Les Pardaillan – Livre V – Pardaillan Et Fausta
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1590. ? Rome, Fausta, apr?s avoir mis au monde le fils de Pardaillan, b?n?ficie de la gr?ce du pape Sixte Quint, qui se pr?pare ? intervenir aupr?s du roi d'Espagne Philippe II dans le conflit qui l'oppose ? Henri IV roi de France. Fausta est investie d'une mission aupr?s de Philippe II: lui faire part d'un document secret par lequel le roi de France Henri III reconnaissait formellement Philippe II comme son successeur l?gitime sur le tr?ne de France. En France, le chevalier de Pardaillan est investi par Henri IV, absorb? par le si?ge de Paris, d'une double mission: d?jouer les manoeuvres de Fausta et obtenir de Philippe II la reconnaissance de la l?gitimit? d'Henri de Navarre comme roi de France. Pardaillan et Fausta s'affrontent ? S?ville. Pardaillan est aid? dans sa lutte par Cervant?s, qui reconna?t en lui le vrai Don Quichotte. Sortira-il vivant des traquenard tendus par le Grand Inquisiteur Don Espinoza et Fausta?
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– Je méditerai vos paroles, croyez-le bien, dit-il. En attendant, je veux vous traiter avec les égards dus à un homme de votre mérite. Vous plaîrait-il d’assister à l’autodafé dominical de demain?
– Mille grâces, Sire, mais ces sortes de spectacles répugnent à ma sensibilité un peu nerveuse.
– Je le regrette, monsieur, dit Philippe avec une amabilité sincère. Mais enfin je veux vous distraire et non vous imposer des spectacles qui, s’ils nous conviennent à nous, sauvages d’Espagne, peuvent en effet choquer votre nature raffinée de Français. Éprouvez-vous la même répugnance pour la corrida?
– Ah! pour cela, non! fit Pardaillan sans sourciller. J’avoue même que je ne serais pas fâché de voir une de ces fameuses courses. On m’a précisément parlé d’un toréador fameux en Andalousie, ajouta-t-il en fixant le roi.
– El Torero? fit le roi paisiblement. Vous le verrez… Vous êtes invité à la corrida d’après-demain lundi. Vous verrez là un spectacle extraordinaire, qui vous étonnera, j’en suis sûr, reprit Philippe avec cette intonation étrange qui fit dresser l’oreille à Pardaillan comme elle avait frappé Fausta l’instant d’avant.
Néanmoins le chevalier répondit:
– Je remercie Votre Majesté de l’honneur qu’elle veut bien me faire, et je ne manquerai pas d’assister à un aussi curieux spectacle.
– Allez, monsieur l’ambassadeur, je vous ferai connaître ma réponse à la demande de S. M. Henri de Navarre… Et n’oubliez pas la corrida, lundi. Vous verrez quelque chose de curieux… de très curieux…
«Ouais! songeait Pardaillan en s’inclinant, serait-ce quelque traquenard à mon intention?… Mordiable! il ne sera pas dit que ce sinistre despote m’aura fait reculer!»
Et en se redressant, l’œil étincelant:
– Je n’aurai garde d’oublier, Sire! Et en lui-même: Pas plus que tu n’oublieras les quelques vérités dont je t’ai gratifié.
Et d’un pas ferme, il se dirigea vers l’antichambre.
Derrière lui, sur un signe impérieux de Philippe II, Barba Roja se mit en marche.
En passant près de son maître, Barba Roja s’arrêta une seconde:
– Corrige-le, ridiculise-le devant tout le monde… mais ne le tue pas, murmura le roi.
Et le molosse sortit derrière Pardaillan en marmonnant:
– Diantre soit de la fantaisie du roi! C’était si facile de le prendre par le cou et de l’étrangler comme un poulet… ou bien encore quelque bon coup de dague ou d’épée et la besogne se trouvait proprement expédiée… Le corriger! passe encore, je sais, Dieu merci! comment m’y prendre… Mais le ridiculiser?… Que diable pourrai-je lui faire pour cela?
Barba Roja sorti, le roi se leva, vint se placer derrière une lourde portière de brocart, poussa légèrement la porte et de là se mit à surveiller attentivement ce qui allait se passer.
Pardaillan ne paraissait pas se douter qu’une ombre le suivait pas à pas. L’antichambre dans laquelle il venait de pénétrer était une vaste salle nue, garnie simplement d’immenses banquettes courant le long des murs. Elle était encombrée de courtisans, gentilshommes de service, officiers de garde, laquais chamarrés, allant et venant, affairés et pressés, huissiers immobiles, la baguette d’ébène à la main. Parmi les courtisans, les uns étaient assis sur les banquettes, d’autres se promenaient à petits pas, d’autres encore, groupés dans les embrasures de fenêtres, causaient entre eux. Devant certaines portes, un officier de garde, l’épée au poing, devant d’autres, un huissier.
De temps en temps, un page, vif et alerte, se faufilait adroitement dans la cohue, sans que nul ne fit attention à lui. D’autres fois, c’était quelque ecclésiastique qui traversait gravement, lentement, la salle. Devant celui-là, simple moine ou évêque, chacun s’effaçait, se courbait, car le roi exigeait de tous, grands ou petits, le plus profond respect pour tout ce qui portait l’habit religieux. Et comme le roi donnait lui-même l’exemple, chacun, pour être bien vu, s’empressait de renchérir sur Sa Majesté.
Dans une embrasure, Pardaillan reconnut des visages de connaissance. Il murmura:
– Tiens! les trois anciens ordinaires de Valois! Ils attendent sans doute leur maîtresse, la digne Fausta. Mais je ne vois pas ce brave Bussi, ni cet excellent neveu de M. Peretti.
Dans cette antichambre, où s’entassait une foule, on n’entendait que de vagues chuchotements ou le bruit étouffé des pas glissant sur les dalles de marbre. On se fût cru dans une église. Nul, ici, n’eût été assez téméraire pour élever la voix.
Curieux comme il l’était sous ses airs de ne pas l’être, Pardaillan fit Plusieurs fois le tour de la salle. Tout à coup il s’aperçut qu’un silence de mort planait maintenant sur cette foule tout à l’heure discrètement bruissante. Et, chose plus étrange encore, tout mouvement avait cessé. On eût dit que tous les assistants avaient été soudain pétrifiés, en sorte que Pardaillan avait l’air d’évoluer au milieu de statues.
L’explication de cet apparent phénomène est très simple.
Barba Roja cherchait toujours ce qu’il pourrait bien faire pour ridiculiser Pardaillan devant tous les assistants. Et comme il ne trouvait rien, il se contentait d’emboîter les pas du chevalier. Seulement son manège avait été vite remarqué. Alors un murmure se répandit de proche en proche: il allait se passer quelque chose. Quoi? On n’en savait rien. Mais chacun voulut voir et entendre. Chacun se tut et s’immobilisa dans l’attente du spectacle pressenti: comédie ou tragédie.
Et, au milieu du silence et de l’immobilité générale, Pardaillan devint le point de mire de tous les regards.
Il n’en parut nullement gêné d’ailleurs et, d’un pas très posé, il s’achemina vers la sortie.
Devant la porte, un officier se tenait raide comme à la parade. Derrière Pardaillan, Barba Roja fit un signe impérieux. L’officier, au lieu de s’effacer, tendit son épée en travers de la porte et, très poliment d’ailleurs, dit:
– On ne passe pas ici, seigneur!
– Ah! fit simplement Pardaillan. En ce cas veuillez me dire par où je pourrai sortir.
L’officier eut un geste vague qui embrassait toutes les issues sans en désigner aucune plus spécialement.
Pardaillan parut s’en contenter et ne dit rien. Résolument, au milieu de l’attention générale, il se dirigea vers une autre porte. Là, il se heurta à un huissier qui, comme l’officier, lui barra le chemin en étendant sa baguette et, très poliment, en saluant très bas, lui dit qu’on ne passait pas par là.
Pardaillan fronça légèrement le sourcil et eut par-dessus son épaule un coup d’œil qui eût donné fort à réfléchir à Barba Roja s’il avait pu le saisir au passage.
Mais Barba Roja ne vit rien. Barba Roja cherchait toujours comment s’y prendre pour ridiculiser le chevalier… Barba Roja ne trouvait toujours pas.
Pardaillan eut un regard circulaire, et, en lui-même:
– Par Pilate, je crois que ces laquais titrés se moquent de moi!
Et, avec un sourire aigu:
– Souriez, nobles cuistres, souriez!… Tout à l’heure vos sourires se changeront en grimaces, et c’est moi qui rirai.
Et, toujours imperturbable, il reprit sa promenade qui, soit hasard, soit intention, l’amena près des trois Ordinaires de Fausta.
Alors Montsery, Chalabre, Sainte-Maline s’avancèrent, saluèrent fort galamment le chevalier qui rendit le salut de son air le plus gracieux et, avec des sourires aimables, mais à voix basse, ils échangèrent rapidement ces quelques phrases:
– Monsieur de Pardaillan, dit Sainte-Maline, vous savez sans doute que nous avons mission de vous occire… ce que nous ferons, dès que nous le pourrons.
– Avec bien du regret cependant, dit Montsery avec sincérité.
– Car nous vous tenons en singulière estime, ajouta Chalabre avec une révérence impeccable.
Pardaillan se contenta de saluer de nouveau en souriant.
– Mais, reprit Sainte-Maline, il nous paraît qu’on cherche à vous faire jouer ici un rôle… ridicule. Excusez le mot, monsieur, c’est une constatation et non un commentaire désobligeant.
– Dites toujours votre pensée, messieurs, dit poliment Pardaillan.
– Eh bien! monsieur, dit Montsery, qui était toujours le plus fougueux des trois, la pensée de laisser berner un compatriote devant nous, sans protester, nous est insupportable.
– Surtout lorsque ce compatriote est un galant homme comme vous, monsieur, ajouta Sainte-Maline.
– Alors? Qu’avez-vous résolu, messieurs? dit Pardaillan qui se raidit comme il faisait toujours dans ses moments d’émotion.
– Vivedieu! monsieur, dit Chalabre en frappant sur la poignée de son épée d’une manière significative, nous avons résolu d’infliger à ces mangeurs d’oignon cru la leçon que mérite leur outrecuidance.
– Nous serons fort honorés, monsieur, de tirer l’épée à vos côtés, dit Sainte-Maline, en saluant galamment.