Le Dernier Jour Dun Condamn?
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? la prison de Bic?tre, un condamn? ? mort note heure par heure les ?v?nements d'une journ?e dont il apprend qu'elle sera la derni?re. Il rappelle les circonstances de la sentence, puis de son emprisonnement et la raison qui le fait ?crire, jusqu'au moment o? il lui sera physiquement impossible de continuer. D?crivant sa cellule, d?taillant la progression de la journ?e, ?voquant d'horribles souvenirs comme le ferrement des for?ats, la complainte argotique d'une jeune fille, des r?ves, il en arrive au transfert ? la Conciergerie……
Hugo ne donne pas son nom, ne dit presque rien sur son pass?, ni pourquoi cet homme est emprisonn?. Peu importe! Ce texte est un plaidoyer contre la peine de mort, contre toutes les peines de mort, il n'a pour objet que cette mort qui appara?t dans toute son horreur inou?e et impensable, dans son inhumanit? intrins?que. Ce condamn? «anonyme», n'est personne, et donc tout le monde, et nous vivons sa peur et son Enfer.
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XV
Malheureusement je n’étais pas malade. Le lendemain il fallut sortir de l’infirmerie. Le cachot me reprit.
Pas malade! en effet, je suis jeune, sain et fort. Le sang coule librement dans mes veines; tous mes membres obéissent à tous mes caprices; je suis robuste de corps et d’esprit, constitué pour une longue vie; oui, tout cela est vrai; et cependant j’ai une maladie, une maladie mortelle, une maladie faite de la main des hommes.
Depuis que je suis sorti de l’infirmerie, il m’est venu une idée poignante, une idée à me rendre fou, c’est que j’aurais peut-être pu m’évader si l’on m’y avait laissé. Ces médecins, ces sœurs de charité, semblaient prendre intérêt à moi. Mourir si jeune et d’une telle mort! On eût dit qu’ils me plaignaient, tant ils étaient empressés autour de mon chevet. Bah! curiosité! Et puis, ces gens qui guérissent vous guérissent bien d’une fièvre, mais non d’une sentence de mort. Et pourtant cela leur serait si facile! une porte ouverte! Qu’est-ce que cela leur ferait?
Plus de chance maintenant! Mon pourvoi sera rejeté, parce que tout est en règle; les témoins ont bien témoigné, les plaideurs ont bien plaidé, les juges ont bien jugé. Je n’y compte pas, à moins que… Non, folie! plus d’espérance! Le pourvoi, c’est une corde qui vous tient suspendu au-dessus de l’abîme, et qu’on entend craquer à chaque instant, jusqu’à ce qu’elle se casse. C’est comme si le couteau de la guillotine mettait six semaines à tomber.
Si j’avais ma grâce? – Avoir ma grâce! Et par qui? et pourquoi? et comment? Il est impossible qu’on me fasse grâce. L’exemple! comme ils disent.
Je n’ai plus que trois pas à faire: Bicêtre, la Conciergerie, la Grève.