Les Miserables Tome IV – Lidylle Rue Plumet Et Lepopee Rue Saint-Denis
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En 1832, Jean Valjean habite, avec Cosette, rue Plumet, Th?nardier est en prison, sa fille ?ponine, amoureuse de Marius, aide pourtant le jeune homme ? retrouver la trace d'une jeune fille rencontr?e au Luxembourg. Il s'agit de Cosette…
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Chez un cabaretier en face de la rue de Charonne on nommait des agents révolutionnaires. Le scrutin se faisait dans des casquettes.
Des ouvriers se réunissaient chez un maître d’escrime qui donnait des assauts rue de Cotte. Il y avait là un trophée d’armes formé d’espadons en bois, de cannes, de bâtons et de fleurets. Un jour on démoucheta les fleurets. Un ouvrier disait: – Nous sommes vingt-cinq, mais on ne compte pas sur moi, parce qu’on me regarde comme une machine. – Cette machine a été plus tard Quénisset [16].
Les choses quelconques qui se préméditaient prenaient peu à peu on ne sait quelle étrange notoriété. Une femme balayant sa porte disait à une autre femme: – Depuis longtemps on travaille à force à faire des cartouches. – On lisait en pleine rue des proclamations adressées aux gardes nationales des départements. Une de ces proclamations était signée: Burtot, marchand de vin.
Un jour, à la porte d’un liquoriste du marché Lenoir, un homme ayant un collier de barbe et l’accent italien montait sur une borne et lisait à haute voix un écrit singulier qui semblait émaner d’un pouvoir occulte. Des groupes s’étaient formés autour de lui et applaudissaient. Les passages qui remuaient le plus la foule ont été recueillis et notés. – «… Nos doctrines sont entravées, nos proclamations sont déchirées, nos afficheurs sont guettés et jetés en prison…».»La débâcle qui vient d’avoir lieu dans les cotons nous a converti plusieurs juste-milieu.» – «… L’avenir des peuples s’élabore dans nos rangs obscurs.» – «… Voici les termes posés: action ou réaction, révolution ou contre-révolution. Car, à notre époque, on ne croit plus à l’inertie ni à l’immobilité. Pour le peuple ou contre le peuple, c’est la question. Il n’y en a pas d’autre.» – «… Le jour où nous ne vous conviendrons plus, cassez-nous, mais jusque-là aidez-nous à marcher.» Tout cela en plein jour.
D’autres faits, plus audacieux encore, étaient suspects au peuple à cause de leur audace même. Le 4 avril 1832, un passant montait sur la borne qui fait l’angle de la rue Sainte-Marguerite et criait: Je suis babouviste! Mais sous Babeuf le peuple flairait Gisquet [17].
Entre autres choses, ce passant disait:
– «À bas la propriété! L’opposition de gauche est lâche et traître. Quand elle veut avoir raison, elle prêche la révolution. Elle est démocrate pour n’être pas battue, et royaliste pour ne pas combattre. Les républicains sont des bêtes à plumes. Défiez-vous des républicains, citoyens travailleurs.»
– Silence, citoyen mouchard! cria un ouvrier.
Ce cri mit fin au discours.
Des incidents mystérieux se produisaient.
À la chute du jour, un ouvrier rencontrait près du canal «un homme bien mis» qui lui disait: – Où vas-tu, citoyen? – Monsieur, répondait l’ouvrier, je n’ai pas l’honneur de vous connaître. – Je te connais bien, moi. Et l’homme ajoutait: Ne crains pas. Je suis l’agent du comité. On te soupçonne de n’être pas bien sûr. Tu sais que si tu révélais quelque chose, on a l’œil sur toi. – Puis il donnait à l’ouvrier une poignée de main et s’en allait en disant: – Nous nous reverrons bientôt.
La police, aux écoutes, recueillait, non plus seulement dans les cabarets, mais dans la rue, des dialogues singuliers:
– Fais-toi recevoir bien vite, disait un tisserand à un ébéniste.
– Pourquoi?
– Il va y avoir un coup de feu à faire.
Deux passants en haillons échangeaient ces répliques remarquables, grosses d’une apparente jacquerie:
– Qui nous gouverne?
– C’est monsieur Philippe.
– Non, c’est la bourgeoisie.
On se tromperait si l’on croyait que nous prenons le mot jacquerie en mauvaise part. Les Jacques, c’étaient les pauvres. Or ceux qui ont faim ont droit.
Une autre fois, on entendait passer deux hommes dont l’un disait à l’autre: – Nous avons un bon plan d’attaque.
D’une conversation intime entre quatre hommes accroupis dans un fossé du rond-point de la barrière du Trône, on ne saisissait que ceci:
– On fera le possible pour qu’il ne se promène plus dans Paris.
Qui, il? Obscurité menaçante.
«Les principaux chefs», comme on disait dans le faubourg, se tenaient à l’écart. On croyait qu’ils se réunissaient, pour se concerter, dans un cabaret près de la pointe Saint-Eustache. Un nommé Aug. -, chef de la Société des Secours pour les tailleurs, rue Mondétour, passait pour servir d’intermédiaire central entre les chefs et le faubourg Saint-Antoine. Néanmoins, il y eut toujours beaucoup d’ombre sur ces chefs, et aucun fait certain ne put infirmer la fierté singulière de cette réponse faite plus tard par un accusé devant la Cour des pairs:
– Quel était votre chef?
– Je n’en connaissais pas, et je n’en reconnaissais pas.
Ce n’étaient guère encore que des paroles, transparentes, mais vagues; quelquefois des propos en l’air, des on-dit, des ouï-dire. D’autres indices survenaient.
Un charpentier, occupé rue de Reuilly à clouer les planches d’une palissade autour d’un terrain où s’élevait une maison en construction, trouvait dans ce terrain un fragment de lettre déchirée où étaient encore lisibles les lignes que voici:
– «… Il faut que le comité prenne des mesures pour empêcher le recrutement dans les sections pour les différentes sociétés…»
Et en post-scriptum:
«Nous avons appris qu’il y avait des fusils rue du Faubourg-Poissonnière, n° 5 (bis), au nombre de cinq ou six mille, chez un armurier, dans une cour. La section ne possède point d’armes.»
Ce qui fit que le charpentier s’émut et montra la chose à ses voisins, c’est qu’à quelques pas plus loin il ramassa un autre papier également déchiré et plus significatif encore, dont nous reproduisons la configuration à cause de l’intérêt historique de ces étranges documents [18]:
Q C D E
u og a1 fe
Apprenez cette liste par cœur. Après, vous la déchirerez. Les hommes admis en feront autant lorsque vous leur aurez transmis des ordres.
Salut et fraternité.
L.
Les personnes qui furent alors dans le secret de cette trouvaille n’ont connu que plus tard le sous-entendu de ces quatre majuscules: quinturions, centurions, décurions, éclaireurs, et le sens de ces lettres: u og a1 fe qui était une date et qui voulait dire ce 15 avril 1832. Sous chaque majuscule étaient inscrits des noms suivis d’indications très caractéristiques. Ainsi: – Q. Bannerel. 8 fusils. 83 cartouches. Homme sûr. – C. Boubière. 1 pistolet. 40 cartouches. – D. Rollet. 1 fleuret. 1 pistolet. 1 livre de poudre. – E. Teissier. 1 sabre. 1 giberne. Exact. – Terreur 8 fusils, Brave, etc.