Le Dernier Jour Dun Condamn?
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? la prison de Bic?tre, un condamn? ? mort note heure par heure les ?v?nements d'une journ?e dont il apprend qu'elle sera la derni?re. Il rappelle les circonstances de la sentence, puis de son emprisonnement et la raison qui le fait ?crire, jusqu'au moment o? il lui sera physiquement impossible de continuer. D?crivant sa cellule, d?taillant la progression de la journ?e, ?voquant d'horribles souvenirs comme le ferrement des for?ats, la complainte argotique d'une jeune fille, des r?ves, il en arrive au transfert ? la Conciergerie……
Hugo ne donne pas son nom, ne dit presque rien sur son pass?, ni pourquoi cet homme est emprisonn?. Peu importe! Ce texte est un plaidoyer contre la peine de mort, contre toutes les peines de mort, il n'a pour objet que cette mort qui appara?t dans toute son horreur inou?e et impensable, dans son inhumanit? intrins?que. Ce condamn? «anonyme», n'est personne, et donc tout le monde, et nous vivons sa peur et son Enfer.
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XI
Puisque le jour ne paraît pas encore, que faire de la nuit? Il m’est venu une idée. Je me suis levé et j’ai promené ma lampe sur les quatre murs de ma cellule. Ils sont couverts d’écritures, de dessins, de figures bizarres, de noms qui se mêlent et s’effacent les uns les autres. Il semble que chaque condamné ait voulu laisser trace, ici du moins. C’est du crayon, de la craie, du charbon, des lettres noires, blanches, grises, souvent de profondes entailles dans la pierre, ça et là des caractères rouillés qu’on dirait écrits avec du sang. Certes, si j’avais l’esprit plus libre, je prendrais intérêt à ce livre étrange qui se développe page à page à mes yeux sur chaque pierre de ce cachot. J’aimerais à recomposer un tout de ces fragments de pensée, épars sur la dalle; à retrouver chaque homme sous chaque nom; à rendre le sens et la vie à ces inscriptions mutilées, à ces phrases démembrées, à ces mots tronqués, corps sans tête, comme ceux qui les ont écrits.
À la hauteur de mon chevet, il y a deux cœurs enflammés, percés d’une flèche, et au-dessus: Amour pour la vie . Le malheureux ne prenait pas un long engagement.
À côté, une espèce de chapeau à trois cornes avec une petite figure grossièrement dessinée au-dessus, et ces mots: Vive l’empereur! 1824.
Encore des cœurs enflammés, avec cette inscription, caractéristique dans une prison: J’aime et j’adore Mathieu Danvin . JACQUES.
Sur le mur opposé on lit ce mot: Papavoine . Le P majuscule est brodé d’arabesques et enjolivé avec soin.
Un couplet d’une chanson obscène.
Un bonnet de liberté sculpté assez profondément dans la pierre, avec ceci dessous: – Bories. – La République. C ’était un des quatre sous-officiers de La Rochelle. Pauvre jeune homme! Que leurs prétendues nécessités politiques sont hideuses! Pour une idée, pour une rêverie, pour une abstraction, cette horrible réalité qu’on appelle la guillotine! Et moi qui me plaignais, moi, misérable qui ai commis un véritable crime, qui ai versé du sang!
Je n’irai pas plus loin dans ma recherche. – Je viens de voir, crayonnée en blanc au coin du mur, une image épouvantable, la figure de cet échafaud qui, à l’heure qu’il est, se dresse peut-être pour moi. – La lampe a failli me tomber des mains.