Aventures De Trois Russes Et De Trois Anglais Dans LAfrique Australe
Aventures De Trois Russes Et De Trois Anglais Dans LAfrique Australe читать книгу онлайн
Les Aventures de trois Russes et de trois Anglais (1872) mettent en sc?ne six astronomes dont la t?che est de mesurer une portion de m?ridien terrestre. Il s'agit donc plus de g?od?sie que d'astronomie, mais historiquement, ce genre de travail a toujours ?chu aux astronomes. Les h?ros utilisent la m?thode de triangulation expos?e en d?tail dans l'Astronomie Populaire d'Arago. On retrouve le th?me des grandes exp?ditions scientifiques des Picard, Lacaille, Maupertuis, Bouguer, Godin, La Condamine, M?chain, Delambre, Arago… commandit?es par l'Acad?mie des sciences, aux ?poques o? le m?tier d'astronome ?tait un m?tier dangereux.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
«C’est un Makololo, colonel, répondit Mokoum, un indigène des tribus du nord qui hantent les affluents du Zambèse. C’est un ennemi, non-seulement de nos Bochjesmen, mais un pillard redouté de tout voyageur qui se hasarde dans le centre de l’Afrique australe. Cet homme nous épiait, et nous aurons peut-être lieu de regretter de n’avoir pu nous emparer de sa personne.
– Mais, bushman, reprit le colonel Everest, qu’avons-nous à redouter d’une bande de ces voleurs? Ne sommes-nous pas en nombre suffisant pour résister?
– En ce moment, oui, répliqua le bushman, mais ces tribus pillardes se rencontrent plus fréquemment dans le nord, et là, il est difficile de leur échapper. Si ce Makololo est un espion, – ce qui ne me semble pas douteux, – il ne manquera pas de jeter quelques centaines de pillards sur notre route, et quand ils y seront, colonel, je ne donnerai pas un farthing de tous vos triangles!»
Le colonel Everest fut très-contrarié de cette rencontre. Il savait que le bushman n’était point homme à exagérer le danger, et qu’il fallait tenir compte de ses observations. Les intentions de l’indigène ne pouvaient être que suspectes. Son apparition subite, sa fuite immédiate démontraient qu’il venait d’être pris en flagrant délit d’espionnage. Il paraissait donc impossible que la présence de la commission anglo-russe ne fût pas promptement dénoncée aux tribus du nord. En tout cas, le mal était alors sans remède. On résolut seulement d’éclairer avec plus de sévérité la marche de la caravane, et les travaux de la triangulation furent continués.
Au 17 août, un troisième degré de la méridienne avait été obtenu. De bonnes observations de latitude déterminèrent exactement le point atteint. Les astronomes avaient alors mesuré trois degrés de l’arc, qui avaient nécessité la formation de vingt-deux triangles depuis le point extrême de la base australe.
Vérification faite de la carte, on reconnut que la bourgade de Kolobeng n’était située qu’à une centaine de milles dans le nord-est de la méridienne. Les astronomes, réunis en conseil, résolurent d’aller prendre quelques jours de repos en ce village, dans lequel ils pourraient sans doute recueillir quelques nouvelles d’Europe. Depuis près de six mois, ils avaient quitté les bords de la rivière d’Orange, et, perdus dans ces solitudes de l’Afrique australe, ils étaient sans communication avec le monde civilisé. À Kolobeng, bourgade assez importante, station principale de missionnaires, ils parviendraient peut-être à renouer le lien civil brisé entre l’Europe et eux. En cet endroit, la caravane se referait aussi de ses fatigues, et les approvisionnements pourraient être en partie renouvelés.
L’inébranlable pierre qui avait servi de mire lors de la dernière observation fut prise comme point d’arrêt de cette première partie du travail géodésique. À ce jalon fixe devaient recommencer les observations subséquentes. Sa situation en latitude fut rigoureusement déterminée. Le colonel Everest, assuré de ce repère, donna le signal du départ, et toute la caravane se dirigea vers Kolobeng.
Les Européens arrivèrent à cette bourgade le 22 août, après un voyage dépourvu de tout incident. Kolobeng n’est qu’un amas de cases indigènes, dominé par l’établissement des missionnaires. Ce village, également nommé Litoubarouba sur certaines cartes, s’appelait autrefois Lepelolé. C’est là que le docteur David Livingstone s’installa pendant plusieurs mois, en l’année 1843, et qu’il se familiarisa avec les habitudes de ces Béchuanas, plus spécialement désignés sous le nom de Bakouins dans cette partie de l’Afrique australe.
Les missionnaires reçurent très-hospitalièrement les membres de la commission scientifique. Ils mirent à leur disposition toutes les ressources du pays. Là se voyait encore la maison de Livingstone, telle qu’elle était lorsque le chasseur Baldving la visita, c’est-à-dire ruinée et saccagée: car les Boërs ne la respectèrent pas dans leur incursion de 1852.
Les astronomes, dès qu’ils eurent été installés dans la maison des révérends, s’enquirent des nouvelles d’Europe. Le père principal ne put satisfaire leur curiosité. Aucun courrier, depuis six mois, n’était parvenu à la mission. Mais sous peu de jours, on attendait un indigène, porteur de journaux et de dépêches, dont la présence avait été signalée depuis quelque temps sur les rives du haut Zambèse. Dans son opinion, l’arrivée de ce courrier ne pouvait être retardée de plus d’une semaine. C’était précisément le laps de temps que les astronomes voulaient consacrer au repos, et, cette semaine, ils la passèrent tous dans un complet «farniente,» dont Nicolas Palander profita pour revoir tous ses calculs.
Quant au farouche Mathieu Strux, il fréquenta peu ses collègues anglais et se tint à l’écart. William Emery et Michel Zorn employèrent utilement leur temps en promenades aux environs de Kolobeng. La plus franche amitié les liait l’un à l’autre, ces deux jeunes gens, et ils ne croyaient pas qu’aucun événement pût jamais briser cette intimité, fondée sur l’étroite sympathie de l’esprit et du cœur.
Le 30 août, le messager, si impatiemment attendu, arriva. C’était un indigène de Kilmiane, ville située sur l’une des embouchures du Zambèse. Un navire marchand, de l’île Maurice, faisant le commerce de la gomme et de l’ivoire, avait atterri sur cette partie de la côte orientale dans les premiers jours de juillet, et déposé les dépêches dont il était porteur pour les missionnaires de Kolobeng. Ces dépêches avaient donc plus de deux mois de date, car le messager indigène n’avait pas employé moins de quatre semaines à remonter le cours du Zambèse.
Ce jour-là, un incident se produisit qui doit être raconté avec détails, car ses conséquences menacèrent gravement l’avenir de l’expédition scientifique.
Le père principal de la Mission, aussitôt l’arrivée du messager, remit au colonel Everest une liasse de journaux européens. La plupart de ces numéros provenaient de la collection du Times, du Daily-News et du Journal des Débats. Les nouvelles qu’ils contenaient avaient, dans la circonstance, une importance toute spéciale, comme on en pourra juger.
Les membres de la commission étaient réunis dans la principale salle de la Mission. Le colonel Everest, après avoir détaché la liasse de journaux, prit un numéro du Daily-News du 13 mai 1854, afin d’en faire la lecture à ses collègues.
Mais à peine eut-il lu le titre du premier article de ce journal, que sa physionomie changea soudain, son front se plissa, et le numéro du journal trembla dans sa main. Après quelques instants, le colonel Everest parvint à se maîtriser, et il reprit son calme habituel.
Sir John Murray se leva alors, et s’adressant au colonel Everest:
«Que vous a donc appris ce journal? lui demanda-t-il.
– Des nouvelles graves, messieurs, répondit le colonel Everest, des nouvelles très-graves, que je vais vous communiquer!»
Le colonel tenait toujours dans sa main le numéro du Daily-News. Ses collègues, le regard fixé sur lui, ne pouvaient se méprendre à son attitude. Ils attendaient impatiemment qu’il prît la parole.
Le colonel se leva. Au grand étonnement de tous, et principalement de celui qui était l’objet de cette démarche, il s’avança vers Mathieu Strux, et lui dit: