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Les trois mousquetaires

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Les trois mousquetaires
Название: Les trois mousquetaires
Автор: Dumas Alexandre
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les trois mousquetaires - читать бесплатно онлайн , автор Dumas Alexandre

On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.

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Porthos et Aramis frémissaient de rage. Ils auraient volontiers étranglé M. de Tréville, si au fond de tout cela ils n’avaient pas senti que c’était le grand amour qu’il leur portait qui le faisait leur parler ainsi. Ils frappaient le tapis du pied, se mordaient les lèvres jusqu’au sang et serraient de toute leur force la garde de leur épée. Au-dehors on avait entendu appeler, comme nous l’avons dit, Athos, Porthos et Aramis, et l’on avait deviné, à l’accent de la voix de M. de Tréville, qu’il était parfaitement en colère. Dix têtes curieuses étaient appuyées à la tapisserie et pâlissaient de fureur, car leurs oreilles collées à la porte ne perdaient pas une syllabe de ce qui se disait, tandis que leurs bouches répétaient au fur et à mesure les paroles insultantes du capitaine à toute la population de l’antichambre. En un instant depuis la porte du cabinet jusqu’à la porte de la rue, tout l’hôtel fut en ébullition.

«Ah! les mousquetaires du roi se font arrêter par les gardes de M. le cardinal», continua M. de Tréville aussi furieux à l’intérieur que ses soldats, mais saccadant ses paroles et les plongeant une à une pour ainsi dire et comme autant de coups de stylet dans la poitrine de ses auditeurs. «Ah! six gardes de Son Éminence arrêtent six mousquetaires de Sa Majesté! Morbleu! j’ai pris mon parti. Je vais de ce pas au Louvre; je donne ma démission de capitaine des mousquetaires du roi pour demander une lieutenance dans les gardes du cardinal, et s’il me refuse, morbleu! je me fais abbé.»

À ces paroles, le murmure de l’extérieur devint une explosion: partout on n’entendait que jurons et blasphèmes. Les morbleu! les sangdieu! les morts de tous les diables! se croisaient dans l’air. D’Artagnan cherchait une tapisserie derrière laquelle se cacher, et se sentait une envie démesurée de se fourrer sous la table.

«Eh bien, mon capitaine, dit Porthos hors de lui, la vérité est que nous étions six contre six, mais nous avons été pris en traître, et avant que nous eussions eu le temps de tirer nos épées, deux d’entre nous étaient tombés morts, et Athos, blessé grièvement, ne valait guère mieux. Car vous le connaissez, Athos; eh bien, capitaine, il a essayé de se relever deux fois, et il est retombé deux fois. Cependant nous ne nous sommes pas rendus, non! l’on nous a entraînés de force. En chemin, nous nous sommes sauvés. Quant à Athos, on l’avait cru mort, et on l’a laissé bien tranquillement sur le champ de bataille, ne pensant pas qu’il valût la peine d’être emporté. Voilà l’histoire. Que diable, capitaine! on ne gagne pas toutes les batailles. Le grand Pompée a perdu celle de Pharsale, et le roi François Ier, qui, à ce que j’ai entendu dire, en valait bien un autre, a perdu cependant celle de Pavie.

– Et j’ai l’honneur de vous assurer que j’en ai tué un avec sa propre épée, dit Aramis, car la mienne s’est brisée à la première parade… Tué ou poignardé, monsieur, comme il vous sera agréable.

– Je ne savais pas cela, reprit M. de Tréville d’un ton un peu radouci. M. le cardinal avait exagéré, à ce que je vois.

– Mais de grâce, monsieur, continua Aramis, qui, voyant son capitaine s’apaiser, osait hasarder une prière, de grâce, monsieur, ne dites pas qu’Athos lui-même est blessé: il serait au désespoir que cela parvint aux oreilles du roi, et comme la blessure est des plus graves, attendu qu’après avoir traversé l’épaule elle pénètre dans la poitrine, il serait à craindre…»

Au même instant la portière se souleva, et une tête noble et belle, mais affreusement pâle, parut sous la frange.

«Athos! s’écrièrent les deux mousquetaires.

– Athos! répéta M. de Tréville lui-même.

– Vous m’avez mandé, monsieur, dit Athos à M. de Tréville d’une voix affaiblie mais parfaitement calme, vous m’avez demandé, à ce que m’ont dit nos camarades, et je m’empresse de me rendre à vos ordres; voilà, monsieur, que me voulez-vous?»

Et à ces mots le mousquetaire, en tenue irréprochable, sanglé comme de coutume, entra d’un pas ferme dans le cabinet. M. de Tréville, ému jusqu’au fond du cœur de cette preuve de courage, se précipita vers lui.

«J’étais en train de dire à ces messieurs, ajouta-t-il, que je défends à mes mousquetaires d’exposer leurs jours sans nécessité, car les braves gens sont bien chers au roi, et le roi sait que ses mousquetaires sont les plus braves gens de la terre. Votre main, Athos.»

Et sans attendre que le nouveau venu répondît de lui-même à cette preuve d’affection, M. de Tréville saisissait sa main droite et la lui serrait de toutes ses forces, sans s’apercevoir qu’Athos, quel que fût son empire sur lui-même, laissait échapper un mouvement de douleur et pâlissait encore, ce que l’on aurait pu croire impossible.

La porte était restée entrouverte, tant l’arrivée d’Athos, dont, malgré le secret gardé, la blessure était connue de tous, avait produit de sensation. Un brouhaha de satisfaction accueillit les derniers mots du capitaine et deux ou trois têtes, entraînées par l’enthousiasme, apparurent par les ouvertures de la tapisserie. Sans doute, M. de Tréville allait réprimer par de vives paroles cette infraction aux lois de l’étiquette, lorsqu’il sentit tout à coup la main d’Athos se crisper dans la sienne, et qu’en portant les yeux sur lui il s’aperçut qu’il allait s’évanouir. Au même instant Athos, qui avait rassemblé toutes ses forces pour lutter contre la douleur, vaincu enfin par elle, tomba sur le parquet comme s’il fût mort.

«Un chirurgien! cria M. de Tréville. Le mien, celui du roi, le meilleur! Un chirurgien! ou, sangdieu! mon brave Athos va trépasser.»

Aux cris de M. de Tréville, tout le monde se précipita dans son cabinet sans qu’il songeât à en fermer la porte à personne, chacun s’empressant autour du blessé. Mais tout cet empressement eût été inutile, si le docteur demandé ne se fût trouvé dans l’hôtel même; il fendit la foule, s’approcha d’Athos toujours évanoui, et, comme tout ce bruit et tout ce mouvement le gênait fort, il demanda comme première chose et comme la plus urgente que le mousquetaire fût emporté dans une chambre voisine. Aussitôt M. de Tréville ouvrit une porte et montra le chemin à Porthos et à Aramis, qui emportèrent leur camarade dans leurs bras. Derrière ce groupe marchait le chirurgien, et derrière le chirurgien, la porte se referma.

Alors le cabinet de M. de Tréville, ce lieu ordinairement si respecté, devint momentanément une succursale de l’antichambre. Chacun discourait, pérorait, parlait haut, jurant, sacrant, donnant le cardinal et ses gardes à tous les diables.

Un instant après, Porthos et Aramis rentrèrent; le chirurgien et M. de Tréville seuls étaient restés près du blessé.

Enfin M. de Tréville rentra à son tour. Le blessé avait repris connaissance; le chirurgien déclarait que l’état du mousquetaire n’avait rien qui pût inquiéter ses amis, sa faiblesse ayant été purement et simplement occasionnée par la perte de son sang.

Puis M. de Tréville fit un signe de la main, et chacun se retira, excepté d’Artagnan, qui n’oubliait point qu’il avait audience et qui, avec sa ténacité de Gascon, était demeuré à la même place.

Lorsque tout le monde fut sorti et que la porte fut refermée, M. de Tréville se retourna et se trouva seul avec le jeune homme. L’événement qui venait d’arriver lui avait quelque peu fait perdre le fil de ses idées. Il s’informa de ce que lui voulait l’obstiné solliciteur. D’Artagnan alors se nomma, et M. de Tréville, se rappelant d’un seul coup tous ses souvenirs du présent et du passé, se trouva au courant de sa situation.

«Pardon lui dit-il en souriant, pardon, mon cher compatriote, mais je vous avais parfaitement oublié. Que voulez-vous! un capitaine n’est rien qu’un père de famille chargé d’une plus grande responsabilité qu’un père de famille ordinaire. Les soldats sont de grands enfants; mais comme je tiens à ce que les ordres du roi, et surtout ceux de M. le cardinal, soient exécutés…»

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