Le Parfum De La Dame En Noir
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On retrouve dans Le Parfum de la dame en noir tous les personnages du fameux Myst?re de la chambre jaune.
Gr?ce ? Rouletabille, le mariage de Robert Darzac et de Mathilde Stangerson a enfin eu lieu et la mort de leur ennemi est officiellement constat?e. A peine partie en voyage de noces, cependant, la belle Mathilde appelle Rouletabille ? son secours. Leur impitoyable ennemi est r?apparu! La situation devient alors angoissante: disparition, crime… Le myst?re s'?paissit. Le jeune reporter Rouletabille aura besoin de tout son flair et de son intelligence hors pair pour venir ? bout de cette v?ritable " histoire du diable ".
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– Ils auraient pu l’être, s’écria, ironique, et désespéré, M. Darzac… ils auraient pu l’être par ce simple raisonnement que, si j’avais été Larsan, possédant Mlle Stangerson, devenue ma femme, j’avais tout intérêt à continuer à faire croire à la mort de Larsan! Et je ne me serais point ressuscité!… N’est-ce point du jour où Larsan est revenu au monde, que j’ai perdu Mathilde?…
– Pardon! monsieur, pardon! répliqua cette fois Rouletabille, qui était devenu plus blanc qu’un linge… Vous abandonnez encore une fois, si j’ose dire, le bon bout de la raison!… Car celui-ci nous montre tout le contraire de ce que vous croyez apercevoir!… Moi, j’aperçois ceci: c’est que, lorsqu’on a une femme qui croit ou qui est très près de croire que vous êtes Larsan, on a tout intérêt à lui montrer que Larsan existe en dehors de vous!»
En entendant cela, la Dame en noir se glissa contre la muraille, arriva haletante jusqu’aux côtés de Rouletabille, et dévora du regard la face de M. Darzac, qui était devenue effroyablement dure. Quant à nous, nous étions tous tellement frappés de la nouveauté et de l’irréfutabilité du commencement de raisonnement de Rouletabille que nous n’avions plus que l’ardent désir d’en connaître la suite, et nous nous gardâmes de l’interrompre, nous demandant jusqu’où pourrait aller une aussi formidable hypothèse! Le jeune homme, imperturbable, continuait…
«Mais si vous aviez intérêt à lui montrer que Larsan existait en dehors de vous, il est un cas où cet intérêt se transformait en une nécessité immédiate. Imaginez… je dis imaginez, mon cher Monsieur Darzac, que vous ayez réellement ressuscité Larsan, une fois, une seule, malgré vous, chez vous, aux yeux de la fille du professeur Stangerson, et vous voilà, je dis bien, dans la nécessité de le ressusciter encore, toujours, en dehors de vous… pour prouver à votre femme que ce Larsan ressuscité n’est pas en vous! Ah! calmez-vous, mon cher Monsieur Darzac!… je vous en supplie… Puisque je vous ai dit que mes soupçons ont été chassés, définitivement chassés!… C’est bien le moins que nous nous amusions à raisonner un peu, après de pareilles angoisses où il semblait qu’il n’y eût point de place pour aucun raisonnement… Voyez donc où je suis obligé d’en venir, en considérant comme réalisée l’hypothèse (ce sont là procédés de mathématiques que vous connaissez mieux que moi, vous qui êtes un savant), en considérant, dis-je, comme réalisée l’hypothèse de la manifestation Darzac, qui est vous cachant Larsan. Donc, dans mon raisonnement, vous êtes Larsan! Et je me demande ce qui a bien pu arriver en gare de Bourg pour que vous apparaissiez à l’état de Larsan aux yeux de votre femme. Le fait de la résurrection est indéniable. Il existe. Il ne peut s’expliquer à ce moment par votre volonté d’être Larsan!…»
M. Darzac n’interrompait plus.
«Comme vous dites, Monsieur Darzac, poursuivait Rouletabille, c’est à cause de cette résurrection-là que le bonheur vous échappe… Donc, si cette résurrection ne peut être volontaire, elle n’a plus qu’une façon d’être… c’est d’être accidentelle!… Et voyez comme toute l’affaire est éclaircie… Oh! j’ai beaucoup étudié l’incident de Bourg… je continue à raisonner… ne vous épouvantez pas… Vous êtes à Bourg, dans le buffet… Vous croyez que votre femme, ainsi qu’elle vous l’a annoncé, vous attend hors de la gare… Ayant terminé votre correspondance, vous éprouvez le besoin d’aller dans votre compartiment, faire un peu de toilette… jeter le coup d’œil du maître ès camouflage sur votre déguisement. Vous pensez: encore quelques heures de cette comédie, et, passé la frontière, dans un endroit où elle sera bien à moi, définitivement à moi, je mettrai bas le masque… Car ce masque, tout de même, il vous fatigue… et si bien vous fatigue-t-il, ma foi, que, arrivé dans le compartiment, vous vous accordez quelques minutes de repos… Vous l’enlevez donc!… Vous vous soulagez de cette barbe menteuse et de vos lunettes, et, juste dans le même moment, la porte du compartiment s’ouvre… Votre femme, épouvantée, ne prend que le temps de voir cette face sans barbe dans la glace, la face de Larsan, et de s’enfuir, en poussant une clameur épouvantée… Ah! vous avez compris le danger!… Vous êtes perdu si, immédiatement, votre femme, ailleurs, ne voit pas Darzac, son mari. Le masque est vite remis, vous descendez à contre-voie par la glace du coupé et vous arrivez au buffet avant votre femme qui accourt vous y chercher!… Elle vous trouve debout… Vous n’avez pas même eu le temps de vous rasseoir… Tout est-il sauvé? Hélas! non… Votre malheur ne fait que commencer… Car l’atroce pensée que vous êtes peut-être ensemble Darzac et Larsan ne la quitte plus. Sur le quai de la gare, en passant sous un bec de gaz, elle vous regarde, vous lâche la main et se jette comme une folle dans le bureau du chef de gare… Ah! vous avez encore compris! Il faut chasser l’abominable pensée tout de suite… Vous sortez du bureau et vous refermez précipitamment la porte, et, vous aussi, vous prétendez que vous venez de voir Larsan! Pour la tranquilliser, et pour nous tromper aussi, dans le cas où elle oserait nous dévoiler sa pensée… vous êtes le premier à m’avertir… à m’envoyer une dépêche!… Hein? comme, éclairée de ce jour, toute votre conduite devient nette! Vous ne pouvez lui refuser d’aller rejoindre son père… Elle irait sans vous!… Et, comme rien n’est encore perdu, vous avez l’espoir de tout rattraper… Au cours du voyage, votre femme continue à avoir des alternatives de foi et de terreur. Elle vous donne son revolver, dans une sorte de délire de son imagination, qui pourrait se résumer dans cette phrase: «Si c’est Darzac, qu’il me défende! et, si c’est Larsan, qu’il me tue!… Mais que je cesse de ne plus savoir!» Aux Rochers Rouges, vous la sentez à nouveau si éloignée de vous que, pour la rapprocher, vous lui remontrez Larsan!… Voyez-vous, mon cher Monsieur Darzac! Tout cela s’arrangeait très bien dans ma pensée… et il n’y avait point jusqu’à votre apparition de Larsan, à Menton, pendant votre voyage de Darzac à Cannes, pendant que vous vîntes au-devant de nous, qui ne pouvait le plus bêtement du monde s’expliquer. Vous auriez pris le train devant vos amis à Menton-Garavan, mais vous en seriez descendu à la station suivante qui est celle de Menton et, là, après un court séjour nécessaire dans votre vestiaire urbain, vous apparaissiez à l’état de Larsan à vos mêmes amis venus en promenade à Menton. Le train suivant vous remportait vers Cannes, où nous nous rencontrâmes. Seulement, comme vous eûtes, ce jour-là, le désagrément d’entendre, de la bouche même d’Arthur Rance qui était, lui aussi, venu au-devant de nous à Nice, que Mme Darzac n’avait pas vu cette fois Larsan et que votre exhibition du matin n’avait servi de rien, vous vous obligeâtes, le soir même, à lui montrer Larsan, sous les fenêtres mêmes de la Tour Carrée, devant lesquelles passait la barque de Tullio!… Et voyez, mon cher Monsieur Darzac, comme les choses, en apparence, les plus compliquées, devenaient tout à coup simples et logiquement explicables si, par hasard, mes soupçons devaient être confirmés!»
À ces mots, moi-même qui avais cependant vu et touché l’Australie, je ne pus m’empêcher de frissonner en regardant presque avec apitoiement Robert Darzac, comme on regarde un pauvre homme sur le point de devenir la victime de quelque effroyable erreur judiciaire. Et tous les autres, autour de moi, frissonnèrent également pour lui ou à cause de lui, car les arguments de Rouletabille devenaient si terriblement possibles que chacun se demandait comment, après avoir si bien établi la possibilité de la culpabilité, il allait pouvoir conclure à l’innocence. Quant à Robert Darzac, après avoir monté la plus sombre agitation, il s’était à peu près calmé, écoutant le jeune homme, et il me sembla qu’il ouvrait ces yeux étonnants, extravagants, au regard affolé, mais très intéressé, qu’ont les accusés au banc d’assises quand ils entendent M. le procureur général prononcer un de ces admirables réquisitoires qui les convainquent eux-mêmes d’un crime que, quelquefois, ils n’ont pas commis! La voix avec laquelle il parvint à prononcer les mots suivants n’était plus une voix de colère, mais de curieux effroi, la voix d’un homme qui se dit: «Mon Dieu! à quel danger, sans le savoir, ai-je bien pu échapper!»