La Dame de Monsoreau Tome III
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Le dimanche gras de l'ann?e 1578, apr?s la f?te du populaire, et tandis que s'?teignaient dans les rues les rumeurs de la joyeuse journ?e, commen?ait une f?te splendide dans le magnifique h?tel que venait de se faire b?tir, de l'autre c?t? de l'eau et presque en face du Louvre, cette illustre famille de Montmorency qui, alli?e ? la royaut? de France, marchait l'?gale des familles princi?res. Cette f?te particuli?re, qui succ?dait ? la f?te publique, avait pour but de c?l?brer les noces de Fran?ois d'Epinay de Saint-Luc, grand ami du roi Henri III et l'un des favoris les plus intimes, avec Jeanne de Coss?-Brissac, fille du mar?chal de France de ce nom. Le repas avait eu lieu au Louvre, et le roi, qui avait consenti ? grand-peine au mariage, avait paru au festin avec un visage s?v?re qui n'avait rien d'appropri? ? la circonstance …' 'La Dame de Monsoreau' est, ? la suite de 'La Reine Margot', le deuxi?me volet du somptueux ensemble historique que Dumas ?crivit sur la Renaissance.
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– La porte a été forcée; dit en même temps le page d'Antraguet.
Antraguet jeta un coup d'œil de la porte à la fenêtre, et, saisissant l'échelle, il fut sur le balcon en une seconde.
Il plongea son regard dans la chambre.
– Qu'y a-t-il donc? demandèrent les autres, qui le virent chanceler et pâlir.
Un cri terrible fut sa seule réponse.
Livarot était monté derrière lui.
– Des cadavres! la mort! la mort partout! s'écria le jeune homme.
Et tous deux entrèrent dans la chambre.
Ribérac resta en bas, de peur de surprise.
Pendant ce temps, le maraîcher arrêtait, par ses exclamations, tous les passants.
La chambre portait partout les traces de l'horrible lutte de la nuit.
Les taches, ou plutôt une rivière de sang s'était étendue sur le carreau.
Les tentures étaient hachées de coups d'épées et de balles de pistolets.
Les meubles gisaient, brisés et rouges, dans des débris de chair et de vêtements.
– Oh! Remy, le pauvre Remy! dit tout à coup Antraguet.
– Mort? demanda Livarot.
– Déjà froid.
– Mais il faut donc, s'écria Livarot, qu'un régiment de reîtres ait passé par cette chambre!
En ce moment, Livarot vit la porte du corridor ouverte; des traces de sang indiquaient que, de ce côté aussi, avait eu lieu la lutte.
Il suivit les terribles vestiges, et vint jusqu'à l'escalier.
La cour était vide et solitaire.
Pendant ce temps, Antraguet, au lieu de le suivre, prenait le chemin de la chambre voisine.
Il y avait du sang partout: le sang conduisait à la fenêtre.
Il se pencha sur son appui, et plongea son œil effrayé sur le petit jardin.
Le treillage de fer retenait encore le cadavre livide et roide du malheureux Bussy.
À cette vue, ce ne fut pas un cri, mais un rugissement qui s'échappa de la poitrine d'Antraguet.
Livarot accourut.
– Regarde, dit Antraguet, Bussy mort!
– Bussy assassiné, précipité par une fenêtre! Entre, Ribérac, entre!
Pendant ce temps, Livarot s'élançait dans la cour, et rencontrait au bas de l'escalier Ribérac, qu'il emmenait avec lui.
Une petite porte, qui communiquait de la cour au jardin, leur donna passage.
– C'est bien lui! s'écria Livarot.
– Il a le poing haché, dit Ribérac.
– Il a deux balles dans la poitrine.
– Il est criblé de coups de dague.
– Ah! pauvre Bussy! hurlait Antraguet; vengeance! vengeance!
En se retournant, Livarot heurta un second cadavre.
– Monsoreau! cria-t-il.
– Quoi, Monsoreau aussi?
– Oui, Monsoreau percé comme un crible, et qui a eu la tête brisée sur le pavé.
– Ah ça, mais on a donc assassiné tous nos amis, cette nuit!
– Et sa femme, sa femme! cria Antraguet; Diane, madame Diane!
Personne ne répondit, excepté la populace, qui commençait à fourmiller autour de la maison.
C'est en ce moment que le roi et Chicot arrivaient à la hauteur de la rue Sainte-Catherine, et se détournaient pour éviter le rassemblement.
– Bussy! pauvre Bussy! s'écriait Ribérac désespéré.
– Oui, dit Antraguet, on a voulu se défaire du plus terrible de nous tous.
– C'est une lâcheté! c'est une infamie! crièrent les deux autres jeunes gens.
– Allons nous plaindre au duc! cria l'un d'eux.
– Non pas, dit Antraguet, ne chargeons personne du soin de notre vengeance; nous serions mal vengés, ami; attends-moi.
En une seconde il descendit, et rejoignit Livarot et Ribérac.
– Mes amis, dit-il, regardez cette noble figure du plus brave des hommes, voyez les gouttes encore vermeilles de son sang; celui-là nous donne l'exemple; celui-là ne chargeait personne du soin de le venger… Bussy! Bussy! nous ferons comme toi; et, sois tranquille, nous nous vengerons!
En disant ces mots, il se découvrit, posa ses lèvres sur les lèvres de Bussy; et, tirant son épée, il la trempa dans son sang.
– Bussy, dit-il, je jure sur ton cadavre que ce sang sera lavé dans le sang de tes ennemis!
– Bussy, dirent les autres, nous jurons de tuer ou de mourir!
– Messieurs, dit Antraguet, remettant son épée au fourreau, pas de merci, pas de miséricorde, n'est-ce pas?
Les deux jeunes gens étendirent la main sur le cadavre:
– Pas de merci, pas de miséricorde! répétèrent-ils.
– Mais, dit Livarot, nous ne serons plus que trois contre quatre.
– Oui, mais nous n'aurons assassiné personne, nous, dit Antraguet; et Dieu fera forts ceux qui sont innocents. Adieu, Bussy!
– Adieu, Bussy! répétèrent les deux autres compagnons.
Et ils sortirent, l'effroi dans l'âme et la pâleur au front, de cette maison maudite.
Ils y avaient trouvé, avec l'image de la mort, ce désespoir profond qui centuple les forces; ils y avaient recueilli cette indignation généreuse qui rend l'homme supérieur à son essence mortelle.
Ils percèrent avec peine la foule, tant, en un quart d'heure, la foule était devenue considérable.
En arrivant sur le terrain, ils trouvèrent leurs ennemis qui les attendaient, les uns assis sur des pierres, les autres pittoresquement campés sur les barrières de bois.
Ils firent les derniers pas en courant, honteux d'arriver les derniers.
Les quatre mignons avaient avec eux quatre écuyers.
Leurs quatre épées, posées à terre, semblaient attendre et se reposer comme eux.
– Messieurs, dit Quélus en se levant et en saluant avec une espèce de morgue hautaine, nous avons eu l'honneur de vous attendre.
– Excusez-nous, messieurs, dit Antraguet; mais nous fussions arrivés avant vous, sans le retard d'un de nos compagnons.