La Reine Margot Tome I
La Reine Margot Tome I читать книгу онлайн
Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Charles IX entra donc, comme nous l’avons dit, dans ce cabinet, et, après avoir fermé la porte principale par laquelle il était entré, il alla soulever une tapisserie qui masquait un passage donnant sur une chambre où une femme agenouillée devant un prie-Dieu disait ses prières.
Comme ce mouvement s’était fait avec lenteur et que les pas du roi, assourdis par le tapis, n’avaient pas eu plus de retentissement que ceux d’un fantôme, la femme agenouillée, n’ayant rien entendu, ne se retourna point et continua de prier, Charles demeura un instant debout, pensif et la regardant.
C’était une femme de trente-quatre à trente-cinq ans, dont la beauté vigoureuse était relevée par le costume des paysannes des environs de Caux. Elle portait le haut bonnet qui avait été si fort à la mode à la Cour de France pendant le règne d’Isabeau de Bavière, et son corsage rouge était tout brodé d’or, comme le sont aujourd’hui les corsages des contadines de Nettuno et de Sora. L’appartement qu’elle occupait depuis tantôt vingt ans était contigu à la chambre à coucher du roi, et offrait un singulier mélange d’élégance et de rusticité. C’est qu’en proportion à peu près égale, le palais avait déteint sur la chaumière, et la chaumière sur le palais. De sorte que cette chambre tenait un milieu entre la simplicité de la villageoise et le luxe de la grande dame. En effet, le prie-Dieu sur lequel elle était agenouillée était de bois de chêne merveilleusement sculpté, recouvert de velours à crépines d’or; tandis que la bible, car cette femme était de la religion réformée, tandis que la bible dans laquelle elle lisait ses prières était un de ces vieux livres à moitié déchirés, comme on en trouve dans les plus pauvres maisons.
Or, tout était à l’avenant de ce prie-Dieu et de cette bible.
– Eh! Madelon! dit le roi.
La femme agenouillée releva la tête en souriant, à cette voix familière; puis, se levant:
– Ah! c’est toi, mon fils! dit-elle.
– Oui, nourrice, viens ici.
Charles IX laissa retomber la portière et alla s’asseoir sur le bras du fauteuil. La nourrice parut.
– Que me veux-tu, Charlot? dit-elle.
– Viens ici et réponds tout bas. La nourrice s’approcha avec cette familiarité qui pouvait venir de cette tendresse maternelle que la femme conçoit pour l’enfant qu’elle a allaité, mais à laquelle les pamphlets du temps donnent une source infiniment moins pure.
– Me voilà, dit-elle, parle.
– L’homme que j’ai fait demander est-il là?
– Depuis une demi-heure.
Charles se leva, s’approcha de la fenêtre, regarda si personne n’était aux aguets, s’approcha de la porte, tendit l’oreille pour s’assurer que personne n’était aux écoutes, secoua la poussière de ses trophées d’armes, caressa un grand lévrier qui le suivait pas à pas, s’arrêtant quand son maître s’arrêtait, reprenant sa marche quand son maître se remettait en mouvement; puis, revenant à sa nourrice:
– C’est bon, nourrice, fais-le entrer. La bonne femme sortit par le même passage qui lui avait donné entrée, tandis que le roi allait s’appuyer à une table sur laquelle étaient posées des armes de toute espèce. Il y était à peine, que la portière se souleva de nouveau et donna passage à celui qu’il attendait. C’était un homme de quarante ans à peu près, à l’œil gris et faux, au nez recourbé en bec de chat-huant, au faciès élargi par des pommettes saillantes: son visage essaya d’exprimer le respect et ne put fournir qu’un sourire hypocrite sur ses lèvres blêmies par la peur. Charles allongea doucement derrière lui une main qui se porta sur un pommeau de pistolet de nouvelle invention, et qui partait à l’aide d’une pierre mise en contact avec une roue d’acier, au lieu de partir à l’aide d’une mèche, et regarda de son œil terne le nouveau personnage que nous venons de mettre en scène; pendant cet examen il sifflait avec une justesse et même avec une mélodie remarquable un de ses airs de chasse favoris.
Après quelques secondes, pendant lesquelles le visage de l’étranger se décomposa de plus en plus:
– C’est bien vous, dit le roi, que l’on nomme François de Louviers-Maurevel?
– Oui, Sire.
– Commandant des pétardiers?
– Oui, Sire.
– J’ai voulu vous voir. Maurevel s’inclina.
– Vous savez, continua Charles en appuyant sur chaque mot, que j’aime également tous mes sujets.
– Je sais, balbutia Maurevel, que Votre Majesté est le père de son peuple.
– Et que huguenots et catholiques sont également mes enfants.
Maurevel resta muet; seulement, le tremblement qui agitait son corps devint visible au regard perçant du roi, quoique celui auquel il adressait la parole fût presque caché dans l’ombre.
– Cela vous contrarie, continua le roi, vous qui avez fait une si rude guerre aux huguenots? Maurevel tomba à genoux.
– Sire, balbutia-t-il, croyez bien…
– Je crois, continua Charles IX en arrêtant de plus en plus sur Maurevel un regard qui, de vitreux qu’il était d’abord, devenait presque flamboyant; je crois que vous aviez bien envie de tuer à Moncontour M. l’amiral qui sort d’ici; je crois que vous avez manqué votre coup, et qu’alors vous êtes passé dans l’armée du duc d’Anjou, notre frère; enfin, je crois qu’alors vous êtes passé une seconde fois chez les princes, et que vous y avez pris du service dans la compagnie de M. de Mouy de Saint-Phale…
– Oh! Sire!
– Un brave gentilhomme picard?
– Sire, Sire, s’écria Maurevel, ne m’accablez pas!
– C’était un digne officier, continua Charles IX, – et au fur et à mesure qu’il parlait, une expression de cruauté presque féroce se peignait sur son visage, – lequel vous accueillit comme un fils, vous logea, vous habilla, vous nourrit.
Maurevel laissa échapper un soupir de désespoir.
– Vous l’appeliez votre père, je crois, continua impitoyablement le roi, et une tendre amitié vous liait au jeune de Mouy, son fils?
Maurevel, toujours à genoux, se courbait de plus en plus, écrasé sous la parole de Charles IX, debout, impassible et pareil à une statue dont les lèvres seules eussent été douées de vie.
– À propos continua le roi, n’était-ce pas dix mille écus que vous deviez toucher de M. de Guise au cas où vous tueriez l’amiral?
L’assassin, consterné, frappait le parquet de son front.
– Quant au sieur de Mouy, votre bon père, un jour vous l’escortiez dans une reconnaissance qu’il poussait vers Chevreux. Il laissa tomber son fouet et mit pied à terre pour le ramasser. Vous étiez seul avec lui, alors vous prîtes un pistolet dans vos fontes, et, tandis qu’il se penchait, vous lui brisâtes les reins; puis le voyant mort, car vous le tuâtes du coup, vous prîtes la fuite sur le cheval qu’il vous avait donné. Voilà l’histoire, je crois?