-->

La litterature sans estomac

На нашем литературном портале можно бесплатно читать книгу La litterature sans estomac, Jourde Pierre-- . Жанр: Современная проза. Онлайн библиотека дает возможность прочитать весь текст и даже без регистрации и СМС подтверждения на нашем литературном портале bazaknig.info.
La litterature sans estomac
Название: La litterature sans estomac
Автор: Jourde Pierre
Дата добавления: 16 январь 2020
Количество просмотров: 245
Читать онлайн

La litterature sans estomac читать книгу онлайн

La litterature sans estomac - читать бесплатно онлайн , автор Jourde Pierre

Par calcul ou par b?tise, des textes indigents sont promus au rang de chefs d’?uvre. Leur fabrication suit des recettes assez simples. Pierre Jourde en donne quelques-unes. Il montre comment on fait passer le mani?risme pour du style et la pauvret? pour de la sobri?t?. Cette "litt?rature sans estomac m?lange platitudes, niaiseries sentimentales et pr?occupations v?tilleuses chez Christian Bobin, Emmanuelle Bernheim ou Camille Laurens. Il existe aussi des vari?t?s moins ?dulcor?es d’insignifiance, une litt?rature ? l’?pate, chez Darrieusecq, Fr?d?ric Beigbeder ou Christine Angot. La v?h?mence factice y fait prolif?rer le clich?. Ce livre renoue avec le genre du pamphlet et s’enthousiasme pour quelques auteurs qui ne sont pas des fabricants de livres, mais des ?crivains. En pr?lude ? ces vigoureuses relectures, un sort particulier est fait au symbole par excellence de cette confusion des valeurs, Philippe Sollers, ainsi qu’? son "organe officiel", le suppl?ment litt?raire d’un prestigieux journal du soir.

Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала

1 ... 44 45 46 47 48 49 50 51 52 ... 62 ВПЕРЕД
Перейти на страницу:

La tirade prend volontiers la forme du récit autobiographique: quelqu'un y raconte sa vie (dans Le Monologue d'Adramélech, les monologues du Discours aux animaux ou de Vous qui habitez le temps) comme si la succession des événements dessinait une façon très spéciale d'être au monde. Ainsi dans Je suis:

Ainsi s'écoula ma huitième année de sixième mixte. En septième, maîtresse Richard Blancarde, qui refusait de me présenter à l'examen d'entrée pour sortir de la septième, me mit dans la rangée des cancres avec Buisson-et-Michaud. «Tout ça, dit-elle, mon cher Jean Rien, te fera passer le goût du pain.» Le goût du temps, je l'avais dépassé depuis longtemps, car je n'étais, à l'époque, déjà même plus moi-même. Mis en usine métrique, chez Madame Soupape, de Saigon, je me fiançai un soir de juin à une Christine Pébroque qui n'exista pas.

Une pièce de Novarina paraît donc accumuler des détails, une poussière d'individus, de lieux dépourvus de liens. En les accumulant, cependant, il les vide et les épuise. L'excès de singularité débouche sur autre chose que la singularité. D'un côté, à force de spécialiser les identités, les fonctions, la particularité s'amenuise jusqu'à n'avoir presque plus de contenu et de sens. Ce qui serait absolument particulier ne serait plus rien. De l'autre, les litanies égarent la singularité dans le nombre, et semblent ne jamais devoir s'arrêter. On dirait que l'infini suggéré par la quantité impossible à lire et quasi impossible à dire absorbe tout ce que donne le nom. Les personnages se nomment volontiers Jean, ou pire, Jean Singulier. Le nom propre est commun: Jean, dans certaines locutions, ou dans le parler paysan, c'est «n'importe qui», «quelqu'un». Le nom commun est singulier. Jean Singulier nomme la banalité de toute identité. Dans le monologue, le propre se perd dans sa propre extension. Dans la nomination, il se rétracte jusqu'à disparaître.

La parole ne représente pas une récupération de l'individu par lui-même, maîtrise, domination de soi dans la réflexivité, mais une désappropriation. On parle comme on se vide, on bavarde bêtement. La parole n'exprime pas le propre, elle le dépense. De même, si le nom inventé désigne une singularité irréductible, c'est en lui ôtant tout contenu. Ce qu'il nomme n'existe pas et ne correspond à aucune possibilité d'être. Le Moi finit même par se confondre avec un matériau. Je suis «en bois de moi» (l'expression revient sans cesse). De même que Jean est le matériau indifférent du prénom, le bois vaut pour toute espèce de matière première. Tout en incarnant l'épaisseur et la solidité rêvée de l'identité, ils la détachent du sujet. L'identité est un matériau: tout individu est autre chose que ce dont il est constitué. Dans L'Opérette imaginaire, des personnages occupés à se courtiser, poussent à l'extrême le paradoxe loufoque: dire un être dans ce qu'il a de particulier, c'est le vider de sa particularité. Il s'agit, pour chacun de ces personnages, d'exprimer son amour à l'autre, c'est-à-dire de s'extasier devant ce qu'il est:

la dame autocéphale: – Ce que je veux, c'est ton splendide pancréasse, j'en ai jamais vu des comme çasse…

l'ouvrier ouiceps: – Ce que je veux, c'est ta rate fleurie-e, qui s'exclaffe-e, chaque fois que tu ris…

la dame autocéphale: – Ce que je veux, c'est tes doubles poumons, qui s'déplient en accordéons…

l'ouvrier ouiceps: – Ce que je veux, c'est ton museau de tanche, au p'tit conduit si tellement étanche… […]

le valet de carreau: – Ce que je veux, c'est ton conduit des frères Gerbault qui m'ont toujours fait saliver l'museau…

la dame autocéphale: – Ce que je veux, c'est ton creux poplité, qu'est si commode pour pas tomber… […]

le valet de carreau: – Ce que je veux, c'est ta gouttière costale prolongeant d'façon si vespérale mon isthme pharingo-nasal…

la dame autocéphale: – Ce que je veux, c'est ton tubercule préco-tyloïdien volant au secours d'mon faisceau cubito-carpien…

le valet de carreau: – Reine de toutes les femmes! Bergère intra-muros! Lumière in octavo! Poussière de bas en haut!

la dame autocéphale: – Prolifération théurgique!

le valet de carreau: – Visage de visages! Sidération consistante! Faon de bichitude!

la dame autocéphale: – Vase de vertu! Urgence première!

le valet de carreau: – Transifuge superpérante! Monade canonique! Sphère parthénopéenne! Vastitude autorégulée! Lenteur à toute allure!

la dame autocéphale: – Fulgurance tonique! Clairon révolutionnaire! Avalanche plausible!

le valet de carreau: – Panneau fortipérant! Epizootie vivifiante! Automate imprévisible! Guêpe immarcescible!

la dame autocéphale: – Vierge inoculée! Maximum en toutes choses! Impression de déjà là!

le valet de carreau: – Espérance des pauvres! Beaucoup des sans-rien! Dilection de certitudes! Portefeuille de la république! Écho des songes!

D'un côté, l'objet d'amour s'égare dans l'infinitésimal et l'innombrable quantité de ses parties, représentée de manière saugrenue par les termes physiologiques. De l'autre, susceptible de recevoir toutes les qualifications, sa singularité (ce qui en lui est digne d'amour et engendre l'extase) équivaut à n'importe quoi (n'importe quoi qui s'exprime dans les étranges couples nom-adjectif): il est potentiellement tout. Le singulier apparaît ainsi comme un point absurde, à peu près intenable, entre le presque rien et le presque tout. Ainsi, logiquement, «une chose c'est rien», et «je me déguise en homme pour être rien». Ainsi, dans Le Monologue d'Adramélech, une absence de particularité peut-elle être extraordinaire, et un paysage décrit comme «extraordinairement peu vert».

Quelle joie bizarre éprouve-t-on à entendre des phrases telles que: «Tu sens la dune, la vie sans ombre, le chameau à perpétuité» ou «Par contre y m'dégoûte de manger des œufs de clown»? Dans la première phrase, les formules convenues, engluées de poésie métaphorique, par conséquent de dignité littéraire, finissent par engendrer un monstre, un objet à la fois consistant, lourd, dépourvu de toute idéalisation métaphorique, de tout arrière-sens, et pourtant totalement improbable: présence irréductible et dépourvue de justification. En entendant, au terme de la série, «le chameau à perpétuité», on se sent libéré, projeté dans une dimension particulière du réel où les choses en même temps pèsent de tout leur poids et cessent de vouloir rien dire, sinon l'étrangeté de leur présence. Dans la seconde phrase, la profession est prise comme une espèce. On est clown comme on serait dinde. En même temps, humiliée, animalisée, productive, elle se réduit à presque rien, un détail de basse-cour ou de gastronomie. La singularité est toujours clownesque.

L'allégresse engendrée par les pièces de Novarina et l'impression d'évidence qu'elles dispensent tiennent à ce double mouvement d'exacerbation et d'épuisement de la singularité, qui produit l'impression d'étrange familiarité: il est inépuisablement étrange que les choses singulières soient. Cette étrangeté les arrache à elles-mêmes. Le monde des pièces de Novarina n'est pas différent de celui que nous connaissons, il n'esquive ni la banalité ni la platitude, il ne détourne pas l'attention de l'insignifiance, bien au contraire, il va jusqu'au bout. Et dans cet extrême de la platitude et de la stupidité, on éprouve l'impression libératrice de sortir d'une vieille fiction, celle qui nous raconte que les choses sont ainsi, nécessairement, pour retrouver une dimension oubliée. Au plus intime de soi on trouve l'étrangeté à soi.

La démesure du théâtre de Novarina vise un paroxysme du jeu d'acteur, et l'épuisement, dans le personnage, par la profération, de l'intention de dire. Dans l'acte II de L'Opérette imaginaire, c'est tout le théâtre qui défile, parodié en bloc, avec ses répliques, ses mimiques, ses situations familières, mais vidées, stupides, coupées de toute motivation dans le contexte:

1 ... 44 45 46 47 48 49 50 51 52 ... 62 ВПЕРЕД
Перейти на страницу:
Комментариев (0)
название