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Les Freres Karamazov

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Les Freres Karamazov
Название: Les Freres Karamazov
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Freres Karamazov - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

Ce chef d'oeuvre de Dosto?evski nous raconte l'histoire d'un p?re et de ses fils dans une petite ville russe, au XIXe si?cle. C'est ? la fois un roman «policier», psychologique, philosophique, c'est avant tout le roman de la Passion, cette passion pleine de violence et de sensualit?, si caract?ristique de l'«?me russe». Ce livre foisonnant vous «prend», vous embarque pour un voyage que vous ne regretterez pas.

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– Vraiment?

– Peut-être que non. En tout cas, elle ne viendra pas ce matin; je l’ai chargée d’une commission… Écoute, Ivan est notre esprit supérieur, c’est à lui de vivre, pas à nous. Il guérira.

– Figure-toi que Katia, malgré ses alarmes, ne doute presque pas de sa guérison.

– Alors, c’est qu’elle est persuadée qu’il mourra. C’est la frayeur qui lui inspire cette conviction.

– Ivan est de constitution robuste. Moi aussi, j’ai bon espoir, dit Aliocha non sans appréhension.

– Oui, il guérira. Mais elle a la conviction qu’il mourra. Elle doit beaucoup souffrir.»

Il y eut un silence. Une grave préoccupation tourmentait Mitia.

«Aliocha, j’aime passionnément Grouchegnka, dit-il tout à coup d’une voix tremblante, où il y avait des larmes.

– On ne la laissera pas avec toi, là-bas.

– Je voulais te dire encore, poursuivit Mitia d’une voix vibrante, si l’on me bat en route ou là-bas, je ne le supporterai pas, je tuerai et l’on me fusillera. Et c’est pour vingt ans! Ici, les gardiens me tutoient déjà. Toute cette nuit j’ai réfléchi, eh bien, je ne suis pas prêt! C’est au-dessus de mes forces! Moi qui voulais chanter un hymne, je ne puis supporter le tutoiement des gardiens. J’aurais tout enduré pour l’amour de Grouchegnka, tout… sauf les coups… Mais on ne la laissera pas entrer là-bas

Aliocha sourit doucement.

«Écoute, frère, une fois pour toutes, voici mon opinion à cet égard. Tu sais que je ne mens pas. Tu n’es pas prêt pour une pareille croix, elle n’est pas faite pour toi. Bien plus, tu n’as pas besoin d’une épreuve aussi douloureuse. Si tu avais tué ton père, je regretterais de te voir repousser l’expiation. Mais tu es innocent et cette croix est trop lourde pour toi. Puisque tu voulais te régénérer par la souffrance, garde toujours présent, partout où tu vivras, cet idéal de la régénération; cela suffira. Le fait de t’être dérobé à cette terrible épreuve servira seulement à te faire sentir un devoir plus grand encore, et ce sentiment continuel contribuera peut-être davantage à ta régénération que si tu étais allé là-bas. Car tu ne supporterais pas les souffrances du bagne, tu récriminerais, peut-être finirais-tu par dire: «Je suis quitte.» L’avocat a dit vrai en ce sens. Tous n’endurent pas de lourds fardeaux; il y a des êtres qui succombent… Voilà mon opinion, puisque tu désires tant la connaître. Si ton évasion devait coûter cher à d’autres officiers et soldats, «je ne te permettrais pas» (Aliocha sourit) de t’évader. Mais on assure (le chef d’étape lui-même l’a dit à Ivan) qu’en s’y prenant bien il n’y aura pas de sanctions sévères, et qu’ils s’en tireront à bon compte. Certes, il est malhonnête de corrompre les consciences, même dans ce cas, mais ici je m’abstiendrai de juger, car si, par exemple, Ivan et Katia m’avaient confié un rôle dans cette affaire, je n’aurais pas hésité à employer la corruption: je dois te dire toute la vérité. Aussi, n’est-ce pas à moi à juger ta manière d’agir. Mais sache que je ne te condamnerai jamais. D’ailleurs, c’est étrange, comment pourrais-je être ton juge en cette affaire? Eh bien, je crois avoir tout examiné.

– En revanche, c’est moi qui me condamnerai! s’écria Mitia. Je m’évaderai, c’était déjà décidé: est-ce que Mitia Karamazov peut ne pas fuir? Mais je me condamnerai et je passerai ma vie à expier cette faute. C’est bien ainsi que parlent les Jésuites? Comme nous le faisons maintenant, hé?

– En effet, dit gaiement Aliocha.

– Je t’aime, parce que tu dis toujours la vérité entière, sans rien cacher! dit Mitia radieux. Donc, j’ai pris Aliocha en flagrant délit de jésuitisme! Tu mériterais qu’on t’embrassât pour ça, vraiment! Eh bien, écoute le reste, je vais achever de m’épancher. Voici ce que j’ai imaginé et résolu. Si je parviens à m’évader, avec de l’argent et un passeport, et que j’arrive en Amérique, je serai réconforté par cette idée que ce n’est pas pour vivre heureux que je le fais, mais pour subir un bagne qui vaut peut-être celui-ci! Je t’assure, Alexéi, que cela se vaut! Au diable cette Amérique! je la hais déjà. Grouchegnka m’accompagnera, soit, mais regarde-la: a-t-elle l’air d’une Américaine? Elle est russe, russe jusqu’à la moelle des os, elle aura le mal du pays, et sans cesse je la verrai souffrir à cause de moi, chargée d’une croix qu’elle n’a pas méritée. Et moi, supporterai-je les goujats de là-bas, quand bien même tous vaudraient mieux que moi? Je la déteste déjà, cette Amérique! Eh bien, qu’ils soient là-bas des techniciens hors ligne ou tout ce qu’on voudra, que le diable les emporte, ce ne sont pas là mes gens! J’aime la Russie, Alexéi, j’aime le Dieu russe, tout vaurien que je suis! Oui, je crèverai là-bas!» s’écria-t-il, les yeux tout à coup étincelants. Sa voix tremblait.

«Eh bien, voici ce que j’ai décidé, Alexéi, écoute! poursuivit-il une fois calmé. Sitôt arrivés là-bas, avec Grouchegnka, nous nous mettrons à labourer, à travailler dans la solitude, parmi les ours, bien loin. Là-bas aussi il y a des coins perdus. On dit qu’il y a encore des Peaux-Rouges; eh bien! c’est dans cette région que nous irons, chez les derniers Mohicans. Nous étudierons immédiatement la grammaire, Grouchegnka et moi. Au bout de trois ans, nous saurons l’anglais à fond. Alors, adieu l’Amérique! Nous reviendrons en Russie, citoyens américains. N’aie crainte, nous ne retournerons pas dans cette petite ville, nous nous cacherons quelque part, au Nord ou au Sud. Je serai changé, elle aussi; je me ferai faire en Amérique une barbe postiche, je me crèverai un œil, sinon je porterai une longue barbe grise (le mal du pays me fera vite vieillir), peut-être qu’on ne me reconnaîtra pas. Si je suis reconnu, qu’on me déporte, tant pis, c’était ma destinée! En Russie aussi, nous labourerons dans un coin perdu, et toujours je me ferai passer pour américain. En revanche, nous mourrons sur la terre natale. Voilà mon plan, il est irrévocable. L’approuves-tu?

– Oui» dit Aliocha pour ne pas le contredire.

Mitia se tut un instant et proféra tout à coup:

«Comme on m’a arrangé à l’audience! Quel parti pris!

– Même sans cela, tu aurais été condamné, dit Aliocha en soupirant.

– Oui, on en a assez de moi, ici! Que Dieu leur pardonne, mais c’est dur!» gémit Mitia.

Un nouveau silence suivit.

«Aliocha, exécute-moi tout de suite! Viendra-t-elle ou non maintenant, parle! Qu’a-t-elle dit?

– Elle a promis de venir, mais je ne sais pas si ce sera aujourd’hui. Cela lui est pénible!»

Aliocha regarda timidement son frère.

«Je pense bien! Je pense bien! Aliocha, j’en deviendrai fou. Grouchegnka ne cesse de me regarder. Elle comprend. Dieu, apaise-moi, qu’est-ce que je demande? Voilà bien l’impétuosité des Karamazov! Non, je ne suis pas capable de souffrir! Je ne suis qu’un misérable!

– La voilà!» s’écria Aliocha.

À ce moment, Katia parut sur le seuil. Elle s’arrêta un instant et regarda Mitia d’un air égaré. Celui-ci se leva vivement, pâle d’effroi, mais aussitôt un sourire timide, suppliant, se dessina sur ses lèvres, et tout à coup, d’un mouvement irrésistible, il tendit les bras à Katia, qui s’élança. Elle lui saisit les mains, le fit asseoir sur le lit, s’assit elle-même, sans lâcher ses mains qu’elle serrait convulsivement. À plusieurs reprises, tous deux voulurent parler, mais se retinrent, se regardant en silence, avec un sourire étrange, comme rivés l’un à l’autre; deux minutes se passèrent ainsi.

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