des " Voyages extraordinaires " du grand Jules Verne.
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– Ai ai ya! répondit Soun. Je n'attendais mon maître qu'à la troisième veille! Quand monsieur voudra!»
Kin-Fo jeta le rotin à terre. Soun, si jaune qu'il fût naturellement, parvint cependant à pâlir!
«Si tu offres ton dos sans autre explication, dit le maître, c'est que tu mérites mieux que cela! Qu'y a-t-il?
– Cette lettre!…
– Parle donc! s'écria Kin-Fo, en saisissant, la lettre que lui présentait Souri.
– J'ai bien maladroitement oublié de vous la remettre avant votre départ pour Canton!
– Huit jours de retard, coquin!
– J'ai eu tort, mon maître!
– Viens ici!
– Je suis comme un pauvre crabe sans pattes qui ne peut marcher! Ai ai ya!» Ce dernier cri était un cri de désespoir. Kin-Fo avait saisi Soun par sa natte, et, d'un coup de ciseaux bien affilés, il venait d'en trancher l'extrême bout.
Il faut croire que les pattes repoussèrent instantanément au malencontreux crabe, car il détala prestement, non sans avoir ramassé sur le tapis le morceau de son précieux appendice.
De cinquante-sept centimètres, la queue de Soun se trouvait réduite à cinquante-quatre.
Kin-Fo, redevenu parfaitement calme, s'était rejeté sur le divan et examinait en homme que rien ne presse la lettre arrivée depuis huit jours. Il n'en voulait à Soun que de sa négligence, non du retard. En quoi une lettre quelconque pouvait-elle l'intéresser? Elle ne serait la bienvenue que si elle lui causait une émotion. Une émotion à lui!
Il la regardait donc, mais distraitement.
L'enveloppe, faite d'une toile empesée, montrait à l'adresse – et au dos divers timbres-poste de couleur vineuse et chocolat, portant en exergue au-dessous d'un portrait d'homme les chiffres de deux et de «Six cents».
Cela indiquait qu'elle venait des États-Unis d'Amérique.
«Bon! fit Kin-Fo, en haussant les épaules, une lettre de mon correspondant de San Francisco!»
Et il rejeta la lettre dans un coin du divan.
En effet, que pouvait lui apprendre son correspondant?
Que les titres qui composaient presque toute sa fortune dormaient tranquillement dans les caisses de la Centrale Banque Californienne, que ses actions avaient monté de quinze ou vingt pour cent, que les dividendes à distribuer dépasseraient ceux de l'année précédente, etc.!
Quelques milliers de dollars de plus ou de moins n'étaient vraiment pas pour l'émouvoir!
Toutefois, quelques minutes après, Kin-Fo reprit la lettre et en déchira machinalement l'enveloppe; mais, au lieu de la lire, ses yeux n'en cherchèrent d'abord que la signature.
«C'est bien une lettre de mon correspondant, dit-il. Il ne peut que me parler d'affaires! A demain les affaires!»
Et, une seconde fois, Kin-Fo allait rejeter la lettre, lorsque son regard fut tout à coup frappé par un mot souligné plusieurs fois au recto de la deuxième page. C'était le mot «passif», sur lequel le correspondant de San Francisco avait évidemment voulu attirer l'attention de son client de Shang-Haï.
Kin-Fo reprit alors la lettre à son début, et la lut de la première à la dernière ligne, non sans un certain sentiment de curiosité, qui devait surprendre de sa part.
Un instant, ses sourcils se froncèrent; mais une sorte de dédaigneux sourire se dessina sur ses lèvres, lorsqu'il eut achevé sa lecture.
Kin-Fo se leva alors, fit une vingtaine de pas dans sa chambre, s'approcha un instant du tuyau acoustique qui le mettait en communication directe avec Wang. Il porta même le cornet à sa bouche, et fut sur le point de faire résonner le sifflet d'appel; mais il se ravisa, laissa retomber le serpent de caoutchouc, et revint s'étendre sur le divan.
«Peuh!» fit-il.
Tout Kin-Fo était dans ce mot.
«Et elle! murmura-t-il. Elle est vraiment plus intéressée que moi dans tout cela!»
Il s'approcha alors d'une petite table de laque, sur laquelle était posée une boîte oblongue, précieusement ciselée.
Mais, au moment de l'ouvrir, sa main s'arrêta.
«Que me disait sa dernière lettre?» murmura-t-il.
Et, au lieu de lever le couvercle de la boîte, il poussa un ressort, fixé à l'une des extrémités. Aussitôt une voix douce de se faire entendre!
«Mon petit frère aîné! Ne suis-je plus pour vous comme la fleur Mei-houa à la première lune, comme la fleur de l'abricotier à la deuxième, comme la fleur du pêcher à la troisième! Mon cher cœur, de pierre précieuse, à vous mille, à vous dix mille bonjours!…»
C'était la voix d'une jeune femme, dont le phonographe répétait les tendres paroles.
«Pauvre petite sœur cadette!» dit Kin-Fo.
Puis, ouvrant la boîte, il retira de l'appareil le papier, zébré de rainures, qui venait de reproduire toutes les inflexions de la lointaine voix, et le remplaça par un autre.
Le phonographe était alors perfectionné à un point qu'il suffisait de parler à voix haute pour que la membrane fût impressionnée et que le rouleau, mû par un mouvement d'horlogerie, enregistrât les paroles sur le papier de l'appareil.
Kin-Fo parla donc pendant une minute environ. A sa voix, toujours calme, on n'eût pu reconnaître sous quelle impression de joie ou de tristesse il formulait sa pensée.
Trois ou quatre phrases, pas plus, ce fut tout ce que dit Kin-Fo. Cela fait, il suspendit le mouvement du phonographe, retira le papier spécial sur lequel l'aiguille, actionnée par la membrane, avait tracé des rainures obliques, correspondant aux paroles prononcées; puis, plaçant ce papier dans une enveloppe qu'il cacheta, il écrivit de droite à gauche l'adresse que voici: «Madame Lé-ou, «Avenue de Cha-Coua «Péking.» Un timbre électrique fit aussitôt accourir celui des domestiques qui était chargé de la correspondance. Ordre lui fut donné de porter immédiatement cette lettre à la poste.
Une heure après, Kin-Fo dormait paisiblement, en pressant dans ses bras son «tchou-fou-jen», sorte d'oreiller de bambou tressé, qui maintient dans les lits chinois une température moyenne, très appréciable sous ces chaudes latitudes.