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Les Quarante-Cinq Tome II

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Les Quarante-Cinq Tome II
Название: Les Quarante-Cinq Tome II
Автор: Dumas Alexandre
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Quarante-Cinq Tome II - читать бесплатно онлайн , автор Dumas Alexandre

Les Quarante-Cinq constitue le troisi?me volet du grand triptyque que Dumas a consacr? ? l'histoire de France de la Renaissance. Il ach?ve le r?cit de cette d?cadence de la seigneurie commenc? par La Reine Margot et poursuivi avec La Dame de Monsoreau. A cette ?poque d?chir?e, tout se joue sur fond de guerre : guerres de Religion, guerres dynastiques, guerres amoureuses. Aussi les h?ros meurent-ils plus souvent sur l'?chafaud que dans leur lit, et les h?ro?nes sont meilleures ma?tresses que m?res de famille. Ce qui fait la grandeur des personnages de Dumas, c'est que chacun suit sa pente jusqu'au bout, sans concession, mais avec panache. D'o? l'invincible sympathie qu'ils nous inspirent. Parmi eux, Chicot, le c?l?bre bouffon, qui prend la place du roi. C'est en lui que Dumas s'est reconnu. N'a-t-il pas tir? ce personnage enti?rement de son imagination ? Mais sa v?racit? lui permet d'?voluer avec aisance au milieu des personnages historiques dont il lie les destins. Dumas ayant achev? son roman ? la veille de la r?volution de 1848, Chicot incarne par avance la bouffonnerie de l'histoire.

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La nuit fut calme; le vent s'était éteint, comme si l'épée de Chicot avait pénétré dans l'outre qui l'entretenait.

Au point du jour, l'ambassadeur demanda son cheval, paya sa dépense et partit en disant:

– Nous verrons ce soir.

XXVI Comment Chicot continua son voyage et ce qui lui arriva

Chicot passa toute sa matinée à s'applaudir d'avoir eu le sang-froid et la patience que nous avons dits pendant cette nuit d'épreuves.

– Mais, pensa-t-il, on ne prend pas deux fois un vieux loup au même piège; il est donc à peu près certain qu'on va inventer aujourd'hui une diablerie nouvelle à mon endroit: tenons-nous donc sur nos gardes.

Le résultat de ce raisonnement, plein de prudence, fut que Chicot fit pendant toute la journée une marche que Xénophon n'eût pas trouvée indigne d'immortaliser dans sa retraite des Dix Mille.

Tout arbre, tout accident de terrain, toute muraille lui servaient de point d'observation ou de fortification naturelle.

Il avait même conclu, chemin faisant, des alliances, sinon offensives, du moins défensives.

En effet, quatre gros marchands épiciers de Paris, qui s'en allaient commander à Orléans leurs confitures de cotignac, et à Limoges leurs fruits secs, daignèrent agréer la société de Chicot, lequel s'annonça pour un chaussetier de Bordeaux, retournant chez lui après ses affaires faites. Or, comme Chicot, Gascon d'origine, n'avait perdu son accent que lorsque l'absence de cet accent lui était particulièrement nécessaire, il n'inspira aucune défiance à ses compagnons de voyage.

Cette armée se composait donc de cinq maîtres et de quatre commis épiciers: elle n'était pas plus méprisable quant à l'esprit que quant au nombre, attendu les habitudes belliqueuses introduites depuis la Ligue dans les mœurs de l'épicerie parisienne.

Nous n'affirmerons pas que Chicot professait un grand respect pour la bravoure de ses compagnons; mais, alors certainement, le proverbe dit vrai qui assure que trois poltrons ensemble ont moins peur qu'un brave tout seul.

Chicot n'eut plus peur du tout, du moment où il se trouva avec quatre poltrons; il dédaigna même de se retourner dès lors, comme il faisait auparavant, pour voir ceux qui pouvaient le suivre.

Il résulta de là qu'on atteignit sans encombre, en politiquant beaucoup, et en faisant force bravades, la ville désignée pour le souper et le coucher de la troupe.

On soupa, on but sec, et chacun gagna sa chambre.

Chicot n'avait épargné, pendant ce festin, ni sa verve railleuse qui divertissait ses compagnons, ni les coups de muscat et de bourgogne qui entretenaient sa verve: on avait fait bon marché entre commerçants, c'est-à-dire entre gens libres, de Sa Majesté le roi de France et de toutes les autres majestés, fussent-elles de Lorraine, de Navarre, de Flandre ou d'autres lieux.

Or, Chicot s'alla coucher après avoir donné, pour le lendemain, rendez-vous à ses quatre épiciers, qui l'avaient pour ainsi dire triomphalement conduit à sa chambre.

Maître Chicot se trouvait donc gardé comme un prince, dans son corridor, par les quatre voyageurs dont les quatre cellules précédaient la sienne, sise au bout du couloir, et par conséquent inexpugnable, grâce aux alliances intermédiaires.

En effet, comme à cette époque les routes étaient peu sûres, même pour ceux qui n'étaient chargés que de leurs propres affaires, chacun s'était assuré de l'appui du voisin, en cas de malencontre. Chicot, qui n'avait pas raconté ses mésaventures de la nuit précédente, avait poussé, on le comprend, à la rédaction de cet article du traité qui avait au reste été adopté à l'unanimité.

Chicot pouvait donc, sans manquer à sa prudence accoutumée, se coucher et s'endormir. Il pouvait d'autant mieux le faire qu'il avait, par renfort de prudence, visité minutieusement la chambre, poussé les verrous de sa porte et fermé les volets de sa fenêtre, la seule qu'il y eût dans l'appartement; il va sans dire qu'il avait sondé la muraille du poing, et que partout la muraille avait rendu un son satisfaisant. Mais il arriva, pendant son premier sommeil, un événement que le sphinx lui-même, ce devin par excellence, n'aurait jamais pu prévoir: c'est que le diable était en train de se mêler des affaires de Chicot, et que le diable est plus fin que tous les sphinx du monde.

Vers neuf heures et demie, un coup fut frappé timidement à la porte des commis épiciers logés tous quatre ensemble, dans une sorte de galetas, au-dessus du corridor des marchands, leurs patrons. L'un d'eux ouvrit d'assez mauvaise humeur, et se trouva nez à nez avec l'hôte.

– Messieurs, leur dit ce dernier, je vois avec bien de la joie que vous vous êtes couchés tout habillés; je veux vous rendre un grand service. Vos maîtres se sont fort échauffés à table en parlant politique. Il paraît qu'un échevin de la ville les a entendus et a rapporté leurs propos au maire; or, notre ville se pique d'être fidèle; le maire vient d'envoyer le guet qui a saisi vos patrons et les a conduits à l'Hôtel-de-Ville pour s'expliquer. La prison est bien près de l'Hôtel-de-Ville, mes garçons, gagnez au pied; vos mules vous attendent, vos patrons vous rejoindront toujours bien.

Les quatre commis bondirent comme des chevreaux, se faufilèrent dans l'escalier, sautèrent tout tremblants sur leurs mules et reprirent le chemin de Paris, après avoir chargé l'hôte d'avertir leurs maîtres de leur départ et de la direction adoptée, s'il arrivait que leurs maîtres revinssent à l'hôtellerie.

Cela fait, et ayant vu disparaître les quatre garçons au coin de la rue, l'hôte s'en alla heurter, avec la même précaution, à la première porte du corridor.

Il gratta si bien, que le premier marchand lui cria d'une voix de Stentor:

– Qui va là?

– Silence, malheureux! répondit l'hôte: venez auprès de la porte, et marchez sur la pointe des pieds.

Le marchand obéit; mais comme c'était un homme prudent, tout en collant son oreille à la porte, il n'ouvrit pas et demanda:

– Qui êtes-vous?

– Ne reconnaissez-vous pas la voix de votre hôte?

– C'est vrai; eh! mon Dieu, qu'y a-t-il?

– Il y a que vous avez à table un peu librement parlé du roi, et que le maire en a été informé par quelque espion, en sorte que le guet est venu. Heureusement que j'ai eu l'idée d'indiquer la chambre de vos commis, de sorte qu'il est occupé à arrêter là-haut vos commis au lieu de vous arrêter vous-mêmes ici.

– Oh! oh! que m'apprenez-vous? fit le marchand.

– La simple et pure vérité! Hâtez-vous de vous sauver, tandis que l'escalier est encore libre…

– Mais, mes compagnons?

– Oh! vous n'aurez pas le temps de les prévenir.

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