La Dame Aux Camelias
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Inspir? de sa relation avec Marie Duplessis, le roman puis le drame c?l?bre de Dumas fils est l'histoire de Armand et Marguerite qui parviendront ? vaincre tous les obstacles pour vivre leur amour.
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– Faudra-t-il attendre une réponse? Me demanda Joseph (mon domestique s'appelait Joseph, comme tous les domestiques).
– Si l'on vous demande s'il y a une réponse, vous direz que vous n'en savez rien et vous attendrez.
Je me rattachais à cette espérance qu'elle allait me répondre.
Pauvres et faibles que nous sommes!
Tout le temps que mon domestique resta dehors, je fus dans une agitation extrême. Tantôt me rappelant comment Marguerite s'était donnée à moi, je me demandais de quel droit je lui écrivais une lettre impertinente, quand elle pouvait me répondre que ce n'était pas M. de G… qui me trompait, mais moi qui trompais M. de G…; raisonnement qui permet à bien des femmes d'avoir plusieurs amants. Tantôt, me rappelant les serments de cette fille, je voulais me convaincre que ma lettre était trop douce encore et qu'il n'y avait pas d'expressions assez fortes pour flétrir une femme qui se riait d'un amour aussi sincère que le mien. Puis, je me disais que j'aurais mieux fait de ne pas lui écrire, d'aller chez elle dans la journée, et que, de cette façon, j'aurais joui des larmes que je lui aurais fait répandre.
Enfin, je me demandais ce qu'elle allait me répondre, déjà prêt à croire l'excuse qu'elle me donnerait.
Joseph revint.
– Eh bien? Lui dis-je.
– Monsieur, me répondit-il, madame était couchée et dormait encore, mais dès qu'elle sonnera, on lui remettra la lettre, et s'il y a une réponse on l'apportera.
Elle dormait!
Vingt fois je fus sur le point de renvoyer chercher cette lettre, mais je me disais toujours:
– On la lui a peut-être déjà remise, et j'aurais l'air de me repentir.
Plus l'heure à laquelle il était vraisemblable qu'elle me répondît approchait, plus je regrettais d'avoir écrit.
Dix heures, onze heures, midi sonnèrent.
À midi, je fus au moment d'aller au rendez-vous, comme si rien ne s'était passé. Enfin, je ne savais qu'imaginer pour sortir du cercle de fer qui m'étreignait.
Alors, je crus, avec cette superstition des gens qui attendent, que, si je sortais un peu, à mon retour je trouverais une réponse. Les réponses impatiemment attendues arrivent toujours quand on n'est pas chez soi.
Je sortis sous prétexte d'aller déjeuner.
Au lieu de déjeuner au café Foy, au coin du boulevard, comme j'avais l'habitude de le faire, je préférai aller déjeuner au Palais-Royal et passer par la rue d'Antin. Chaque fois que de loin j'apercevais une femme, je croyais voir Nanine m'apportant une réponse. Je passai rue d'Antin sans avoir même rencontré un commissionnaire. J'arrivai au Palais-Royal, j'entrai chez Véry. Le garçon me fit manger ou plutôt me servit ce qu'il voulut, car je ne mangeai pas.
Malgré moi, mes yeux se fixaient toujours sur la pendule.
Je rentrai, convaincu que j'allais trouver une lettre de Marguerite.
Le portier n'avait rien reçu. J'espérais encore dans mon domestique. Celui-ci n'avait vu personne depuis mon départ.
Si Marguerite avait dû me répondre, elle m'eût répondu depuis longtemps.
Alors, je me mis à regretter les termes de ma lettre; j'aurais dû me taire complètement, ce qui eût sans doute fait faire une démarche à son inquiétude; car, ne me voyant pas venir au rendez-vous la veille, elle m'eût demandé les raisons de mon absence, et alors seulement j'eusse dû les lui donner. De cette façon, elle n'eût pu faire autrement que de se disculper, et ce que je voulais, c'était qu'elle se disculpât. Je sentais déjà que, quelques raisons qu'elle m'eût objectées, je les aurais crues, et que j'aurais mieux tout aimé que de ne plus la voir.
J'en arrivai à croire qu'elle allait venir elle-même chez moi, mais les heures se passèrent et elle ne vint pas.
Décidément, Marguerite n'était pas comme toutes les femmes, car il y en a bien peu qui, en recevant une lettre semblable à celle que je venais d'écrire, ne répondent pas quelque chose.
À cinq heures, je courus aux Champs-élysées.
– Si je la rencontre, pensais-je, j'affecterai un air indifférent, et elle sera convaincue que je ne songe déjà plus à elle.
Au tournant de la rue royale, je la vis passer dans sa voiture; la rencontre fut si brusque que je pâlis. J'ignore si elle vit mon émotion; moi, j'étais si troublé que je ne vis que sa voiture.
Je ne continuai pas ma promenade aux Champs-élysées. Je regardai les affiches des théâtres, car j'avais encore une chance de la voir.
Il y avait une première représentation au Palais-Royal. Marguerite devait évidemment y assister.
J'étais au théâtre à sept heures.
Toutes les loges s'emplirent, mais Marguerite ne parut pas.
Alors, je quittai le Palais-Royal, et j'entrai dans tous les théâtres où elle allait le plus souvent, au Vaudeville, aux Variétés, à l'Opéra-Comique.
Elle n'était nulle part.
Ou ma lettre lui avait fait trop de peine pour qu'elle s'occupât de spectacle, ou elle craignait de se trouver avec moi, et voulait éviter une explication.
Voilà ce que ma vanité me soufflait sur le boulevard, quand je rencontrai Gaston qui me demanda d'où je venais.
– Du Palais-Royal.
– Et moi de l'Opéra, me dit-il; je croyais même vous y voir.
– Pourquoi?
– Parce que Marguerite y était.
– Ah! Elle y était?
– Oui.
– Seule?
– Non, avec une de ses amies.
– Voilà tout?
– Le comte de G… est venu un instant dans sa loge; mais elle s'en est allée avec le duc. À chaque instant, je croyais vous voir paraître. Il y avait à côté de moi une stalle qui est restée vide toute la soirée, et j'étais convaincu qu'elle était louée par vous.
– Mais pourquoi irais-je où Marguerite va?
– Parce que vous êtes son amant, pardieu!
– Et qui vous a dit cela?
– Prudence, que j'ai rencontrée hier. Je vous en félicite, mon cher; c'est une jolie maîtresse que n'a pas qui veut. Gardez-la, elle vous fera honneur.
Cette simple réflexion de Gaston me montra combien mes susceptibilités étaient ridicules.
Si je l'avais rencontré la veille et qu'il m'eût parlé ainsi, je n'eusse certainement pas écrit la sotte lettre du matin.
Je fus au moment d'aller chez Prudence et de l'envoyer dire à Marguerite que j'avais à lui parler; mais je craignis que pour se venger elle ne me répondît qu'elle ne pouvait pas me recevoir, et je rentrai chez moi après être passé par la rue d'Antin.