La Dame de Monsoreau Tome II
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Le dimanche gras de l'ann?e 1578, apr?s la f?te du populaire, et tandis que s'?teignaient dans les rues les rumeurs de la joyeuse journ?e, commen?ait une f?te splendide dans le magnifique h?tel que venait de se faire b?tir, de l'autre c?t? de l'eau et presque en face du Louvre, cette illustre famille de Montmorency qui, alli?e ? la royaut? de France, marchait l'?gale des familles princi?res. Cette f?te particuli?re, qui succ?dait ? la f?te publique, avait pour but de c?l?brer les noces de Fran?ois d'Epinay de Saint-Luc, grand ami du roi Henri III et l'un des favoris les plus intimes, avec Jeanne de Coss?-Brissac, fille du mar?chal de France de ce nom. Le repas avait eu lieu au Louvre, et le roi, qui avait consenti ? grand-peine au mariage, avait paru au festin avec un visage s?v?re qui n'avait rien d'appropri? ? la circonstance …' 'La Dame de Monsoreau' est, ? la suite de 'La Reine Margot', le deuxi?me volet du somptueux ensemble historique que Dumas ?crivit sur la Renaissance.
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Bussy était seul dans ce jardin avec madame de Monsoreau, car Remy et Gertrude se tenaient à distance: il s'approcha d'elle; Diane leva la tête.
– Monsieur le comte, dit-elle d'une voix timide, tout détour serait indigne de nous: si vous m'avez trouvée tout à l'heure à l'église Sainte-Marie-l'Égyptienne, ce n'est point le hasard qui vous y a conduit.
– Non, madame, dit Bussy, c'est le Haudoin qui m'a fait sortir sans me dire dans quel but, et je vous jure que j'ignorais…
– Vous vous trompez au sens de mes paroles, monsieur, dit tristement Diane. Oui, je sais bien que c'est M. Remy qui vous a conduit à l'église, et de force peut-être?
– Madame, dit Bussy, ce n'est point de force… Je ne savais pas que j'y devais voir…
– Voilà une dure parole, monsieur le comte, murmura Diane en secouant la tête et en levant sur Bussy un regard humide. Avez-vous l'intention de me faire comprendre que, si vous eussiez connu le secret de Remy, vous ne l'eussiez point accompagné?
– Oh! madame!
– C'est naturel, c'est juste, monsieur, vous m'avez rendu un service signalé, et je ne vous ai point encore remercié de votre courtoisie. Pardonnez-moi, et agréez toutes mes actions de grâces.
– Madame…
Bussy s'arrêta; il était tellement étourdi, qu'il n'avait à son service ni paroles ni idées.
– Mais j'ai voulu vous prouver, moi, continua Diane en s'animant, que je ne suis pas une femme ingrate ni un cœur sans mémoire. C'est moi qui ai prié M. Remy de me procurer l'honneur de votre entretien; c'est moi qui ai indiqué ce rendez-vous: pardonnez-moi si je vous ai déplu.
Bussy appuya une main sur son cœur.
– Oh! madame, dit-il, vous ne le pensez pas.
Les idées commençaient à revenir à ce pauvre cœur brisé, et il lui semblait que cette douce brise du soir qui lui apportait de si doux parfums et de si tendres paroles lui enlevait en même temps un nuage de dessus les yeux.
– Je sais, continua Diane, qui était la plus forte, parce que depuis longtemps elle était préparée à cette entrevue, je sais combien vous avez eu de mal à faire ma commission. Je connais toute votre délicatesse. Je vous connais et vous apprécie, croyez-le bien. Jugez donc ce que j'ai dû souffrir à l'idée que vous méconnaîtriez les sentiments de mon cœur.
– Madame, dit Bussy, depuis trois jours je suis malade.
– Oui, je le sais, répondit Diane avec une rougeur qui trahissait tout l'intérêt qu'elle prenait à cette maladie, et je souffrais plus que vous, car M. Remy, – il me trompait sans doute, – M. Remy me laissait croire…
– Que votre oubli causait ma souffrance. Oh! c'est vrai.
– Donc, j'ai dû faire ce que je fais, comte, reprit madame de Monsoreau. Je vous vois, je vous remercie de vos soins obligeants, et vous en jure une reconnaissance éternelle… Maintenant croyez que je parle du fond du cœur.
Bussy secoua tristement la tête et ne répondit pas.
– Doutez-vous de mes paroles? reprit Diane.
– Madame, répondit Bussy, les gens qui ont de l'amitié pour quelqu'un témoignent cette amitié comme ils peuvent: vous me saviez au palais le soir de votre présentation à la cour; vous me saviez devant vous, vous deviez sentir mon regard peser sur toute votre personne, et vous n'avez pas seulement levé les yeux sur moi; vous ne m'avez pas fait comprendre, par un mot, par un geste, par un signe, que vous saviez que j'étais là; après cela, j'ai tort, madame; peut-être ne m'avez-vous pas reconnu, vous ne m'aviez vu que deux fois.
Diane répondit par un regard de si triste reproche, que Bussy en fut remué jusqu'au fond des entrailles.
– Pardon, madame, pardon, dit-il; vous n'êtes point une femme comme toutes les autres, et cependant vous agissez comme les femmes vulgaires; ce mariage?
– Ne savez-vous pas comment j'ai été forcée à le conclure?
– Oui, mais il était facile à rompre.
– Impossible, au contraire.
– Mais rien ne vous avertissait donc que, près de vous, veillait un homme dévoué?
Diane baissa les yeux.
– C'était cela surtout qui me faisait peur, dit-elle.
– Et voilà à quelles considérations vous m'avez sacrifié. Oh! songez à ce que m'est la vie depuis que vous appartenez à un autre.
– Monsieur, dit la comtesse avec dignité, une femme ne change point de nom sans qu'il n'en résulte un grand dommage pour son honneur, lorsque deux hommes vivent, qui portent, l'un le nom qu'elle a quitté, l'autre le nom qu'elle a pris.
– Toujours est-il que vous avez gardé le nom de Monsoreau par préférence.
– Le croyez-vous? balbutia Diane. Tant mieux!
Et ses yeux se remplirent de larmes.
Bussy, qui la vit laisser retomber sa tête sur sa poitrine, marcha avec agitation devant elle.
– Enfin, dit Bussy, me voilà redevenu ce que j'étais, madame, c'est-à-dire un étranger pour vous.
– Hélas! fit Diane.
– Votre silence le dit assez.
– Je ne puis parler que par mon silence.
– Votre silence, madame, est la suite de votre accueil du Louvre. Au Louvre, vous ne me voyiez pas; ici vous ne me parlez pas.
– Au Louvre, j'étais en présence de M. de Monsoreau. M. de Monsoreau me regardait, et il est jaloux.
– Jaloux! Eh! que lui faut-il donc, mon Dieu! quel bonheur peut-il envier, quand tout le monde envie son bonheur?
– Je vous dis qu'il est jaloux, monsieur; depuis quelques jours il a vu rôder quelqu'un autour de notre nouvelle demeure.
– Vous avez donc quitté la petite maison de la rue Saint-Antoine?
– Comment! s'écria Diane emportée par un mouvement irréfléchi, cet homme, ce n'était donc pas vous?
– Madame, depuis que votre mariage a été annoncé publiquement, depuis que vous avez été présentée, depuis cette soirée du Louvre, enfin, où vous n'avez pas daigné me regarder, je suis couché; la fièvre me dévore, je me meurs; vous voyez que votre mari ne saurait être jaloux de moi, du moins, puisque ce n'est pas moi qu'il a pu voir autour de votre maison.
– Eh bien, monsieur le comte, s'il est vrai, comme vous me l'avez dit, que vous eussiez quelque désir de me revoir, remerciez cet homme inconnu; car, connaissant M. de Monsoreau comme je le connais, cet homme m'a fait trembler pour vous, et j'ai voulu vous voir pour vous dire: «Ne vous exposez pas ainsi, monsieur le comte, ne me rendez pas plus malheureuse que je ne le suis.»