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Catherine Il suffit dun Amour Tome 2

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Catherine Il suffit dun Amour Tome 2
Название: Catherine Il suffit dun Amour Tome 2
Дата добавления: 15 январь 2020
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Catherine Il suffit dun Amour Tome 2 - читать бесплатно онлайн , автор Бенцони Жюльетта

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A la pointe du jour, Catherine et ses compagnons se trouvèrent devant une étroite rivière qui roulait des flots tumultueux entre des croupes rocheuses, chevelues d'arbres. Dans le bouillonnement neigeux de l'eau, de grosses pierres grises traçaient un gué.

— Voici le Suzon ! dit Gervais en désignant le ruisseau de son bâton.

C'est là que je vous abandonne. Quand vous l'aurez traversé, vous piquerez droit au nord. À deux lieues d'ici, environ, vous trouverez l'abbaye de Saint-Seine, lieu d'asile s'il en est. Le prieur en est messire Jean de Blaisy. Il est homme de bien et de grande charité. Il vous accueillera.

Cette suggestion ne semblait pas agréer beaucoup à Catherine. Elle objecta que l'abbé de Saint-Seine était possesseur du château de Mâlain, qu'il l'avait prêté à Garin pour l'y enfermer. Mais Gervais rétorqua : Je gagerais que messire Jean ignorait à quelles fins le Grand Argentier destinait son domaine. Plus que certainement, Garin de Brazey le lui a emprunté sous un prétexte. Tu peux te rendre sans crainte à Saint-Seine.

Serais-tu la pire ennemie de sa famille que Jean de Blaisy t'accueillerait sans hésiter. Pour lui, le -malheureux qui vient s'agenouiller au seuil de son église est l'envoyé de Dieu lui-même et le duc en personne n'oserait venir lui arracher son hôte. Va, te dis-je. Tu ne peux continuer à courir les chemins. Il te faut un port de salut. À Saint-Seine tu ne craindras rien...

Catherine réfléchissait. La longue marche nocturne l'avait fatiguée car on avait parcouru deux bonnes lieues en terrain difficile. Mais peu à peu son visage s'éclaira. Elle se souvenait maintenant que ce Jean de Blaisy était le cousin d'Ermengarde et cela lui rendait confiance. Et puis Gervais avait raison en disant qu'elle ne pouvait errer ainsi pendant des jours et des jours.

La trahison de Pâquerette pouvait se reproduire. Garin était riche. Quelques sacs d'or ne lui coûteraient pas pour reprendre sa victime. Elle tendit la main au vieillard.

— Tu as raison. J'irai à Saint-Seine. Mais toi, si tu vois revenir au village un jeune homme vêtu de vert, un chevaucheur de la Grande Écurie...

— Je sais, coupa Gervais brusquement, l'amant de Pâquerette. Je lui dirai où tu es. Car il doit revenir te chercher, n'est-ce pas ?

— Il doit revenir, en effet. Maintenant, je veux te dire merci. Je n'ai rien pour te prouver ma gratitude, mais plus tard, peut-être, je pourrai le faire et...

Gervais lui coupa la parole d'un geste sec.

— Je ne te demande rien et ne veux rien. En te sauvant, j'ai seulement réparé le mal que Pâquerette m'avait fait commettre. Nous sommes quittes.

Je te souhaite d'être heureuse.

Ayant dit, le vieillard s'éloigna rapidement, revenant sur ses pas. Catherine et Sara virent sa silhouette imposante se dissoudre parmi les arbres. Elles se retrouvèrent seules auprès du ruisseau tumultueux.

— Allons ! fit seulement Sara.

Et, la première, elle s'engagea dans le chemin de pierres qui franchissait les eaux blanches. Le passage du gué s'effectua sans encombre. Parvenues sur l'autre rive, les deux femmes mangèrent un peu de pain que Gervais leur avait remis, burent de l'eau du ruisseau et se trouvèrent prêtes à se remettre en marche. Sara coupa deux fortes branches avec le couteau qu'elle avait toujours sur elle, en fit deux bâtons et donna l'un à Catherine.

— Nous avons encore deux lieues à faire et le chemin est difficile, dit-elle. Lentement, l'une derrière l'autre, elles commencèrent à remonter la pente du val du Suzon en direction de Saint-Seine. Le soleil se levait, le premier vrai soleil depuis tant de jours. Bientôt ses rayons enveloppèrent la terre encore transie d'une belle couleur dorée qui magnifiait toutes choses.

Quelques heures plus tard, au creux profond d'un plissement du plateau de Haute Bourgogne où courait une petite rivière, Catherine et Sara, exténuées mais heureuses, découvraient les grands toits gris de l'abbaye de Saint-Seine, la haute tour carrée couronnée d'échafaudages de l'église abbatiale et, tout auprès, comme une couvée de poussins auprès d'une mère poule grise et blanche, le moutonnement doux des toits brunis d'où s'échappaient de minces panaches de fumée.

— Nous sommes arrivées, fit Sara. Il était temps, je n'en pouvais plus !

Elles descendirent le versant pelé du coteau, les yeux fixés sur la tour que les ouvriers abandonnaient. Les cloches appelaient les moines à quelque office, égrenant dans l'air calme leurs notes hautes et graves. Malgré un peu de repos pris vers le milieu du jour, Catherine ne sentait plus ses pieds. Les souliers qu'elle tenait de Pâquerette avaient plus d'un trou et chaque pas lui causait une souffrance. Mais la terreur de Garin était plus forte que toutes les douleurs. Elle courait presque, malgré l'écrasante fatigue, en dévalant la pente qui menait au couvent, avide du refuge des hauts murs et d'un peu de paille où s'étendre.

Une demi-heure plus tard, les deux fugitives s'écroulaient plutôt qu'elles ne s'agenouillaient devant le vantail de chêne noir armé de fer de la porterie.

Les femmes du village avaient regardé avec méfiance ces deux créatures aux vêtements déchirés par toutes les ronces de la grande forêt, aux visages salis et tirés par la fatigue. On s'attroupait, on les regardait et à travers les rues du village on les suivait. Des gamins déjà ramassaient des pierres pour les leur jeter. Catherine sentit la menace qui pesait sur elle et sur Sara. On n'aimait pas les vagabonds dans cette bourgade riche, aux poulaillers bien garnis, aux jardins bien entretenus. Et Sara avec ses cheveux bleus, son teint bistré n'inspirait pas confiance. La peur, toujours latente au fond de son âme depuis son enlèvement, s'enfla en Catherine comme un vent de tempête. Elle se pelotonna contre Sara, baissant la tête pour éviter la première pierre qu'un gamin aux joues rouges lançait déjà. Elles étaient prises entre les paysans qui les entouraient et la porte close de l'abbaye vers laquelle elles tournaient des yeux affolés. Derrière la petite fenêtre étroite de la tour, Sara crut voir la tête rase d'un moine. Entourant les épaules de Catherine d'un bras, elle cria d'une voix enrouée :

— Asile... Pour l'amour de Dieu ! Asile !

Une autre pierre tomba. Mais, lentement, le lourd portail tournait sur ses gonds. La silhouette austère d'un moine en robe noire, un scapulaire sur les épaules, apparut. La troisième pierre lancée contre les deux femmes vint rouler à ses pieds. Il la repoussa de sa sandale, laissant peser sur les gamins et les commères un regard sévère, puis s'approcha du groupe lamentable et terrorisé que formaient Catherine et Sara dans les bras l'une de l'autre.

— Entrez ! fit-il d'une voix grave. L'asile vous est ouvert !

Mais cette ultime frayeur avait eu raison de la résistance de la jeune femme. Il fallut l'emporter, évanouie, jusqu'à la maison des hôtes du monastère.

Jean de Blaisy, abbé de Saint-Seine, était bien tel que Gervais l'avait décrit : d'une charité sans limite. Deux femmes avaient demandé asile, il leur accordait sans condition le refuge de son monastère. Mais en apprenant que l'une des deux mendiantes admises à la maison-Dieu, enclose dans l'abbaye pour le réconfort du pèlerin et les soins aux malades, demandait à lui parler, il montra quelque étonnement. Malgré la tonsure et la bure noire qui le vêtait, il demeurait un homme de haute naissance et n'était pas complètement parvenu à se défaire d'un sentiment de distance envers les gens de basse caste, les misérables, dont, cependant, au jour du Jeudi Saint, il lavait lui-même les pieds, humblement agenouillé dans la poussière. Pourtant, comme l'étrangère se réclamait de sa cousine Ermengarde de Châteauvillain, il donna l'ordre qu'elle fût conduite à l'église où il la rencontrerait, le lendemain matin, après avoir dit sa messe.

Tandis qu'il achevait l'office divin, Catherine s'était tapie contre l'une des pierres tombales dressées le long du mur et attendait patiemment. Quand elle vit s'avancer vers elle le grand moine-seigneur, si imposant dans l'austère froc noir d'où émergeait une tête étroite cerclée d'une mince couronne de cheveux gris et dont le profil était celui d'un oiseau de proie, elle tomba à genoux mais ne baissa pas la tête. Debout devant elle, les mains dans les manches de sa robe, l'abbé considéra avec attention le visage menu entre les lourdes nattes blondes.

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