Un Heros De Notre Temps – Le Demon
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Un h?ros de notre temps est constitu? de cinq r?cits. Dans le premier texte, B?la, un vieil officier, Maximitch, conte les aventures de Petchorin qui enleva B?la, la fille d'un prince tartare. Dans le second texte, le narrateur et Maximitch croisent Petchorin en route vers la Perse. C'est l'occasion pour le narrateur de r?cup?rer des extraits du journal tenu par Petchorin. Ayant appris la mort de P?tchorin, le narrateur publie ces extraits qui constituent les trois textes suivants: Taman, une histoire de contrebandiers, La Princesse Marie, dans lequelle le h?ros s?duit deux femmes, ce qui le conduit ? se battre en duel, et enfin Le Fataliste, o? le h?ros s'interroge sur la force de la destin?e.
Le D?mon est l'histoire du d?mon qui, survolant le Caucase, s'?prend d'une jeune fille, Tamara, qui attend son fianc?. Celui-ci n'arrivera jamais. Tamara se r?fugie ans un monast?re, mais le d?mon la poursuit, et sa vision hante les pens?es de la jeune fille.
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Tout était pour le mieux! cette nouvelle souffrance avait, comme on dit en langage militaire, produit en moi une heureuse diversion. Pleurer est très sain et puis certainement si je n’étais pas parti à cheval et si je n’avais pas été contraint de faire pour le retour quinze ventes, je n’aurais pu fermer les yeux et dormir de toute la nuit.
En arrivant à Kislovodsk, à cinq heures du matin, je me jetai sur mon lit et m’endormis du sommeil de Napoléon après Waterloo.
Lorsque je me réveillai, il faisait déjà sombre dehors et je m’assis auprès de la fenêtre entr’ouverte, mon habit déboutonné. La brise de la montagne vint rafraîchir ma poitrine encore agitée par la fatigue d’un sommeil lourd. Au loin, derrière la rivière, à travers la cime des épais tilleuls qui l’ombragent, je voyais briller les lumières du village, et de la forteresse. Dans notre cour tout était calme et chez les princesses tout était éteint. Le docteur entra chez moi; sa mine était sombre et contre l’ordinaire il ne me tendit pas la main.
«D’où venez-vous, docteur?
– De chez la princesse Ligowska, sa fille est malade. C’est une crise nerveuse; mais ce n’est pas de cela que je viens vous parler. Voici ce qu’il y a: l’autorité commence à avoir des soupçons et quoiqu’il soit impossible qu’on ait des preuves positives, je vous invite à vous tenir davantage sur vos gardes. La princesse m’a dit aujourd’hui qu’elle savait que vous vous étiez battu pour sa fille. C’est ce vieillard qui lui a tout raconté… Comment s’appelle-t-il? Il a été témoin de votre querelle avec Groutchnitski à l’hôtel. Je suis venu vous prévenir. Adieu! Peut-être ne nous reverrons-nous plus; on vous enverra qui sait où!»
Il s’était arrêté sur le seuil de la porte, avec l’envie de me serrer la main… Et si je lui en avais exprimé le plus petit désir, il se serait jeté à mon cou. Mais je restai froid comme un marbre et il sortit.
Voilà les hommes; ils sont tous ainsi: ils calculent d’avance toutes les bonnes ou mauvaises conséquences d’un événement. Ils vous aident, vous approuvent, vous encouragent même en voyant l’impossibilité d’un autre expédient; mais après ils s’en lavent les mains et se détournent avec indignation de celui qui a osé prendre sur lui tout le fardeau de la responsabilité. Ils sont tous ainsi, même les meilleurs, même les plus intelligents.
Le surlendemain matin, je reçus l’ordre de l’autorité supérieure de partir pour la forteresse de N… et j’allai faire mes adieux à la princesse.
Elle fut étonnée lorsque, me demandant si j’avais quelque chose de particulièrement sérieux à lui dire, je lui répondis que je lui souhaitais d’être heureuse, etc…
– Mais moi j’ai besoin de causer sérieusement avec vous.
Je m’assis en silence.
Il était clair qu’elle ne savait par où commencer; son visage était devenu livide et ses doigts enflés frappaient sur la table; enfin elle commença ainsi, d’une voix entrecoupée:
Écoutez-moi, Monsieur Petchorin, je crois que vous êtes un honnête homme.
Je m’inclinai.
Même j’en suis convaincue, continua-t-elle, quoique votre conduite inspire quelques doutes. Mais vous pouvez avoir des motifs que je ne connais pas et vous devez maintenant me les confier. Vous avez protégé ma fille contre la calomnie, vous vous êtes battu à cause d’elle, et par conséquent vous avez risqué votre vie… Ne me répondez pas, je sais que vous ne l’avouez pas, parce que M. Groutchnitski a été tué (elle se signa). Que Dieu lui pardonne je l’espère, et à vous aussi!… Cela ne me regarde pas… Je n’ose pas vous accuser, parce que ma fille, quoique involontairement, en a été le motif… Elle m’a tout dit… tout, je crois; vous lui avez exprimé de l’amour, elle vous a avoué le sien (ici elle soupira péniblement). Mais elle est malade, et je suis persuadée que ce n’est pas une simple maladie. Un chagrin secret la tue; elle ne me l’a pas avoué, mais je suis sûre que vous en êtes la cause… Écoutez-moi! Peut-être croyez-vous que je tiens au rang, à une grande richesse; détrompez-vous! Je veux le bonheur de ma fille. Votre situation pour le moment n’est pas à envier; mais tout peut s’arranger. Vous avez de la fortune, ma fille vous aime, et elle a été élevée de façon à rendre son mari heureux. Je suis riche et n’ai que cette fille… parlez; par quoi êtes-vous empêché? Voyez, je ne devrais pas vous dire tout cela: mais je compte sur votre cœur, sur votre honneur. Pensez que je n’ai qu’une fille… une fille unique.
Elle pleurait.
– Princesse! lui dis-je: il m’est impossible de vous répondre; permettez-moi d’avoir un entretien en tête-à-tête avec votre fille?
– Jamais! s’écria-t-elle, en se levant de sa chaise dans une grande agitation.
– Comme vous voudrez,» lui répondis-je en m’apprêtant à partir.
Elle devint pensive, me fit signe avec la main d’attendre un instant et sortit.
Cinq minutes s’écoulèrent; mon cœur battait avec violence, mais mon esprit était tranquille et ma tête froide, et vainement je cherchais en moi une étincelle d’amour pour cette chère Marie; mes efforts étaient inutiles.
Soudain la porte s’ouvrit et cette dernière entra: mon Dieu! comme elle était changée depuis le moment où je ne l’avais revue, et il y avait si peu de temps de cela?
En arrivant au milieu de la chambre elle chancela. Je m’élançai, lui présentai mon bras et la conduisis jusqu’à un fauteuil.
Je restai debout devant elle. Nous nous tûmes longtemps; ses grands yeux pleins d’une tristesse profonde semblaient chercher dans les miens quelque chose comme un peu d’espoir. Ses lèvres pâles s’efforçaient vainement de sourire; ses mains froides étaient croisées sur ses genoux, et si amaigries, si diaphanes, que cela me navra.
«Princesse! lui dis-je: vous savez que je me suis moqué de vous et vous devez me mépriser.
Une rougeur maladive vint colorer ses joues. Je continuai:
Par conséquent vous ne pouvez pas m’aimer.
Elle se détourna, s’accouda sur la table et couvrit ses yeux de ses mains. Je crus voir couler ses larmes.
– Mon Dieu! prononça-t-elle à peine distinctement.
Cela devenait insupportable: et encore un peu, je serais tombé à ses pieds.
– Ainsi, vous voyez bien vous-même, lui dis-je de la voix la plus ferme que je pus prendre, et avec un sourire contraint, vous voyez bien vous-même que je ne puis vous épouser. Si vous vouliez cela maintenant, vous ne tarderiez pas à vous en repentir. Mon entretien avec votre mère m’a obligé à vous parler à cœur ouvert et aussi durement. J’espère qu’elle se trompe réellement et il vous sera facile de la détromper peu à peu. Vous le voyez, je joue à vos yeux un bien triste et bien pénible rôle, et, je l’avoue franchement, c’est là tout ce que je puis faire pour vous. Quelque mauvaise que doive être l’opinion que vous aurez de moi, je la subirai. Vous voyez combien je suis vil auprès de vous? Et si même vous m’avez aimé, vous devez en ce moment me haïr?…