Tarass Boulba
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Chevauch?es h?ro?ques, combats furieux, m?l?es sanglantes, t?tes et corps fracass?s, d?membr?s, uniformes rutilants, tonnerre des canonnades, banni?res, cimiers et cris farouches d?ploy?s au vent de la steppe, rien ne manque ? cette ?pop?e russe ? la mani?re de Walter Scott. Pas m?me l'amour fatal d'un beau cosaque pour sa princesse polonaise. Mais quel rapport entretient donc ce Tarass Boulba flamboyant avec la modernit? kafka?enne des ?mes mortes ou du Manteau? Son th?me secret, d?velopp? comme dans une trag?die corn?lienne: le doute, qui sans cesse d?stabilise l'artiste dans sa qu?te d'absolu. Plusieurs fois trahi, ? commencer par son propre fils, le vieux Tarass s'obstine ? poursuivre un id?al menac?: sa religion, son peuple, la terre de ses anc?tres. Incarnant ainsi pour Gogol une sorte de fid?lit? invivable, qui ne peut se r?soudre que dans la mort.
Tarass Boulba est un Cosaque ukrainien, fier, vaillant, belliqueux – un Cosaque pour qui seules comptent sa foi orthodoxe, sa terre et la lutte imm?moriale contre les Polonais. Il accueille ses deux fils, Ostap et Andre?, qui rentrent de Kiev, ayant termin? leurs ?tudes ? l’universit?, et les conduit tr?s vite ? la "Setch", le campement militaire des Cosaques. Mais Andre?, le cadet, tombe amoureux d’une belle Polonaise et passe ? l’ennemi! Incapable de supporter cette trahison, son p?re le tue de ses mains. L’a?n?, Ostap, est fait prisonnier. D?s lors Tarass Boulba n’a plus qu’une id?e: le venger… Gogol ?crit la premi?re version de Tarass Boulba ? vingt-six ans et met toute la fougue de sa jeunesse dans cette superbe exaltation du peuple cosaque qu’il a connu dans l’enfance: avec Tarass Boulba, on chevauche au vent de la steppe, on se bat avec h?ro?sme et f?rocit?, on ripaille, on chante, bref on d?couvre la truculence de l’?pop?e ? la russe, immortalis?e au cin?ma par Yul Brunner et Harry Baur.
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– Périssent tous les ennemis, et que la terre russe se réjouisse dans la gloire pendant des siècles éternels!
Et il exhala le dernier soupir. Les Cosaques tournèrent la tête, et déjà, d'un côté, le Cosaque Métélitza faisait fête aux Polonais en assommant tantôt l'un, tantôt l'autre, et, d'un autre côté, l'ataman Névilitchki s'élançait à la tête des siens. Près d'un carré de chariots, Zakroutigouba retourne l'ennemi comme du foin, et le repousse, tandis que, devant un carré plus éloigné, le troisième Pisarenko a refoulé une troupe entière de Polonais, et près du troisième carré, les combattants se sont saisis à bras-le-corps, et luttent sur les chariots mêmes.
– Dites-moi, seigneurs, s'écria l'ataman Tarass, en s'avançant au-devant des chefs; y a-t-il encore de la poudre dans les poudrières? La force cosaque n'est-elle pas affaiblie? Les Cosaques ne commencent-ils pas à plier?
– Père, il y a encore de la poudre dans les poudrières; la force cosaque n'est pas affaiblie; les Cosaques ne plient pas encore.
Déjà Bovdug est tombé du haut d'un chariot. Une balle l'a frappé sous le cœur. Mais, rassemblant toute sa vieille âme, il dit:
– Je n'ai pas de peine à quitter le monde. Dieu veuille donner à chacun une fin pareille, et que la terre russe soit glorifiée jusqu'à la fin des siècles!
Et l'âme de Bovdug s'éleva dans les hauteurs pour aller raconter aux vieillards, morts depuis longtemps, comment on sait combattre sur la terre russe, et mieux encore comment on y sait mourir pour la sainte religion.
Bientôt après, tomba aussi Balaban, ataman de kourèn. Il avait reçu trois blessures mortelles, de balle, de lance, et d'un lourd sabre droit. Et c'était un des plus vaillants Cosaques. Il avait fait, comme ataman, une foule d'expéditions maritimes, dont la plus glorieuse fut celle des rivages d'Anatolie. Ses gens avaient ramassé beaucoup de sequins, d'étoffes de Damas et de riche butin turc. Mais ils essuyèrent de grands revers à leur retour. Les malheureux durent passer sous les boulets turcs. Quand le vaisseau ennemi fit feu de toutes ses pièces, une moitié de leurs bateaux sombra en tournoyant, il périt dans les eaux plus d'un Cosaque; mais les bottes de joncs attachées aux flancs des bateaux les sauvèrent d'une commune noyade. Pendant toute la nuit, les Cosaques enlevèrent l'eau des barques submergées avec des pelles creuses et leurs bonnets, en réparant les avaries. De leurs larges pantalons cosaques, ils firent des voiles, et, filant avec promptitude, ils échappèrent au plus rapide des vaisseaux turcs. Et c'était peu qu'ils fussent arrivés sains et saufs à la setch; ils rapportèrent une chasuble brodée d'or à l'archimandrite du couvent de Méjigorsh à Kiew, et des ornements d'argent pur pour l'image de la Vierge, dans le zaporojié même. Et longtemps après les joueurs de bandoura glorifiaient l'habile réussite des Cosaques. À cette heure, Balaban inclina sa tête, sentant les poignantes approches de la mort, et dit d'une voix faible:
– Il me semble, seigneurs frères, que je meurs d'une bonne mort. J'en ai sabré sept, j'en ai traversé neuf de ma lance, j'en ai suffisamment écrasé sous les pieds de mon cheval, et je ne sais combien j'en ai atteint de mes balles. Fleurisse donc éternellement la terre russe!
Et son âme s'envola.
Cosaques, Cosaques, ne livrez pas la fleur de votre armée. Déjà, l'ennemi a cerné Koukoubenko. Déjà, il ne reste autour de lui que sept hommes du kourèn de Nésamaïkoff, et ceux-là se défendent plus qu'il ne leur reste de force; déjà, les vêtements de leur chef sont rougis de son sang. Tarass lui-même, voyant le danger qu'il court, s'élance à son aide; mais les Cosaques sont arrivés trop tard. Une lance a pu s'enfoncer sous son cœur avant que l'ennemi qui l'entoure ait été repoussé. Il s'inclina doucement sur les bras des Cosaques qui le soutenaient, et son jeune sang jaillit comme une source, semblable à un vin précieux que des serviteurs maladroits apportent de la cave dans un vase de verre, et qui le brisent à l'entrée de la salle en glissant sur le parquet. Le vin se répand sur la terre, et le maître du logis accourt, en se prenant la tête dans les mains, lui qui l’avait réservé pour la plus belle occasion de sa vie, afin que, si Dieu la lui donnait, il pût, dans sa vieillesse, fêter un compagnon de ses jeunes années, et se réjouir avec lui au souvenir d'un temps où l'homme savait autrement et mieux se réjouir. Koukoubenko promena son regard autour de lui, et murmura:
– Je remercie Dieu de m'avoir accordé de mourir sous vos yeux, compagnons. Qu'après nous, on vive mieux que nous, et que la terre russe, aimée du Christ, soit éternelle dans sa beauté!
Et sa jeune âme s'envola. Les anges la prirent sous les bras, et l'empotèrent aux cieux: elle sera bien là-bas. «Assieds-toi à ma droite, Koukoubenko, lui dira le Christ, tu n'as pas trahi la fraternité, tu n'as pas fait d'action honteuse, tu n'as pas abandonné un homme dans le danger. Tu as conservé et défendu mon Église.» La mort de Koukoubenko attrista tout le monde: et cependant, les rangs cosaques s'éclaircissaient à vue d'œil; beaucoup de braves avaient cessé de vivre. Mais les Cosaques tenaient bon.
– Dites-moi, seigneurs, cria Tarass aux kouréni restés debout, y a-t-il encore de la poudre dans les poudrières? les sabres ne sont-ils pas émoussés? la force cosaque ne s'est-elle pas affaiblie? les Cosaques ne plient-ils pas encore?
– Père, il y a encore assez de poudre; les sabres sont encore bons, la force cosaque n'est pas affaiblie; les Cosaques n'ont pas plié.
Et les Cosaques s'élancèrent de nouveau comme s'ils n'eussent éprouvé aucune perte. Il ne reste plus vivants que trois atamans de kourèn. Partout coulent des ruisseaux rouges; des ponts s'élèvent, formés de cadavres des Cosaques et des Polonais. Tarass regarda le ciel, et vit s'y déployer une longue file de vautours. Ah! quelqu'un donc se réjouira! Déjà, là-bas, on a soulevé Métélitza sur le fer d'une lance; déjà, la tête du second Pisarenko a tournoyé dans l'air en clignant des yeux; déjà Okhrim Gouska, sabré de haut et en travers, est tombé lourdement.
– Soit! dit Tarass, en faisant signe de son mouchoir.
Ostap comprit le geste de son père; et, sortant de son embuscade, chargea vigoureusement la cavalerie polonaise. L'ennemi ne soutint pas la violence du choc; et lui, le poursuivant à outrance, le rejeta sur la place où l'on avait planté des pieux et jonché la terre de tronçons de lances. Les chevaux commencèrent à broncher, à s'abattre, et les Polonais à rouler par-dessus leurs têtes. Dans ce moment, les Cosaques de Korsoun, qui se tenaient en réserve derrière les chariots, voyant l'ennemi à portée de mousquet, firent une décharge soudaine. Les Polonais, perdant la tête, se mirent en désordre, et les Cosaques reprirent courage:
– La victoire est à nous! crièrent de tous côtés les voix zaporogues.
Les clairons sonnèrent, et on hissa le drapeau de la victoire. Les Polonais, défaits, fuyaient en tout sens.
– Non, non, la victoire n'est pas encore à nous, dit Tarass, en regardant les portes de la ville.
