LEmpire des anges
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Que pensent les anges de nous? Que peuvent-ils faire pour nous aider? Qu'attendent-ils de l'humanit? en g?n?ral? Lorsque Michael Pinson (stupidement tu? dans un accident d'avion percutant un immeuble) a pass? avec succ?s l'?preuve de la «pes?e des ?mes», il a acc?d? au royaume des anges. Mais pass? le premier ?merveillement, il d?couvre l'ampleur de la t?che. Le voil? charg? de trois mortels, qu'il devra d?sormais guider et aider tout au long de leur vie. Ses moyens d'action: les r?ves, les signes, les m?diums, les intuitions, les chats. Cependant, il est oblig? de respecter le libre arbitre des hommes. Il s'aper?oit que ceux-ci essaient de r?duire leur malheur au lieu de construire leur bonheur. Que faire pour leur montrer la voie? Et puis comment s'occuper intelligemment au Paradis, un endroit bien sympathique mais sans cin?ma, sans musique, sans restaurant? Apr?s Les Thanatonautes, Bernard Werber nous donne une fois de plus ? r?fl?chir sur notre statut d'?tre humain, en m?langeant sagesse ancienne, philosophie moderne et humour. En suivant l'initiation d'un ange, on d?couvre une perspective ?tonnante ? notre ?tat de simple mortel. Un livre ?tonnant, foisonnant d'id?es. Un roman l?ger qui porte ? r?fl?chir. Val?rie Colin-Simard, Psychologies.
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— Dix mille, annonce-t-il comme agacé.
— Dix mille cinquante. Cette fortune, je ne l'ai pas. Si je perds cette partie, j'en aurai pour des années à rembourser ma dette à ce père qui ne m'a jamais rien donné.
— Vingt mille.
— Vingt mille cinquante.
Enfin la masse de cheveux gris bouge et pivote. Il me regarde enfin. Je le vois de près. Il a les mêmes moustaches en guidon de vélo que sur la photo que j'ai gardée sur moi. Il n'est pas beau. Il a l'air d'avoir eu beaucoup de soucis. Je tente de saisir ce que maman a pu lui trouver. Il me fixe pour tenter de comprendre. Ses yeux sont gris, ils n'expriment pratiquement rien.
— Trente mille.
— Trente mille cinquante.
Murmures alentour. Alléchés par la hauteur de nos mises, des joueurs ont abandonné leurs tables pour s'amasser autour de la nôtre. La rumeur court.
Mon père me regarde droit dans les yeux. Je soutiens son regard. Je m'autorise même un infime sourire. Je transpire trop. Autour de nous, les gens se taisent et retiennent leur souffle.
— Cinquante mille.
— Cinquante mille cinquante.
Si je perds, je n'ai plus qu'à vendre mon sang et mes organes. J'espère que mon ange gardien a bien observé la partie depuis le début et qu'il ne va pas me laisser tomber. Saint Igor, je compte sur toi.
— Suivi? interroge le croupier.
— Cinquante mille cinquante… pour voir, dit monpère.
Il ne surenchérit plus. Terminé le suspense, c'est le moment de retourner les cartes. Une à une, il retourne les siennes. Il a une paire de valets. Seulement une paire de valets. Et moi, qu'ai-je? Un huit de trèfle. Un as de pique. Un roi de carreau. Une dame de cœur. Pour l'instant ça veut dire que dalle. Je n'ai plus qu'à retourner la dernière carte…
Le silence est lourd.
Une dame de trèfle.
Saint Igor merci. J'ai une paire de dames! Vassili, tu es le meilleur. J'ai gagné. De justesse, mais je l'ai eu. J'ai battu mon père! Le loup a mangé le serpent! Je hurle le cri des Loups. Très fort. Personne n'ose rien dire. Puis, j'éclate d'un grand rire. Je ris, je ris, je ris.
La petite foule autour de la table se disperse, écœurée.
Merci saint Igor. Merci Vassili. La preuve est faite que le poker n'est qu'une affaire de psychologie. On peut très bien y jouer sans cartes. Je suis fou de joie.
Mon père me dévisage intensément. Il se demande qui est ce jeune homme qui l'a terrassé. Il sent qu'il y a anguille sous roche. Tous mes gènes hurlent: «Je suis une prolongation de ta chair que tu as refusée et qui maintenant se retourne contre toi!»
J'empoche les billets qu'il me tend. Et, en plus, je suis riche. Le voilà, mon héritage.
Il est sur le point de parler. Je sens qu'il a envie de parler. Il va me poser une question. Nous allons discuter. Je lui parlerai de maman. Et puis non. Sa bouche frémit. Il ne dit rien et s'en va.
144. VENUS. 22 ANS
Je déplie le journal et découvre en première page la nouvelle: Cynthia a eu un accident de voiture. Je lis les détails. Un chat a traversé inopinément la route. Le chauffeur a braqué pour éviter l'animal et a percuté un réverbère. Le chauffeur est indemne car il avait attaché sa ceinture de sécurité. Cynthia, qui n'avait pas jugé bon de prendre cette précaution, est allée droit dans le pare-brise feuilleté. Ses jours ne sont pas en danger, mais les éclats de verre l'ont défigurée.
Le soir, je fête l'événement avec mon agent. Billy Watts me présente une invité-surprise. Ludivine, la médium qui lui avait annoncé ma réussite.
Ludivine est une femme aux allures de grosse paysanne directement sortie de sa campagne. Le cheveu blanc, la poitrine immense, elle parle avec un fort accent. Elle sent le chou.
Pourquoi les anges utiliseraient-ils des gens aussi quelconques pour parler aux hommes? Mystère. Mais comme sa prophétie s'est révélée juste, je l'écoute.
Elle lit dans les lignes de ma main. La médium me dit que, pour moi, être mannequin n'est qu'une étape.
Je deviendrai aussi une célèbre actrice. Et ce n'est pas tout. Je vais connaître une vrai grande histoire d'amour comme on n'en rencontre que rarement dans une vie.
— Et pour moi, demande Billy Watts, avide comme un drogué réclamant sa dose, dans le futur vous voyez quoi?
145. RIEN
Rien.
Il n'y a rien. Rien de rien.
Mes trois amis ont continué les virées dans l'espace pendant que je surveillais docilement mes clients. Ils n'ont rien trouvé. Nous nous réunissons dans le coin sud du Paradis. Je suis content de ne pas avoir continué à perdre mon temps dans ces vaines expéditions.
— Nous avons peut-être atteint notre limite de compétence, soupire Marilyn Monroe. Quand je pense que, jadis, les humains redoutaient d'être envahis par des extraterrestres qu'ils s'imaginaient méchants ou terrifiants. Si seulement… ils pouvaient exister!
Freddy se lève. Je le connais bien. Quand il s'agite comme ça, c'est qu'il a une idée. Il frétille comme un chien d'arrêt qui aurait flairé sa proie.
— Attendez… attendez, attendez, attendez. Vous connaissez l'histoire du type qui a perdu la nuit ses clefs dans la rue?
Raoul affiche une expression qui indique clairement qu'il n'a pas le cœur à entendre des blagues. Freddy poursuit, imperturbable:
— Eh bien, il cherche ses clefs sous un réverbère. Un autre type le rejoint et l'aide à chercher. Il lui demande: «Mais vous êtes sûr de les avoir perdues là?» «Non», répond l'autre. «Alors pourquoi vous les cherchez ici?» «Parce que sous le réverbère, au moins, il y a de la lumière.»
Personne ne rit. Nous ne voyons pas le rapport avec nos propres recherches.
— Notre erreur est peut-être de nous être limités dans nos explorations, dit Freddy. On cherche là où ça nous est facile de chercher. Comme ce type qui cherche ses clefs à la lueur du réverbère.
— Mais nous n'avons pas de limites, proteste Mari-lyn. Nous avons voyagé sur des milliards de kilomètres à la vitesse de la lumière.
— Nous nous sommes limités! insiste le rabbin alsacien. Nous sommes comme des microbes dans un bocal. Nous avons l'impression de parcourir des distances incroyables, mais nous restons toujours dans le même bocal. Alors qu'on pourrait en sortir. Aller voir… au-delà.
Je ne comprends pas où notre ami veut en venir. A priori, si loin que nous allions, nous ne rencontrerons pas de paroi de verre nous marquant une frontière.
— Et c'est quoi, notre «bocal»? demandé-je.
— Notre galaxie.
— Nous avons visité tout au plus 0,1 % des planètes susceptibles d'être habitées dans la Voie lactée. Pourquoi irions-nous chercher ailleurs? demande Marilyn.
Raoul Razorbak fronce ses sourcils épais. Lui semble saisir l'idée de Freddy.
— Mais oui, bien sûr! Chez nous, le Paradis est situé au centre de la Galaxie. Peut-être que dans les autres galaxies il y a d'autres paradis également situés au centre.
J'aime ces instants d'ébullition intellectuelle où, brusquement, l'écran de notre imaginaire s'agrandit un peu.
— Freddy a raison, répète Raoul. Il faut sortir de notre galaxie. Il n'y a peut être qu'une seule planète dotée de conscience par galaxie… La nature créerait donc à chaque fois deux cents milliards de planètes pour n'en doter qu'une seule de vie et de conscience? Quel… gaspillage!
Cela a en tout cas l'avantage d'expliquer pourquoi on n'a rien trouvé.
— Le problème, dit Freddy, c'est que si la distance entre deux étoiles est déjà immense, la distance entre deux galaxies est encore plus considérable, des millions d'années-lumière.
— Sommes-nous à même d'accomplir de tels parcours? demande Marilyn Monroe.
Raoul répond du tac au tac.
— Sans problème. Nous pouvons encore voyager beaucoup plus vite.
Je perçois les implications d'un si grand voyage. Visiter une autre galaxie équivaut à abandonner mes clients pendant une période qui risque d'être quand même très longue.