Le Dernier Jour Dun Condamn?
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? la prison de Bic?tre, un condamn? ? mort note heure par heure les ?v?nements d'une journ?e dont il apprend qu'elle sera la derni?re. Il rappelle les circonstances de la sentence, puis de son emprisonnement et la raison qui le fait ?crire, jusqu'au moment o? il lui sera physiquement impossible de continuer. D?crivant sa cellule, d?taillant la progression de la journ?e, ?voquant d'horribles souvenirs comme le ferrement des for?ats, la complainte argotique d'une jeune fille, des r?ves, il en arrive au transfert ? la Conciergerie……
Hugo ne donne pas son nom, ne dit presque rien sur son pass?, ni pourquoi cet homme est emprisonn?. Peu importe! Ce texte est un plaidoyer contre la peine de mort, contre toutes les peines de mort, il n'a pour objet que cette mort qui appara?t dans toute son horreur inou?e et impensable, dans son inhumanit? intrins?que. Ce condamn? «anonyme», n'est personne, et donc tout le monde, et nous vivons sa peur et son Enfer.
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VIII
Comptons ce qui me reste.
Trois jours de délai après l’arrêt prononcé pour le pourvoi en cassation.
Huit jours d’oubli au parquet de la cour d’assises, après quoi les pièces, comme ils disent, sont envoyées au ministre.
Quinze jours d’attente chez le ministre, qui ne sait seulement pas qu’elles existent, et qui, cependant, est supposé les transmettre, après examen, à la cour de cassation.
Là, classement, numérotage, enregistrement; car la guillotine est encombrée, et chacun ne doit passer qu’à son tour.
Quinze jours pour veiller à ce qu’il ne vous soit pas fait de passe-droit.
Enfin la cour s’assemble, d’ordinaire un jeudi, rejette vingt pourvois en masse, et renvoie le tout au ministre, qui renvoie au procureur général, qui renvoie au bourreau. Trois jours.
Le matin du quatrième jour, le substitut du procureur général se dit, en mettant sa cravate: – Il faut pourtant que cette affaire finisse. – Alors, si le substitut du greffier n’a pas quelque déjeuner d’amis qui l’en empêche, l’ordre d’exécution est minuté, rédigé, mis au net, expédié, et le lendemain dès l’aube on entend dans la place de Grève clouer une charpente, et dans les carrefours hurler à pleine voix des crieurs enroués.
En tout six semaines. La petite fille avait raison.
Or, voilà cinq semaines au moins, six peut-être, je n’ose compter, que je suis dans ce cabanon de Bicêtre, et il me semble qu’il y a trois jours, c’était jeudi.