La Dame de Monsoreau Tome II
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Le dimanche gras de l'ann?e 1578, apr?s la f?te du populaire, et tandis que s'?teignaient dans les rues les rumeurs de la joyeuse journ?e, commen?ait une f?te splendide dans le magnifique h?tel que venait de se faire b?tir, de l'autre c?t? de l'eau et presque en face du Louvre, cette illustre famille de Montmorency qui, alli?e ? la royaut? de France, marchait l'?gale des familles princi?res. Cette f?te particuli?re, qui succ?dait ? la f?te publique, avait pour but de c?l?brer les noces de Fran?ois d'Epinay de Saint-Luc, grand ami du roi Henri III et l'un des favoris les plus intimes, avec Jeanne de Coss?-Brissac, fille du mar?chal de France de ce nom. Le repas avait eu lieu au Louvre, et le roi, qui avait consenti ? grand-peine au mariage, avait paru au festin avec un visage s?v?re qui n'avait rien d'appropri? ? la circonstance …' 'La Dame de Monsoreau' est, ? la suite de 'La Reine Margot', le deuxi?me volet du somptueux ensemble historique que Dumas ?crivit sur la Renaissance.
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XXIV Comment le roi nomma un chef qui n'était ni son altesse le duc d'Anjou ni monseigneur le duc de Guise.
Messieurs, dit le roi au milieu du plus profond silence, et après s'être assuré que d'Épernon, Schomberg, Maugiron et Quélus, remplacés dans leur garde par un poste de dix Suisses, étaient venus le rejoindre et se tenaient derrière lui; Messieurs, un roi entend également, placé qu'il est, pour ainsi dire, entre le ciel et la terre, les voix qui viennent d'en haut et les voix qui viennent d'en bas, c'est-à-dire ce que commande Dieu et ce que demande son peuple. C'est une garantie pour tous mes sujets, et je comprends aussi parfaitement cela, que l'association de tous les pouvoirs réunis en un seul faisceau pour défendre la foi catholique. Aussi ai-je pour agréable le conseil que nous a donné mon cousin de Guise. Je déclare donc la sainte Ligue bien et dûment autorisée et instituée, et, comme il faut qu'un si grand corps ait une bonne et puissante tête, comme il importe que le chef appelé à soutenir l'Église soit un des fils les plus zélés de l'Église, et que ce zèle lui soit imposé par sa nature même et sa charge, je prends un prince chrétien pour le mettre à la tête de la Ligue, et je déclare que désormais ce chef s'appellera…
Henri fit à dessein une pause.
Le vol d'un moucheron eût fait événement au milieu de l'immobilité générale.
Henri répéta.
– Et je déclare que ce chef s'appellera Henri de Valois, roi de France et de Pologne.
Henri, en prononçant ces paroles, avait haussé la voix avec une sorte d'affectation, en signe de triomphe et pour échauffer l'enthousiasme de ses amis prêts à éclater, comme aussi pour achever d'écraser les ligueurs dont les sourds murmures décelaient le mécontentement, la surprise et l'épouvante.
Quant au duc de Guise, il était demeuré anéanti: de larges gouttes de sueur coulaient de son front; il échangea un regard avec le duc de Mayenne et le cardinal son frère, qui se tenaient au milieu des deux groupes de chefs, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche.
Monsoreau, plus étonné que jamais de l'absence du duc d'Anjou, commença à se rassurer en se rappelant les paroles de Henri III.
En effet, le duc pouvait être disparu sans être parti.
Le cardinal quitta sans affectation le groupe dans lequel il se trouvait et se glissa jusqu'à son frère.
– François, lui dit-il à l'oreille, ou je me trompe fort, ou nous ne sommes plus en sûreté ici. Hâtons-nous de prendre congé, car la populace est étrange, et le roi qu'elle exécrait hier va devenir son idole pour quelques jours.
– Soit, dit Mayenne, partons. Attendez notre frère ici: moi, je vais préparer la retraite.
– Allez.
Pendant ce temps, le roi avait signé l'acte préparé sur la table et dressé d'avance par M. de Morvilliers, la seule personne qui fût, avec la reine mère, dans la connaissance du secret; puis il avait, de ce ton goguenard qu'il savait si bien prendre dans l'occasion, dit en nasillant à M. de Guise:
– Signez donc, mon beau cousin.
Et il lui avait passé la plume.
Puis, lui désignant la place du bout du doigt:
– Là, là, avait-il dit, au-dessous de moi. Maintenant passez à M. le cardinal et à M. le duc de Mayenne.
Mais le duc de Mayenne était déjà au bas des degrés et le cardinal dans l'autre chambre.
Le roi remarqua leur absence.
– Alors, passez à M. le grand veneur, dit-il.
Le duc signa, passa la plume au grand veneur, et fit un mouvement pour se retirer.
– Attendez, dit le roi.
Et, pendant que Quélus reprenait d'un air narquois la plume des mains de M. de Monsoreau, et que non seulement toute la noblesse présente, mais encore tous les chefs de corporations convoqués pour ce grand événement s'apprêtaient à signer au-dessous du roi, et sur des feuilles volantes auxquelles devaient faire suite les différents registres où, la veille, chacun avait pu, qu'il fût petit ou grand, noble ou vilain, inscrire son nom en toutes lettres, pendant ce temps, le roi disait au duc de Guise:
– Mon cousin, c'était votre avis, je crois: faire, pour garde de notre capitale, une bonne armée avec toutes les forces de la Ligue? L'armée est faite et convenablement faite, puisque le général naturel des Parisiens, c'est le roi.
– Assurément, sire, répondit le duc sans trop savoir ce qu'il disait.
– Mais je n'oublie pas, continua le roi, que j'ai une autre armée à commander, et que ce commandement appartient de droit au premier homme de guerre du royaume. Tandis que moi je commanderai à la Ligue, allez donc commander l'armée, mon cousin.
– Et quand dois-je partir? demanda le duc.
– Sur-le-champ, répondit le roi.
– Henri! Henri! fit Chicot que l'étiquette empêcha de courir sus au roi pour l'arrêter en pleine harangue, comme il en avait bonne envie.
Mais, comme le roi ne l'avait pas entendu, ou, s'il l'avait entendu, ne l'avait pas compris, il s'avança révérencieusement, tenant à la main une énorme plume, et, se faisant jour jusqu'à ce qu'il fût près du roi:
– Tu te tairas, j'espère, double niais, lui dit-il tout bas.
Mais il était déjà trop tard. Le roi, comme nous l'avons vu, avait déjà annoncé au duc de Guise sa nomination, et lui remettait son brevet signé à l'avance, et cela malgré tous les gestes et toutes les grimaces du Gascon.
Le duc de Guise prit son brevet et sortit.
Le cardinal l'attendait à la porte de la salle, et le duc de Mayenne les attendait tous deux à la porte du Louvre.
Ils montèrent à cheval à l'instant même, et dix minutes ne s'étaient pas écoulées, que tous trois étaient hors de Paris.
Le reste de l'assemblée se retira peu à peu. Les uns criaient: Vive le roi! les autres: Vive la Ligue!
– Au moins, dit Henri en riant, j'ai résolu un grand problème.
– Oh! oui, murmura Chicot, tu es un fier mathématicien, va!
– Sans doute, reprit le roi, en faisant pousser à tous ces coquins les deux cris opposés, je suis parvenu à leur faire crier la même chose.
– Sta bene! dit la reine mère à Henri en lui serrant la main.
– Crois cela et bois du lait, dit le Gascon; elle enrage: ses Guises sont presque aplatis du coup.
– Oh! sire, sire, s'écrièrent les favoris en s'approchant tumultueusement du roi, la sublime imagination que vous avez eue là!
– Ils croient que l'argent va leur pleuvoir comme manne, dit Chicot à l'autre oreille du roi.